Chapitre 29 - Contre mauvaise fortune, bon coeur

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19 juillet 2289 - base de Tavira

Je me réveille le corps courbaturé. Je réalise alors que mes mains sont liées et que je gis sur un sol dur. Affolée, j'ouvre les yeux pour constater que je suis dans une petite pièce blanche ne possédant pour tout ameublement qu'un urinoir à la selcyne. La mémoire me revient alors.

Quand mon zodiaque a atteint la rive, tout un comité d'accueil m'attendait. Le meneur de cette troupe peu sympathique n'était autre que Jofen, le frère de Kalen ayant glissé dans le corps d'une catcheuse aux courts cheveux cuivrés. Trois mois que je ne l'avais pas vu. Je le pensais à Bleiselcyon. En le reconnaissant, ma première pensée a été que Jofen devait forcément savoir pour l'ordre d'exécution me concernant. Et qu'il avait sans doute prévenu Sayan avec qui il entretient des liens particuliers. Effectivement, alors que je lui faisais face sur le quai, le frère de K a sorti un minuscule pistolet et m'a visé. Après, le trou noir. Jusqu'à maintenant.

Je me redresse, groggy et de mauvais poil. J'essaye de m'étirer, mais chaque mouvement m'arrache une grimace. Je devine qu'inconsciente, j'ai dû être ballotée sans ménagement. J'ai soif et faim, mais il n'y a rien pour combler mes besoins, pas même un gjustre saveur rat d'égout. Pourquoi nourrir une condamnée ? Je soupire en m'adossant au mur, accablée par un profond sentiment d'échec. Je ne pourrais pas les arrêter, ni les terriens ni les selcyns. Ai-je seulement pensé un instant pouvoir en être capable ? Et Kalen, l'a-t-il cru ? J'ai le sentiment d'avoir trahi tout le monde. Les terriens en ne parvenant pas à saboter les projets de leur ennemi, mais aussi les selcyns en tentant d'alerter Faraday-23 de ma présence sur Tavira. La mort ne me paraît pas être un châtiment si cruel, finalement. Je deviens mélodramatique, c'est à vomir. Je me préfère encore en version furieuse et hystérique, mais je me sens anormalement molle.

Chaque seconde pèse aussi lourd qu'une minute quand, enfin, la porte de ma geôle se soulève. Kalen apparaît, pâle et cerné. Ses cheveux noirs sont en pagaille et ses vêtements tout froissés. Il se précipite vers moi pour détacher mes liens et me tend une bouteille d'eau.

— Lyna ! s'écrie-t-il en me voyant à moitié assommée par l'engourdissement et la soif. Il est possible que tu te sentes troublée un moment, le calmant fera probablement encore effet quelques heures. Tiens, bois.

Mes mains étant encore toutes engourdies, il me tient délicatement l'arrière de la tête et porte la bouteille à mes lèvres. Que c'est bon ! Je me délecte de ce liquide salvateur. Une fois abreuvée, je dévisage Kalen. Il est vraiment très beau. Non, c'est le type qu'il a tué pour prendre son corps qui est charmant. Je secoue la tête pour faire taire cette voix en moi. Je vais mourir, ce n'est ni le moment de remuer un passé douloureux, aussi bien pour moi que pour lui, ni celui de fantasmer. J'affronte ses iris noisette inhabituellement inquiets. Ses mâchoires sont crispées, il me fait de la peine. Un frisson agite mon corps. C'est vrai que je ne me sens pas dans mon assiette. Les selcyns ont eu la main lourde sur le sédatif. J'ose tout de même prendre la parole.

— Je suis désolée, Kalen.

— Pourquoi l'es-tu, Chaton ?

— Si tu savais ce que j'ai fait, tu me tuerais immédiatement, sans l'ombre d'un remords, soupiré-je.

— Rien de ce que tu pourrais m'avouer ne me donnera envie de te faire du mal, Lily. Absolument rien.

— Pour commencer, je n'ai jamais cru en toi et en tes espoirs. Je t'ai laissé seul, obnubilée par l'idée de m'enfuir. Je n'ai réalisé que trop tard que tu avais raison. Oui, j'ai tissé des liens forts avec certains d'entre vous. Sayan et Jafro, pour commencer, qui se comportent avec moi comme le feraient de vrais amis. Parce que c'est ce qu'ils sont, mes amis. Terk, qui m'a appris ses techniques de boxe en faisant preuve d'une grande patience et de gentillesse. Et toi...

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant