Chapitre 32 - Retour au bercail

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20 juillet 2289 - Faraday-23 proche d'Alger

Je savoure le calme après la tempête. Depuis que je suis arrivée à Faraday-23, je n'ai pas touché terre. Après un voyage glacial dans l'hélico, j'ai été reçue comme une VIP par le Général Hassan et son équipe médicale. Le contraste était saisissant. L'homme avait l'air sincèrement inquiet de mon sort et s'est adressé à moi avec une voix douce et pleine de compréhension. L'exact opposé du Général Lee. J'avoue que son accueil m'a fait chaud au cœur, j'avais profondément besoin d'humanité pour ne pas sombrer.

J'ai subi un nombre incalculable d'examens afin de vérifier mon état de santé. J'imagine que les soldats ont profité de ce moment pour raconter en détail ma libération, car Hassan semblait perplexe quand je l'ai revu. Il me regardait avec un mélange de curiosité et d'embarras. Je comprends : il devait s'attendre à une victime traumatisée par la cruauté des selcyns, pas à une folle prête à cogner ses sauveurs pour les protéger. Il a finalement ordonné à une jeune lieutenante de m'emmener dans une chambre classique, mais à l'allure de nouvelle cellule de détention pour moi. Revoir un vrai lit et de vraies toilettes m'a fait tout drôle, mais je n'en peux plus d'être enfermée. Et j'ai repensé à Tavira. J'ai pleuré, assez longtemps, me semble-t-il. J'ai versé des larmes jusqu'à avoir la tête à deux doigts d'exploser. Jusqu'à sombrer dans un sommeil agité.

Ce matin, j'ai toujours mal au crâne. Mais le silence m'apaise. Je n'arrive pas à fermer les yeux sans voir Terk s'écrouler au sol, ou Kalen se faire tirer dessus. Tout est de ma faute, je me sens tellement mal. Ma conscience, accusatrice, ne cesse de me tourmenter : je suis celle qui a rameuté les forces terriennes à Tavira, et celle qui le regrette au lieu de s'en réjouir. Que vais-je dire au Général Hassan ? Il est évident que cette journée sera consacrée aux interrogatoires. Rien que d'y penser, mon cœur se serre. Un déclic m'annonce la venue d'un visiteur. La porte s'ouvre en grinçant et la jeune lieutenante de la veille entre timidement. Elle a coiffé son épaisse chevelure frisée en un chignon strict et porte un haut chocolat au lait assorti à sa peau. Ses yeux sombres ne reflètent aucune animosité, bien au contraire. J'observe sa silhouette athlétique du coin de l'œil.

— Bonjour Docteur Ferrat, je viens vous chercher pour le petit déjeuner.

— Je n'ai pas très faim, fais-je en détournant le regard. Et appelez-moi Lyna.

— Entendu. Moi, c'est Sam, Samantha Clarson.

Je ne réponds rien, mais Sam ne s'en va pas pour autant. Je finis par la dévisager à nouveau. Elle paraît brusquement mal à l'aise. Quel âge peut-elle avoir ? Dix-sept ou dix-huit ans, probablement pas plus. Comment a-t-elle pu obtenir des grades si jeune ?

— Que me voulez-vous, Sam ? demandé-je sans émotion.

— C'est juste que... beaucoup de rumeurs courent déjà à votre sujet. Je voulais vous prévenir que vous risquez de rencontrer quelques individus hostiles.

— Des rumeurs..., marmonné-je.

— Oui, certains résidents assurent que vous avez des révélations importantes à nous faire sur nos ennemis, c'est d'ailleurs pour cela que nos équipes ont pris tant de risques pour vous ramener. Mais d'autres disent que vous avez sympathisé avec les aliens, j'ai même entendu que vous étiez l'un d'entre eux, que la véritable Docteur Ferrat était morte et qu'ils avaient pris votre corps.

Après une seconde de stupeur, j'éclate de rire. Sam semble perplexe, elle doit me prendre pour une dingue.

— Et vous, que pensez-vous ? finis-je par articuler.

— Je ne sais pas... vous me paraissez tout ce qu'il y a de plus humain. Mais un de mes amis était membre de cette mission. Il m'a affirmé que vous aviez montré de la résistance et... je ne suis pas censé le savoir, mais... il m'a dit que vous aviez embrassé l'un d'eux.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now