Assise en face de ma mère, je l'analyse. Elle a toujours été comme ça. Depuis petite, je vois ma mère dépensée l'argent de mon père. Cela a toujours marché de cette manière, il gagne, elle dépense. Une des règles les plus simples à comprendre dans cette famille.

Petite, j'étais très contente de nos séances shopping entre filles. C'étaient toujours les meilleurs moments de la semaine, du mois. Elle était douce et aimante, j'aimais avoir ma maman apaisée, souriante. Elle m'offrait une tonne de vêtements que je ne portais pratiquement pas. Elle payait sans même essayer de comprendre. Les gamines de 8 ans portent toujours les mêmes vêtements, leurs vêtements préférés. Avec un regard plus adulte, je sais que c'était pour une bonne raison. Elle voulait me faire oublier leurs disputes incessantes avec mon père qui faisait trembler tous les murs de la maison. C'était sa manière d'essayer de se faire pardonner de la souffrance que je subissais. Elle était tellement malheureuse que l'immense haine en elle destinait à mon père était expulsée sur moi. J'étais son défouloir. Si je n'étais pas parfaite, c'était moi qui écopais du châtiment final. Du haut de mes 8 ans, je n'allais absolument rien exprimer contre ma mère. J'acceptais pensant que je méritais cette punition. Ce comportement m'a fortement impacté. Elle a créé la personne que je suis. Je suis devenue la version qu'elle voulait, la fille parfaite sortant tout droit de son imagination afin de ne pas être sanctionné.

Je ne lui pardonnerai jamais mais aujourd'hui, j'avance et elle aussi. Je sais qu'elle n'est plus la même. Sa thérapie l'a aidé à gérer sa frustration et sa colère contre mon père. Mais finalement, je viens à me dire: rien n'est jamais assez suffisant et assez bien pour elle. Sinon, elle n'aurait jamais fait une telle chose à notre famille.

Ma mère joue les stars de cinéma et les vendeurs répondent à ses moindres demandes. Elle aime ce pouvoir qu'elle détient sur les gens grâce à l'argent de mon père. Elle adore se sentir comme une princesse, avoir tout à sa portée. Le monde à ses pieds.

Après plus d'une heure à les perdre sur les réseaux sociaux pendant que ma mère demande à essayer le magasin en entier, elle finit enfin par trouver une parure hors de prix. Grâce à cette magnifique parure que nous pouvons tous enfin rentrée à la maison.

∾∾∾

La maison est plus que mouvementée, tous les employés de maison courent de tous les côtés. Du premier étage, je pouvais entendre chaque petit problème auquel ils étaient confrontés: problème de couvert, de serviette, de chaise. Je sais que mes parents ont sûrement demandé de sortir le grand jeu avec des idées impossibles à mettre en place.

L'image.

L'image doit être parfaite.

J'entends le bruit de plusieurs personnes qui cherchaient leurs chambres à mon étage. Certains des invités vont dormir sur place d'après ce que je comprends. Assise en face de ma coiffeuse, je tente désespérément de faire tenir mes cheveux dans un chignon bien coiffé. Je fus dérangé par la porte qui s'ouvrait.

— Je ne veux personne, j'ai pourtant été clair à ce que je sache. M'écriais-je dans une colère noire en me retournant vers la porte.

Je vis alors la tête de mes 4 grandes copines: Elya, Romy, Cassie et Eline.

Ma colère se dissipe instantanément à cette vue. Je les vis se diriger le plus vite possible vers moi. J'éclate de rire lorsqu'elles se jettent sur moi, me faisant perdre mon équilibre. Ces filles sont mes rayons de soleil.

— Alors la vie italienne, ça donne qu...

— Lorsque tes parents nous ont invités pour ce gala, on a sauté sur l'occasion. Dis Éline en coupant la parole à Romy qui lève les yeux au ciel d'un air exaspéré. Je me languissais tellement de te revoir.

Éline a toujours eu cette mauvaise habitude. C'est le genre de copine qui a besoin de rabaisser les autres dans le but de se faire mieux voir. Avec le temps, nous avons pris l'habitude et son attitude est devenue quelque chose de normal. Il est vrai que de temps en temps, c'est lourd et étouffant.

— Il est vrai que tu nous manques un peu trop. Ricane doucement Cassie

Il est vrai que je suis parti avec mes parents ici un peu hâtivement. L'image de la famille était bien trop touchée et je devais me montrer présente pour eux. J'ai toujours fait et je ferai toujours passer ma famille avant le reste. Je sais très bien qu'en travaillant pour mon père, je n'avais aucun souci à me faire niveau travaille.

- Je suis désolé, j'aurais dû vous en parler mais c'était compliqué avec l'autre abruti. Je n'ai aucun moment de répit. Dis-je d'un ton épuisé, bien trop surjoué.

Je sais pertinemment qu'elles sont au courant des raisons qui m'ont poussé à ne pas donner de nouvelles. Elles savent très bien que ce n'est pas totalement la faute d'Alexander. Je voulais être de mon côté, me retrouver avec moi-même.

Et puis, ce n'est pas comme si chaque mouvement que je peux faire été pris en photo et publié sur les réseaux ou les journaux. Ces trois dernières semaines, ont été celle où j'ai le plus vu de paparazzi. Chaque mouvement que je faisais en dehors de cette île était publié. Si on ouvre une page fan, je suis persuadée que l'on peut savoir où j'étais et avec qui en temps et en heure. La pression subie était lourde à porter, fatiguant. C'est un énorme sac à dos rempli de bricole que l'on porte continuellement, sur le long terme, il devient lourd et étouffant.

J'avais décroché de la conversation puisque les filles parlaient entre elles, sûrement un de ses nombreux débats sur les tenues et la liste des invités de ce soir. Avant chaque gala, les questions et les tenues sont les mêmes. Cependant, les questions se posent toujours et les réponses sont toujours aussi abstraites.

Je constate que Romy me regarde avec compassion. En seul regard, c'est comme si elle avait compris que je prenais énormément sur moi pour sauver l'image de ma famille. Elle lit en moi comme dans un livre ouvert posé devant elle. Cette fille a toujours été celle qui faisait la plus attention à moi. Elle est rentrée dans le groupe, il y a moins d'un an. Je l'ai rencontré sur un lieu de tournage pour une publicité. Le courant est de suite passée, prenant une grande place dans ma vie.

Clarisse jette un regard à sa montre et dit qu'il était temps d'aller se préparer pour le bal.

Une fois seule, je repris le combat intense de mes cheveux et la forme que je souhaite leur donner. Prête et seule face au miroir, je ne peux pas m'empêcher de me demander s'il posera les yeux sur moi. La question tourne en boucle. La petite-fille de 16 ans rêve d'un regard pétillant de sa part. La femme de 24 ans ne souhaite que le faire rager au fond de lui.

Le regard sur mon corps, j'examine chaque petit morceau de peau, chaque grain de beauté, tache ou rougeur. Je devrais me trouver magnifique, sans défaut. Pour autant, c'est seulement ce que je perçois.

— Allez Vic, tu es parfaite. Me dis-je à moi-même en me bougeant les épaules pour me motiver.

J'essaie de me rassurer, de reprendre confiance en moi. Les yeux clos, je respire lentement faisant ralentir mon rythme cardiaque. Je fais le vide dans ma tête, oubliant ces dix dernières minutes de doutes. Cette incertitude malsaine affectionne particulièrement de s'installer au mauvais moment.

Les yeux droits dans la glace, je jette un dernier coup d'œil à la personne que je présente lors de ce gala. Elle est parfaite.

Bien, allons marquer les esprits de ces messieurs.


Un seul pasWhere stories live. Discover now