Chapitre 19 - Des plans sur la comète

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27 avril 2289 - base de Tavira

Ma tablette doit être équipée de reconnaissance faciale, car à peine je l'approche de moi que la communication débute. Le visage de mon ravisseur m'apparaît en visio, mais sans hologramme. Je ne suis pas habituée aux écrans 2D, mais même ainsi, le voir apparaître sous mes yeux... ça me fait quelque chose. Ses cheveux d'un noir intense ont encore poussé et encadrent désormais son visage. Il se dégage de lui un charisme et une virilité accentuée par ses mâchoires carrées et sa barbe naissante. Ses yeux marron clair sourient à la place de sa bouche. Il semblerait presque espiègle, ce qui est impossible pour un Selcyn apathique. Je m'empêche d'être heureuse de son appel. Un peu de dignité, Lyna.

— K ! Qu'est-ce que tu me veux ? demandé-je en simulant mon agacement.

— Tu me manquais, Chaton. J'espère que tu ne fais pas de bêtises en mon absence.

Jafro l'a déjà mis au courant ? Que dois-je faire ? Nier ou avouer ? Je choisis l'option numéro trois : l'esquive. C'est aussi une de mes techniques secrètes.

— Quand reviens-tu ?

— Faut-il que j'en déduise que je te manque aussi ?

— Non, je veux juste savoir combien de temps il me reste pour faire mes bêtises, lui lancé-je avec un sourire narquois.

— Fais attention, Lyna, me dit Kalen en retrouvant totalement son sérieux. Tu pourrais te faire des ennemis ici. Je souhaite te protéger des miens, mais je ne peux pas te protéger de toi-même. Réfléchis bien à tes actes et à leurs conséquences. Personne ne te fera de mal si tu te montres respectueuse.

— Tes hommes ont détruit ma base, tué les miens. Tu m'as enlevée, puis séquestrée ! rétorqué-je, indignée. Le respect, c'est quelque chose qui se mérite, Kalen !

— Intéressante, cette réflexion, Chaton. Surtout quand on sait ce que j'ai subi avant d'arriver dans ton laboratoire. Et aussi durant mon court séjour là-bas.

— Je...

Il m'a eu. Je baisse les yeux, gênée. Un ange passe sans qu'aucun de nous ne mette fin à la communication. Ce silence entre nous n'est pas gênant. En réalité, j'apprécie vraiment cet appel. Certes, K est mon ravisseur. Mais il est également un repère dans ce milieu hostile, mon phare au milieu d'une mer déchaînée. Sa personnalité étonnante m'a empêchée de sombrer dans la terreur. Et je dois avouer que j'ai savouré certains de nos échanges. Alors oui, je peux dire qu'il m'a manqué d'une certaine façon. Il a suffi qu'il m'appelle Chaton pour que je m'en rende compte. Cela ne me fait pas oublier qu'il appartient au camp adverse, qu'il a tué et tuera des humains, et qu'il est l'un des acteurs d'un projet ignoble.

— J'ai discuté avec Jafro et Sayan, fais-je d'une voix calme.

— Ils ont toute ma confiance.

— Je comprends, ils sont plutôt... gentils. Enfin, pas hostiles. J'ai appris que ce projet de reproduction est un ordre de ton père et je commence à comprendre à quel point les ordres sont sacrés dans votre culture. Je t'avoue que je n'arrive pas à vous comprendre. Tout le monde suit, personne ne réfléchit au bien-fondé des demandes de ton père !

— Le Grand Consul n'est pas mon père dans le sens humain du terme, Lyna. Il n'est que mon géniteur. Le mot père te laisse entendre que nous sommes une famille, qu'il existe des liens entre nous. Enlève-toi ça de l'esprit.

— Tu m'as pourtant présenté Jofen comme étant ton frère.

— En effet, nous avons les mêmes ascendants génétiques. De ce fait, nos matricules sont proches pour garantir une bonne mixité lors des prochaines... enfin... à Selcyon, les matricules permettaient d'éviter les mélanges problématiques lors de la conception des nouvelles générations. Jofen et moi vivions ensemble et avions la même domestique. Outre nos gènes en commun et cette proximité quotidienne, nous avons tous les deux été entraînés ensemble à devenir chef et sous-chef de division. Nous avons donc appris à fonctionner en duo dès notre plus jeune âge. Il faut reconnaître que le Grand Consul retire une certaine fierté à voir des selcyns possédant son patrimoine génétique sur des postes à responsabilités, mais la filiation s'arrête là pour lui.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant