Chapitre 28 - Aux grands mots les grands moyens

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Il a verrouillé ma porte ! J'hallucine, cet enfoiré de K m'a enfermée dans ma chambre ! Il me connaît trop bien à présent. Je le hais, je le hais, je le hais ! En fait, je n'en suis pas sûre, mais c'est ce que je hurle en tambourinant ma porte. Je ne m'attends pas à une réponse, et pourtant, le déclic précédant l'ouverture me stoppe net dans ma fureur. La paroi coulisse vers le haut, laissant apparaître un Jafro à la mine inquiète. Merde, Kalen mis à part, il est le seul à me savoir condamnée à mort. Va-t-il suivre les ordres du grand manitou ? Je recule, soudain méfiante.

— Je ne te veux aucun mal, Lily. Kalen est parti. Je suis venu pour t'aider à t'enfuir.

— Qu... quoi ? bégayé-je. Toi ? Mais... tu prendrais de gros risques en désobéissant. Pourquoi tu ferais ça ?

— Pour toi, et pour Kalen, me répond-il en agitant ses boucles blondes. Si tu restes, il n'y aura que deux possibilités : soit Kalen obéit aux ordres du Grand Consul, et nous te perdons. Soit il refuse, ce qui me paraît plus probable, mais c'est lui qui sera exécuté, et toi avec quand les soldats t'auront retrouvée.

— Et toi, que te feront-ils quand ils sauront que tu m'as aidée ?

— Pourquoi le sauraient-ils ? me demande Jafro en fermant brièvement une paupière.

Est-ce que ma nounou de l'espace vient réellement de me faire un clin d'œil ? J'ai vraiment une bonne (ou mauvaise, selon le point de vue) influence sur les selcyns. Voilà le meilleur ami de Kalen, enfin le gars avec qui il a les meilleures interactions sociales de sa vie, prêt à trahir les siens. Je n'en reviens pas de ma chance ! Je cours récupérer la batterie sous les yeux étonnés de Jafro.

— Je dois retourner à Santa Luzia, informé-je mon complice. Laisse-moi là-bas avec un bidon d'essence, je trouverai une embarcation pour traverser la mer.

— Il me paraît plus prudent de partir en œuf.

— Mais bien moins discret, Jafro. Si tu te fais prendre, tu auras des ennuis. Contente-toi de me faire sortir par un endroit où je ne risque pas de me briser un os.

— Je continue de penser que l'œuf est le moyen le plus sûr, mais effectivement, si je m'éloigne trop, nous serons repérés par les radars. Tu penses pouvoir te débrouiller si je te laisse dans ce village ?

— Assurément, réponds-je d'une voix ferme.

— Alors, allons-y. Sayan nous couvre. Il ignore ta condamnation. Enfin... j'imagine que Jofen ne tardera pas à l'informer de ton sort. Ces deux-là s'appellent tous les jours. Je lui devrais des explications détaillées. Tout ce qui compte, c'est qu'il a compris que tu étais en danger, et il souhaite t'aider.

Je suis abasourdie par l'aide inattendue des selcyns. Je ne sais pas exactement de quelle manière Ragdnar Sayan nous couvre, mais effectivement, nous ne croisons personne dans les couloirs. Pour la deuxième fois de la journée, j'accède au toit du bâtiment. Il manque un tiers des suppos dorés. J'imagine que Kalen n'est pas parti seul. Nous n'avons pas le choix, Jafro et moi devons nous entasser dans un engin monoplace.

Nous gagnons Santa Luzia en moins de cinq minutes. Heureusement, car ainsi installés, le voyage n'est pas de tout confort. Je suis même heureuse de m'extirper de cette minuscule capsule. Jafro en sort également. Mince, pourquoi ne repart-il pas ? Je m'apprête à lui poser la question lorsqu'il me prend de court en m'attirant dans ses bras. Je suis figée par la surprise.

— Bonne chance, mon amie, me dit-il avec émotion. Tu vas nous manquer sur la base.

— Jafro... je... merci.

Est-ce bien réel ? Il m'a appelée amie ? Je suis bouleversée par cette marque d'affection. Je lui rends timidement son étreinte avant de m'en détacher.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now