Chapitre 46 - En un claquement de doigt

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En moins d'une heure, nous avons quitté la stratosphère, direction Cassy-1. À l'approche du vaisseau mère, Mei, Sam et moi restons sans voix, plantées devant la vitre de la cabine de pilotage. La vue est terrifiante. L'engin qui nous fait face est si gigantesque que même à distance, il nous est impossible d'en voir les limites latérales. Ce truc est aussi étendu que la ville de Chongqing ! D'un noir brillant, on pourrait presque le confondre avec une planète métallique si ses lignes n'étaient pas si aplaties. Aucune lumière ne vient briser la carapace de ce monstre, aucun hublot n'est visible au premier coup d'œil. Voilà qui me donne la désagréable impression de filer tout droit vers une mort certaine. C'est d'ailleurs probablement le cas.

Nous approchons lentement. Kalen vient se planter à côté de moi et saisit ma main gauche. Je l'accepte volontiers et prends celle de Sam sur ma droite. Elle-même poursuit le mouvement en attrapant celle de Mei, qui saisit celle de Jofen pour finir avec Sayan. Nous nous tenons tous les six, face à notre destin. Le temps ralenti, chaque seconde fait grimper notre niveau de stress pourtant initialement très haut. Le mur noir est à présent la seule chose que nous pouvons voir, et je perds mes repères visuels : continuons-nous à avancer ? Après un laps de temps indéterminé, je repère trois vaisseaux non loin de nous, puis une ouverture se dessine dans la coque. Les trois appareils s'y engouffrent tandis que trois autres en sortent à grande vitesse. Il s'agit sans doute des exilés de Bleiselcyon, évacués dans la précipitation. Habituée à la noirceur de la coque de Cassy-1, mes yeux papillonnent tandis que nous nous positionnons à notre tour face à l'accès lumineux. Et nous entrons.

L'intérieur du hangar est d'un gris brillant immaculé. Pas un tuyau ne dépasse, pas une salissure n'est à signaler. L'éclairage vient des murs eux-mêmes. La hauteur du lieu est impressionnante, j'ai le sentiment de voguer dans un ciel métallique. Puis Cassy-3 vient se poser sur une large plateforme et enfin, nous nous immobilisons. Nos mains sont encore liées, nous sommes tous les six unis, malgré nos différends. J'entends une alarme se mettre en route. Nous restons encore quelques secondes sans bouger avant d'enfin rompre le contact.

— Suivez-moi, dit Kalen. Je me présenterai auprès du Grand Consul en tant que responsable de notre groupe.

— Les filles, derrière nous, ordonne Jofen. Ne vous éloignez pas, ne parlez pas. Nous assumerons l'entière responsabilité de notre désobéissance.

— Nous négocierons vos libérations, vous n'avez pas à mourir pour nous, renchérit Sayan.

— Si vous tombez, je tombe avec vous, marmonné-je. Le Grand Consul me veut, mais il ne sait rien de Mei et Sam.

— Je reste avec toi ! proteste Mei, avant de poursuivre en regardant Jofen. Je reste avec vous tous.

— Moi aussi, ajoute Sam. Je n'ai plus personne sur Terre.

Une escorte de dix selcyns nous attend à notre sortie. Kalen échange avec eux quelques mots dans sa langue, tandis que cinq autres individus pénètrent en courant dans Cassy-3. Je regarde notre vaisseau repartir à une vitesse impressionnante tandis que nous nous mettons en route. Je comprends que Cassy-3 va servir à l'évacuation de Bleiselcyon.

— Varely nous conduit auprès de Goharin, nous informe Kalen en désignant un grand gaillard au crâne rasé et aux yeux bridés. Il nous donnera les détails de notre mise à mort.

— Il n'y a plus d'espoir, alors..., gémit Sam.

— Attends, attends... nous allons rencontrer le numéro deux de ton peuple ? m'affolé-je. Et pourquoi pas le Grand Consul ?

— Peut-être plus tard, soupire K. Suivons Varely. Je le connais bien, il fait partie des selcyns qui ont engagé la discussion avec le Grand Consul en faveur d'un traitement respectueux des femmes humaines. L'idée initiale du projet couveuse était de tuer les femelles prélevées.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant