C'est un démon. La preuve est sous mes yeux. Il va aspirer mon âme pendant mon sommeil. Je me promets de verrouiller la porte de ma chambre toutes les nuits.

— Je vis dans cet appartement depuis plus longtemps que toi, répond platement Angel. Je connais le bruit de chaque tiroir. Et tu n'es pas discrète.

Excusez-moi, Monsieur a l'oreille absolue. J'ai failli oublier qu'il rejoue parfaitement des morceaux après les avoir écouté une seule fois.

Angel n'a même pas pris la peine d'ouvrir les yeux. Je m'attends à le voir se téléporter devant moi à la vitesse de l'éclair avant de me trancher la tête avec ce même couteau.

— Je peux être très discrète lorsque je le souhaite, je commence à manger mon yaourt. C'est juste que tu ne vaux pas tant d'effort.

En comprenant que je cite ses propres mots, mon colocataire esquisse un rictus arrogant. Bien sûr, désormais il a décidé de ne plus masquer lorsqu'il se fout de ma gueule. Je préférais encore quand il agissait comme le comptoir de la cuisine.

Son sourire me tape sur le système.

— Il est bientôt quinze heures, poursuit-il comme si de rien n'était. Tu devrais vraiment penser à adopter un rythme de vie plus sain.
— Quoi, maintenant tu vas me dire que tu sais aussi déterminer l'heure en fonction de la position du Soleil dans le ciel ?

— Non. Elle est juste écrite sur le four.

Je fronce les sourcils puis me tourne vers ledit équipement. Effectivement.

14h49.

Lorsque je ramène mon regard sur lui, Angel me dévisage. La vision des tâches d'or dans ses iris bruns me ramène à hier soir. Je me détourne afin de jeter mon yaourt vide et de contrer l'angoisse qui monte dans mes poumons.

Qu'il aille se faire foutre, putain.

— Tu comptes ressortir ce soir ? le fait qu'il continue la conversation me surprend. Il paraît que les trois premiers verres sont gratuits le samedi soir au Dive Bar.

Il sait très bien que je suis au courant de cette information. J'ai écumé tous les bars de cette ville. Tous, sans exception.

— Et toi ? contré-je. Tu comptes revoir Roxanne ?

Sans pouvoir me contrôler, je me mets à chanter la fameuse chanson pour l'emmerder un peu plus. Je suis surprise à l'instant où un coussin s'écrase sur mon visage. Il semble tomber au sol au ralenti tandis que je réalise qu'Angel m'a balancé un putain d'oreiller à la gueule.

Un geste aussi puéril de sa part me fige pendant deux bonnes minutes. Mon cerveau n'arrive pas à le croire. Pourtant, mon corps, lui, décide de ramasser ce stupide coussin et de l'envoyer sur lui.

Je suis plutôt douée en lancer, toutefois Angel le réceptionne d'une seule main, peu impressionné.

— T'es qui toi au juste ? je m'étrangle presque. Superman ?
— Non, juste quelqu'un d'assez perspicace pour prévoir les mouvements d'une fille aussi stupide que toi.

Stupide ? Attends, je tiens à rappeler qu'il est le premier à avoir commencé. Je me garde de rétorquer cela, il risquerait de dire que je suis puérile. À la place, j'envisage de reprendre le couteau et de le lui balancer. J'aimerais bien savoir s'il parviendrait à arrêter une lame avec autant de dextérité.

— Un jour, je fermerai ta sale petite gueule pour l'éternité, craché-je.

Angel s'étire avec une insolence que je ne croyais pas possible chez lui puis secoue la tête d'un air indolent.

Sativa: Feel in a HeartbeatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant