Chapitre 13 - Commettre un larcin

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21 avril 2289 - Cassy-3

Ces dernières quarante-huit heures, j'ai appris deux choses. La première, c'est que chaque toilette possède un bouton permettant de retourner le socle mural de l'urinoir bizarre pour faire apparaître un magnifique... truc pour faire caca. Les selcyns traitent différemment l'urine et les excréments, d'où ce système. Bref. Je ne m'attarderai pas sur le discours explicatif ultra détaillé de Sayan le Viking sur la question sous le regard attentif de mon ravisseur (pire que ma conversation en tête à tête avec K sur les suppositoires) !

La deuxième chose que j'ai apprise, c'est que je n'arriverai jamais à mettre la main sur cette tablette qui détient probablement les réponses à nos questions sur les incroyables capacités physiques des selcyns. Impossible de sortir de la chambre de Kalen sans sa présence (sauf quand Sayan ou Jafro m'accompagne aux toilettes). C'est la conclusion qui s'impose à moi alors qu'un enfoiré de rouquin me ramène à mon point de départ après m'avoir surprise non loin de la salle de sport numéro deux. J'étais pourtant fière d'avoir su échapper à la vigilance de Jafro. Toutefois, K ne m'a pas menti : Jofen, Jafro et Sayan sont des crèmes à côté des autres. Dès qu'il m'a aperçu, mon nouveau copain aux cheveux flamboyants m'a agrippé le bras sans ménagement, marmonnant un truc dans sa langue étrange, et depuis, il me traîne à vive allure dans les couloirs immaculés de Cassy-3. Il me fait mal ce bourrin ! Arrêt brutal, je manque de tomber, mais sa prise ferme me retient. Il déclenche l'ouverture de la porte et me jette comme une malpropre dans ma prison. Je fais un vol plané et atterris lourdement sur l'épaule droite en laissant échapper un petit cri de douleur.

Um mécasitab, Dulnor ! gronde une voix furieuse au-dessus de moi. J'ai pourtant été très clair, aucune violence à l'encontre de cette humaine !

— Pardonnez-moi, chef, fait le rouquin d'une voix monocorde. Je ne pouvais pas la laisser vagabonder dans nos couloirs. Vous nous avez assuré qu'elle ne se mêlerait pas à nous.

— Je pense n'avoir pas suffisamment insisté avec elle sur ce point. J'espère pour toi, Dulnor, qu'elle n'est pas blessée !

Je regarde Kalen fusiller du regard mon bourreau. Le voir prendre ma défense me provoque une sensation étrange dans mon ventre. Le rouquin incline légèrement la tête avant de repartir. Je m'apprête à souffler quand K déplace ses iris incandescents sur ma personne. Purée de chiotte, il est vraiment en colère. Je suis trop surprise pour en être effrayée. S'il y a bien une chose que j'ai remarquée, c'est que les selcyns ne montrent que rarement des signes d'émotions, quelles qu'elles soient. Je me relève prudemment pour lui faire face. Son corps est tendu, ses poings sont serrés. Je remarque aussi que ses cheveux ont encore poussé, tout comme sa barbe. Je me demande si ses aisselles et ses testicules sont toujours sensibles. Je m'égare, je devrais plutôt songer à m'inquiéter de mon sort au lieu de penser à... ça. Au moment où j'ouvre la bouche pour m'excuser, il prend la parole.

— Où as-tu mal, Chaton ? me demande-t-il d'une voix contenue.

— Ça va aller, je... je n'ai rien. Kalen, ne m'appelle pas...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il me saisit la taille pour me rapprocher de lui. Il regarde avec attention mon bras en l'effleurant du bout des doigts. Son geste est si délicat, en totale contradiction avec ses yeux et sa voix, que j'en frissonne.

— Tu vas avoir un bel hématome, me murmure-t-il. Dulnor sera puni. Laisse-moi regarder ton épaule.

Je ne suis plus qu'une poupée de chiffon. Je ne comprends pas la réaction de mon corps. Ni celle de Kalen. Il semble réellement soucieux de mon état de santé, et pour une raison inconnue, ça me trouble. Alors qu'il entame de doux massage, je réalise que je ferme les yeux. Bon sang, il faut que je me reprenne, que je réfléchisse.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant