Chapitre 4 - Récolter ce que l'on sème

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Lorsque nous arrivons devant la porte sécurisée, je sonne comme d'habitude, mais personne ne vient m'ouvrir. Saïd perd patience et commence à s'énerver sur l'interphone quand, enfin, la palissade métallique coulisse, laissant apparaître le Général Lee débraillé comme s'il sortait d'une bagarre. Lui qui est toujours tiré à quatre épingles, ça me fait un drôle d'effet de le voir aussi négligé. Oh, et j'oubliais : il a l'air carrément furax.

— Vous, venez avec moi ! m'ordonne-t-il.

J'obéis sans poser de question, en prenant soin de rester coller à mon ex. Quand j'arrive au bloc, je laisse échapper un petit cri de surprise. La pièce est sens dessus dessous : les chariots sont renversés, le rideau est arraché, des fioles brisées jonchent le sol et un des monitors est explosé. Le docteur Chen se tient assis sur son tabouret à roulettes, le visage caché entre ses mains ensanglantées. Deux soldats sont en train de ressangler sur son lit mon patient inconscient.

— Que s'est-il passé ? demandé-je d'une voix tremblante.

— L'enfoiré faisait semblant de dormir, me répond sèchement le lieutenant Lee en fusillant Chen du regard. Dès qu'il s'est senti d'attaque, il a arraché ses sangles et a quasiment étranglé le doc. Puis il s'est acharné sur la porte pour tenter de l'ouvrir, en vain évidemment. Chen a eu la présence d'esprit de sonner l'alerte avant de s'évanouir, nous nous y sommes mis à cinq pour tenter de le maîtriser à coup de tasers. Une bonne injection de sédatif plus tard, nous revoilà à ligoter ce bâtard avec des attaches plus solides.

— Cinq tasers ! Et un sédatif ? Quel dosage ?

— Trois grammes, soupire mon chef sans me regarder. En plus de ce qu'il avait déjà dans le sang.

— Impossible ! m'exclamé-je, horrifiée. Ces doses sont mortelles. Bon sang, mais vous allez le tuer !

— Et alors ! J'espère qu'avec tout ce que vous lui avez fait subir ces derniers jours, vous arriverez à nous expliquer comment un corps humain peut arracher des attaches aussi robustes, combattre à mains nues cinq soldats armés et entraînés, et réussir à en mettre trois KO ! Il a finalement perdu connaissance sous l'action des multiples décharges électriques que nous lui avons infligées. Et tout ça en étant dans un sale état et sédaté ! S'il le faut, je le refais passer sous un lance-flamme !

— Je vous avais dit que nous ne trouverions rien de plus que nos collègues, commença Chen.

— Les seuls à avoir pu approcher un de ces aliens d'aussi près, ce sont ces singes africains qui se prétendent bien meilleurs médecins que nous autres. Seriez-vous en train de donner raison à ses babouins, Docteur Chen ? L'éminent chirurgien de Chongqing ne vaut donc pas mieux que ces docteurs sur leurs bananiers ?

Lee est dans un état second. Ses yeux rouges expriment toute la puissance de sa haine et me terrorisent. Chen n'ajoute rien. Je n'ose plus respirer et recule jusqu'à entrer en contact avec Saïd, originaire d'Afrique du Nord, qui encaisse les propos racistes de son supérieur sans broncher. Le général tourne les talons et s'en va sans un mot de plus, suivi par ses hommes. Saïd m'embrasse sur le front, et la tendresse de ce petit geste me réchauffe le cœur. Puis il disparaît à la suite de ses collègues, le visage soucieux. Mon regard se porte sur le blessé. Il est tellement amoché, difficile de croire qu'il ait pu faire tout ce que Lee vient de me relater. Après quelques minutes de silence, Chen se relève.

— Mademoiselle Ferrat, je vous laisse rebrancher ses constantes. Je... j'ai besoin de me reposer. Bon sang, j'ai eu une de ces peurs. On ne se rend pas compte lorsqu'il est allongé, mais ce selcyn est très grand.

— Vous me laissez seule avec notre patient ? demandé-je avec une pointe d'inquiétude.

— Aussi surpuissant qu'il puisse être, il n'est pas près de revenir à lui. Vous l'avez dit vous-même : nous lui avons injecté une dose mortelle de sédatif. Laissez-moi une ou deux heures. Vous savez où se trouve le bouton d'alarme. Et vous avez une arme dans le deuxième tiroir de la console.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now