Prologue

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2005.

L'écran est blanc. Le curseur clignote, comme un rappel qu'il doit absolument écrire quelque chose pour se lancer dans cette sphère mystérieuse que représente encore Internet à ses yeux.

Alex soupire. Il fait reculer son fauteuil, se fait craquer les jointures des doigts. Il doit se lancer de toute façon, il n'a pas le choix.

Il observe machinalement le reste de son écran, histoire de gagner du temps. MSN est allumé, le petit bonhomme vert tout en bas, aligné le long du reste de ses icônes, le lui signale. « En ligne » avec le monde.

Il clique soudain, obéissant à une impulsion soudaine. La fenêtre apparaît, il tape l'adresse mail qu'il a devant les yeux.

« Demande de contact envoyée ».

Il patiente, le temps de voir s'afficher devant ses yeux impatients le petit bonhomme vert qui lui signalera qu'elle est en ligne.

Alex est de nature impatiente, voire stressée. Il est nerveux, il lui arrive parfois d'avoir un rush de stress et d'adrénaline pour pas grand-chose, et il doit faire avec.

Le bonhomme vert apparaît enfin. Il sourit en voyant son pseudo, tout simple, sans artifices et sans chichis. « Dom ».

Il a rajouté cette adresse sur MSN, sans connaître la personne qui se cache derrière, sans même savoir s'il s'agit d'une fille ou d'un garçon. Il se baladait sur la Toile, au hasard de ce samedi, et puis il a fini par débarquer sur son site favori, qui traite des sexualités qui ne rentrent pas dans cette sacro-sainte norme dont on lui a tellement rebattu les oreilles. Là, il a pu enfin comprendre qu'il était normal selon tous ces gens qui partagent les mêmes soucis que lui au quotidien. Et à quinze ans, la vie amoureuse et sexuelle est hautement préoccupante, si peu qu'on ne rentre pas les cadres normatisés de l'hétérosexualité.

Parfois, il arrive à Alex de se dire qu'il finira sa vie célibataire. Et cette pensée le déprime, encore plus que le simple fait qu'il n'arrivera tout simplement jamais à en parler avec sa famille. Ils sont déjà tellement étriqués d'esprit que ça lui fait peur, homosexualité et autres joyeusetés mises à part.

Alex s'est donc baladé sur le forum de ce site Internet qui l'a tellement aidé à se sentir bien dans sa peau. Il a glané quelques informations ici et là, et puis dans le sujet qui était consacré aux adresses MSN, il a récupéré celle d'un membre qui est présent depuis au moins deux ans, et qui avait accompagné son pseudo d'un message qui lui a énormément plu. Il lui avait envoyé un message privé en le prévenant qu'il l'ajouterait sur le logiciel de messagerie instantanée, et nous y voilà.

Sur l'écran blanc d'accueil, Alex a sa liste de contacts habituels avec qui il parle pour ne pas dire grand-chose de très intéressant – des conversations banales comme on en voit tellement.

Mais là, aujourd'hui, au milieu de tous ces contacts, il y a ce tout petit pseudo, qui n'a l'air de rien et qui pour lui, signifie qu'enfin il va pouvoir parler sans tabou à une personne qui traverse la même chose que lui. Et ça, c'est essentiel. Ca illumine sa journée.

Il clique sur la ligne, qui lui ouvre une fenêtre.

A nouveau, ce curseur noir qui clignote au milieu de tout ce blanc. Pour une fois, il ne se laisse pas le temps de réfléchir et de trop gamberger, il se lance.

« Salut. Ca va ? Moi c'est Alex, je t'ai envoyé un message privé il y a deux jours sur le site de « Tous Egaux, Tous Normaux ». »

Il attend. Le simple fait de penser qu'il n'aura pas forcément de réponse tout de suite l'angoisse un peu. Il se lève de sa chaise, file se chercher une clope et ouvre sa fenêtre en grand. Fumer ? Non. Crapoter, oui complètement. Il se donne un style, il dissimule des apparences derrière sa cigarette et la négligence soignée qu'elle lui offre. C'est le principal, à ses yeux.

RespirerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant