Chapitre 30 - Passer entre les gouttes

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Kalen se précipite vers la porte qui reste verrouillée de l'intérieur. Il faudra une deuxième, puis une troisième explosion pour qu'il perde son calme et qu'il se mette à marteler la paroi comme un fou.

— Je te trouve un peu soupe au lait en ce moment, essayé-je de plaisanter en ignorant le puissant mal de tête qui me fait à présent souffrir.

— Notre situation risque de tourner en eau de saucisse, Chaton.

— En eau de boudin, peut-être, même si je ne serais pas contre une saucisse. Je veux bien évidemment parler de nourriture. Pour le moment.

Je ris toute seule de ma bêtise.

— Je ne connais pas d'autre sens au mot saucisse, Lily. Ce que je veux dire, c'est que si nous ne sortons pas rapidement d'ici, nous allons au-devant de gros ennuis.

— Tu ne cesseras jamais de m'épater, K.

Cette fois, c'est sûr, je deviens barge. Je suis enfermée dans une cellule selcyne, à quelques minutes d'être exécutée, à moins, évidemment, qu'une bombe ne m'achève avant. Et pourtant, je trouve le moyen de plaisanter avec Kalen. Et cet idiot joue le jeu. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, c'est affligeant. C'est merveilleux.

Quatrième explosion, plus proche de nous. J'ai la tête comme un compteur. Quand je pense qu'il nous a fallu arriver à cet extrême pour nous rouler un patin. Ma libido plus vive que le reste m'envoie un enchaînement de pensées salaces à l'esprit. Je laisse échapper un petit hoquet de rire.

— Que t'arrive-t-il encore ? s'étonne Kalen en fronçant les sourcils.

— Oh, rien, réponds-je en souriant. C'est juste que je me disais que, comme nous allons mourir ici parce que personne ne va nous ouvrir, peut-être as-tu envie de goûter aux plaisirs charnels avant de passer l'arme à gauche ?

— Tu perds la tête, Chaton. Tu es en train de me proposer de m'accoupler avec toi en pleine attaque. Il doit te rester une dose légère de calmant dans l'organisme, ça te fait délirer.

— Pas de m'accoupler dans le sens reproductif du terme, m'expliqué-je, vexée. Juste une partie de jambe en l'air, ça serait bête de mourir sans savoir ce que c'est, tu ne crois pas ?

Kalen me scrute de la tête aux pieds, dubitatif. J'ai l'impression que je viens de me prendre un vent, et ça me fait encore plus rire. Il a raison, il doit me rester je-ne-sais-quoi dans le sang, je ne suis clairement pas dans mon état normal. C'est alors qu'il se passe trois choses à quelques secondes d'intervalle : premièrement, K me saisit par la taille et m'attire avec force contre lui, provoquant en moi des fourmillements d'excitation. Deuxièmement, notre porte se soulève. Et enfin, nous avons à peine le temps de reconnaître Jafro qu'une cinquième explosion nous propulse au sol dans un vacarme assourdissant.

Mes oreilles sifflent, une douleur irradie depuis le bas de mon dos. Mais je n'ai pas le temps de terminer le tour du propriétaire : Kalen me soulève. Je vois ses lèvres bouger, mais je n'entends rien. Puis nous partons derrière nounou Jafro. Ma vue s'embrouille, j'ai la nausée. Après un temps indéterminé, K me pose au sol. Le bourdonnement dans mes tympans se calme enfin. Je constate que Sayan et Terk sont également présents.

— Tu as mauvaise mine, me dit ce dernier.

— Je n'ai pas eu l'occasion de me pomponner ce matin, le raillé-je.

— Mais tu n'as pas perdu ta répartie, me voilà rassuré ! continue-t-il avec une esquisse de sourire. Bien, Chef Kalen, nous attendons vos ordres.

— Je ne suis plus chef, Terk, soupire mon selcyn. Le Grand Consul a nommé mon frère à cette place. Je dois être jugé pour trahison.

— Nous refusons d'obéir à Jofen, réplique Jafro. Et à quiconque souhaiterait du mal à notre Lyna.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant