Elle ouvrit d'une main et d'un pied la porte, récupéra le pied qu'elle avait laissé tomber, et ahana en traînant le cadavre derrière elle pour le faire rentrer dans les quartiers d'une Mayeri ébahie.
— Bonsoir Mayeri. Il y a eu quelques changements de plan. Peux-tu récupérer également... la petite fille ?
Ses mots s'étranglèrent dans sa gorge lorsqu'elle songea à Yrisbel. Mayeri ne posa aucune question, toujours dans son rôle mutique qu'elle semblait tout particulièrement affectionner, et elle attendit qu'ils soient tous les deux passés pour pouvoir entrer dans la chambre à coucher à son tour et en ramener une forme molle, enrobée de chiffons, dans ses bras.
— Il va falloir s'en débarrasser, expliqua Cassandra à son intention. Des deux.
À nouveau, elle lui retraça le plan dans les grandes lignes, et tandis que les yeux de Mayeri s'agrandissaient sous l'effet de la surprise, puis s'étrécissaient à nouveau tandis qu'elle encaissait les informations, elle songea qu'elle avait bien de la chance d'avoir ces deux-là à ses côtés. Seule, elle n'aurait jamais pu gérer une telle crise.
— Puis-je te laisser en disposer ? demanda-t-elle à la sorcière.
Cette dernière hocha la tête et lui signifia, par gestes familiers, connus d'elles seules, qu'il valait mieux d'ailleurs qu'elle ne soit pas là pour cela. En se rappelant du rituel terrifiant auquel elle avait assisté plus tôt dans la nuit, elle acquiesça sans protester.
— Merci, Mayeri, dit-elle à voix basse.
Une lueur d'affection sembla poindre dans les yeux sombres de la wiccane, et elle lui adressa un sourire racorni. Cassandra prit Leith par la main, le tira hors de la petite pièce, et soupira.
— Je suis désolée, je vais devoir te demander de retourner en cellule jusqu'à la fin de cette nuit d'enfer. Mais je t'assure que je ne te laisserai pas croupir là-bas.
— Bien sûr, princesse, sourit-il avec son ton taquin habituel.
Il s'inclina brièvement, guère pointilleux sur la rigueur du salut, puis disparut, refermant les grandes portes derrière lui. Cassandra grimaça, regarda rapidement les draps souillés de sang, songea qu'il faudrait certainement les faire nettoyer, même si au vu du peu de sang qui avait en vérité coulé, elle pouvait se permettre de le faire passer pour du sang de menstrues. Mais ce serait un problème à régler plus tard.
Plutôt que de s'attarder dans la chambre avec le fantôme de Raven et d'Yrisbel, elle préféra enfiler une chemise plus douce que celle qu'elle avait portée au-dehors, une robe de chambre par-dessus, et s'enferma dans le petit bureau attenant. Là, elle s'effondra dans le fauteuil, songea un instant à la situation, puis se saisit d'une plume et d'un parchemin pour essayer de coucher sur papier un discours qui pourrait rattraper au moins un peu la crise à venir.
Cher peuple d'Avalaën...
— Cher peuple d'Avalaën, entama-t-elle.
La foule était massive, aussi dense que le jour où Raven avait proclamé le retour de Laëtitia Zaor'Vil au palais. L'ironie de la situation n'échappait pas à Cassandra, mais elle ne pouvait guère se permettre de perdre l'attention du public, aussi embraya-t-elle rapidement sur les mots qu'elle avait écrits puis appris par cœur.
— Aujourd'hui est un jour de noir pour l'Empire, car l'Empereur a disparu.
Elle fit abstraction des cris qui s'élevaient.
— Si vous avez déjà essayé de sortir de la ville ce matin, vous aurez remarqué que les grandes portes sont barricadées, et que les contrôles d'identité à la sortie comme à l'entrée sont de rigueur. En effet, l'Empereur a décidé de prendre la fuite, d'abandonner son peuple et son Empire. Et, dans sa fuite, il a emmené notre fille, l'Avelke Yrisbel.
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Dynasties / Cassandra
FantasyEmpires naissants et royaumes à l'aube de leur gloire, contrées en déclin et cités dépéries. Sur le continent d'Uvrastryn, les souverains se succèdent, le pouvoir change de mains au gré des alliances et des complots. Trois femmes, en des temps diffé...
L'Usurpatrice (2)
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