— Toi, tu vas m’en devoir une hostie de bonne, mon vieux. Qu’est-ce que tu as fait pour les attirer comme ça?

— Rien, je te jure. Je t’ai appelé et je suis retourné à l’auto. Il m’a pris une espèce de down et je me suis mis à pleurer. Les nerfs, probablement. Puis j’ai relevé la tête et ils étaient là qui marchaient vers moi. Je n’ai pas rêvé. Ils savent des choses.

— On ne paniquera pas. On va aller à la clinique et je vais t’amener au bunker en bas.

— Au bunker? Qu’est-ce que c’est que cette histoire?

— Quand j’ai fait bâtir l’édifice, j’ai demandé de faire une espèce de pièce en béton pour y entreposer les médicaments qui pourraient attirer les voleurs. C’est une sorte de voûte comme à la banque. C’est aéré et assez grand pour que tu puisses t’y étendre et dormir un peu. J’ai des couvertures et quelques oreillers. Tout ira très bien. On verra demain matin. Au moins, ils ne pourront pas sortir en plein jour au risque d’ameuter les loups de l’information.

— Tu veux m’enfermer dans un bunker? T’es pas un peu malade? Je suis claustrophobe. Je vais étouffer.

Il arrête la voiture et me pointe la porte :

— Descend donc, d’abord! Tu veux que je t’aide ou tu veux passer les dernières minutes de ta précieuse vie à te plaindre que les pommes de terre sont trop tièdes en attendant que ces Klingons te zappent?

Je le regarde en rongeant mes ongles. Il a raison. Pour le moment, c’est la seule possibilité.

— Ok, dépêchons-nous. Et toi? Et s’ils décident de s’en prendre à toi?

— Inquiète-toi pas. Je ne pense pas qu’elle soit en mesure de lire dans mes pensées. On n’a pas été assez intime pour ça. On arrive. Suis-moi!

Nous courrons sur le trottoir et il ouvre la porte sans trop de difficulté (on n’est pas dans un film d’horreur de troisième ordre où tout est cliché, tout de même!) Il regarde encore une fois derrière nous et il me fait signe de le suivre. Nous descendons une volée de marches et nous arrivons devant une porte blindée. Je siffle d’admiration :

— Qu’est-ce que tu caches là-dedans? De la cocaïne?

Mathieu sourit :

— Bien pire, mon vieux. Il y a là-dedans pour des milliers de dollars de produits qui feraient saliver les petits caïds du coin. Mais ne t’avise pas d’en essayer parce que je ne te garantis pas que je vais pouvoir t’aider à t’en sortir, surtout si tu n’as pas les bons dosages. Alors pas touche, c’est promis?

Je le rassure. Je suis guéri à tout jamais de la boisson. Je n’irai pas me mettre le nez dans la drogue. Mes veines sont déjà suffisamment intoxiquées.

Il ouvre enfin la porte après avoir fait la combinaison. Il y a en effet un peu de place pour que je puisse m’étendre. Il y a une lumière au plafond qui n’offre pas vraiment d’intimité, mais au prix que ça me coûte, je n’en ferai pas la critique. Je vais ravaler ma claustrophobie pour l’espace d’une nuit.

— Tu vas fermer le tout avec la barrure et tout?

Il acquiesce.

— Et qu’est-ce que je fais, s’il y a un incendie ou un tremblement de terre?

— Pour l’incendie, la pièce serait suffisamment isolée pour t’épargner le barbecue. Par contre, tu risquerais de manquer d’air au bout d’une couple d’heures. Mais je viendrais te tirer de là avant que tu n’aies le temps de t’apercevoir ce qui se passe. Pour le tremblement de terre, je ne peux rien garantir, mais comme c’est plutôt rare dans ce coin-ci de la planète, tu peux dormir sur tes deux oreilles. Je vais aller te chercher ce qu’il faut pour ton séjour dans ma prison de drogues.

Ma femme en bleu [version originale]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant