— J'ai toujours dit que c'était un sombre connard, conclut Johanne d'une voix froide.
Victoire grimaça.
— J'avoue que c'est mal parti pour les galipettes sous la couette.
— Je ne sais pas de quoi il parle, dis-je plus doucement. Je n'ai pas le souvenir d'avoir envoyé des messages qui auraient pu lui déplaire. En plus, je n'avais même pas de téléphone à l'époque, j'empruntais celui de ma mère.
Parfois, elle me laissait son portable pour que je puisse discuter avec mes amis. Nous étions jeunes, nos discussions n'avaient rien de très palpitant. En tout cas, dans mon souvenir, elles étaient rythmées par les histoires qui secouaient notre début de collège ; si à cette époque, j'y accordais beaucoup d'importance, ce n'était plus vraiment le cas aujourd'hui. J'observais néanmoins ces souvenirs avec un léger sourire. Tout le monde passait par là.
— Et puis, repris-je en resserrant mes bras autour de moi, peut-être qu'il a raison. Un peu, du moins. Peut-être que j'essaie d'attirer l'attention des autres, que j'amplifie mes problèmes, même inconsciemment. C'est une forme de manipulation, finis-je par dire d'une voix embarrassée.
Victoire me saisit par les épaules en secouant la tête.
— Louve, mon ange, soupira-t-elle. Si toi tu manipules les autres, alors Johanne est le plus gros bout en train que j'ai jamais connu.
Johanne leva les yeux au ciel.
— Plus sérieusement, sors-toi ces idées de la tête. S'il y a bien quelqu'un qui a bon fond ici, c'est toi. Et Annabelle, ajouta-t-elle en échangeant un regard approbateur avec Johanne.
— Il faut vraiment que tu t'éloignes de ce type. Même s'il essaie de te parler, et même si ton système limbique t'intime le contraire, insista Johanne.
— Mon système limbique ?
— Ce doit faire office de cœur chez les gens comme elle, rétorqua Victoire.
— Un cœur ne prend pas de décisions, maugréa Johanne. C'est ton cerveau qui s'en charge. Tes intestins à la limite.
— Génial, tu devrais en faire un poème ! Le mec avec qui tu ne coucheras jamais va adorer.
Après quelques secondes de silence, nous nous mîmes à rire. Johanne donna une tape amicale dans l'épaule de Victoire, mimant l'exaspération.
Au bout de cinq minutes de marche supplémentaires, nous arrivâmes dans la grande allée piétonne. À cette période de l'année, elle était illuminée par des décorations de Noël qui clignotaient de dizaines de couleurs. Entre les bâtisses, juste au-dessus de nos têtes, d'épaisses guirlandes vertes se rejoignaient pour supporter un gros flocon de neige lumineux. Partout, des sapins éclairés de petites lampes semblables à de jolies lucioles, des cloches au-dessus des portes ainsi que d'autres représentations telles que des traîneaux, des pères noël et d'adorables rênes.
— Comme c'est beau !
Annabelle s'était rapprochée de nous, ses yeux brillant dans la magie de Noël. Pour peu, nous aurions presque oublié la raison de notre présence ici.
Victoire nous traîna quelques mètres plus loin, devant un établissement qui se nommait « La bonne heure ». Dedans, il y avait déjà pas mal de monde.
— On n'est pas les seuls à avoir eu envie de célébrer le début des vacances, constata Johanne.
Des dizaines d'étudiants étaient serrées autour des tables sur lesquelles autant de verres vides s'empilaient. Les serveurs se frayaient un chemin difficile, sinuant parmi les gens saouls, leur plateau en équilibre sur leur bras tendu. Après avoir posé des verres pleins, ils récupéraient les vides : un ballet sans fin.
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Louve [En pause]
Teen Fiction« Le silence est une mélodie que je ne peux plus écouter. L'obscurité de la nuit est aussi celle qui voile mon cœur. » Pour sa dernière année de licence, Louve est de retour à Bagnan, une ville qu'elle a quittée dix ans plus tôt. Elle aimerait un no...
Chapitre 30
Depuis le début