Chapitre 42 - Wiccecræft

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Dans les rues, quelques silhouettes commençaient à errer, cependant ils arrivaient enfin en vue de la maison de Clervie. Dès qu'ils se furent amarrés, Jan l'aida à s'extirper de l'embarcation. Lizzie n'était pas mécontente de retrouver la terre ferme, et de sentir sous ses pas les graviers crisser, et autour d'elle les effluves des fleurs qui s'ouvraient dans l'aube naissante.

Devant eux, les volets étaient clos, et seul le gargouillis de la fontaine et le piaillement de quelques oiseaux venaient troubler la quiétude du lieu. Lizzie inhala l'odeur du chèvrefeuille et des roses qui embaumaient l'air. Un instant, elle aurait pu se croire de retour dans le petit jardin de Jan à Faldenburg, ou même dans l'immensité du Pays d'en Haut. Les pensées de Jan devaient suivre le même chemin que les siennes, car il souffla :

— Vous pourriez revenir à la maison, vous savez. Si vous le désirez.

À la maison. Les mots crevèrent son cœur avec force et s'y fixèrent comme trois pointes de flèches. La maison. Le visage d'Ambroise dansa dans son esprit, et Lizzie serra les poings. Elle se contenta d'acquiescer.

— Lorsque tout cela sera fini, oui, murmura-t-elle.

Elle n'avait pas envie d'en discuter maintenant. Et pour couper court à ses pensées autant qu'au regard de Jan, elle prit le chemin de la maison encore endormie.

À l'intérieur, le couloir était plongé dans la pénombre. Seul l'œil-de-bœuf qui surplombait la porte laissait percer un fin rayon de lumière qui frappa le sol de marbre. À cette heure-ci, seul Hammond était levé. Lizzie percevait, diffus, les bruits de ses pas dans la salle à manger.

Mais alors qu'elle passait devant la porte de la pièce, la poignée tourna, dévoilant Clervie.

Échevelée, encore vêtue de sa tenue de nuit, le petit Brenn dormant à poings fermés dans ses bras.

— Lizzie, sauve-toi ! chuchota-t-elle.

Lizzie se figea sur place.

Sauve-toi.

Les mots s'emmêlèrent dans son esprit, vidés de tout leur sens.

Sauve-toi.

Ses yeux rencontrèrent ceux de Clervie – lueur d'affolement.

Sauve-toi.

Ses traits livides.

La main gantée de cuir noir qui se posa lourdement sur l'épaule de Clervie pour la dégager du chemin. Le bras puissant et les muscles tendus sous le tissu noir de l'uniforme. Le pistolet brillant à la ceinture. Et face à Lizzie, une figure inconnue et rougeaude, aux yeux sombres et aux traits volontaires.

Hébétée, les lèvres entrouvertes en un cri muet, Lizzie ne songea même pas à se débattre lorsque sa main, immense, s'abattit sur son bras pour la tirer violemment dans la salle à manger. Emportée par l'élan irrépressible qu'il lui imposait, Lizzie percuta la table de plein fouet, faisant voler en éclats les assiettes et les verres qui s'y trouvaient.

Elle entendit, à travers ses oreilles bourdonnantes, Jan crier. Le bébé de Clervie se mit à pleurer.

Profitant de la confusion, elle attrapa le premier couteau qui lui tomba sous la main.

— Oh non, certainement pas.

L'homme était apparu à ses côtés ; il broya son poignet, la forçant à lâcher prise, et son arme de fortune vint s'échouer sur le sol avec le reste de la vaisselle brisée. Dans le même mouvement, il remonta le voile qui dissimulait son visage, mais son regard ne marqua aucune surprise lorsque ses traits furent dévoilés. Simplement du dégoût, viscéral, aussi brûlant qu'une flamme ardente.

La Lame des Bas-Royaumes / 2 - La Guerre du Pays d'en HautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant