Chapitre 2 - Une pomme pourrie pourrit tout le cageot

144 23 22
                                    

Mauvaise nouvelle : nous sommes toujours condamnés à la peine ultime. Bonne nouvelle, nous allons pouvoir parler avant, ce qui nous laisse le temps d'échafauder un plan du tonnerre pour nous sortir de cette mouise. J'espère.

— Arrêtez, je vous en prie ! Pourquoi faites-vous ça ? fait ma voix affolée dans l'ordinateur du Grand Consul.

— Pour le pouvoir, docteur, me répond cet enfoiré de Lee dans l'enregistrement. Ces dernières années, Séoul et Pékin ont bâti dans le plus grand secret un arsenal d'arme nucléaire.

— Impossible, elles sont interdites depuis plus de cent ans. Après l'attaque de ce qui fut la Corée du Nord contre l'Amérinord, toutes les têtes nucléaires ont été démontées !

— Et elles ont été remontées. Aux grands maux, les grands moyens, mademoiselle Ferrat. Les Africains et les Amérisudiens sont juste trop lâches pour prendre les bonnes décisions.

— Vous allez déclencher une guerre nucléaire et détruire notre planète !

— Nous allons mettre fin à ce conflit contre les aliens. Les terres européennes seront sacrifiées, mais c'est le moindre mal. Face à la puissance de feu que Pékin va déployer, tous les généraux plieront devant le Général Muzhi. Il deviendra le nouveau Maréchal, celui des armées libératrices. La Grande Asie et l'Empire Russe, ainsi que l'Amérinord si elle nous en fait la demande, dirigeront le nouveau monde. Nous nous vengerons des inégalités subies depuis plus d'un siècle. L'hémisphère Sud paiera pour son arrogance.

— Ils sont bien mieux équipés que vous, ils ne se laisseront pas faire. En plus d'une guerre nucléaire qui déclenchera le courroux des selcyns, vous allez provoquer une guerre entre terriens !

— Nous serons plus forts, croyez-moi. Mais chaque chose en son temps, occupons-nous d'abord des extraterrestres. À vrai dire, ce qui me pousse à vous garder en vie n'est qu'une simple curiosité, et le besoin d'être certain de ne pas rater une information capitale. Les armées de Muzhi se sont rendues sur la base abandonnée de Tavira et ont récupéré l'appareil médical que vous avez vaguement évoqué. Vous savez, celui que vous n'avez pas vu. Les scientifiques vont essayer de le faire fonctionner, avec ou sans vous. Plutôt sans, si vous voulez mon avis. Nous deviendrons physiquement aussi résistants que les selcyns. Et quand viendra le moment de remettre à leur place l'Afrique et l'Amérisud, leurs simples soldats ne pourront rien contre nous.

Je me dandine sur mon siège, mal à l'aise après le rappel de ce douloureux souvenir. Mes yeux larmoyants parcourent les fines zébrures qui décorent mes avant-bras, preuve effroyable de la cruauté du Général Lee. Mei m'attrape une main. Je me tourne vers son visage habituellement si joyeux, mais désormais traversé par une balafre frôlant son œil. Mon amie semble encore plus pâle qu'à l'ordinaire, ce qui n'est pas peu dire étant donné son teint de porcelaine. Jofen et Kalen se tiennent debout entre nous et le grand manitou orange, les bras croisés, tandis que Sayan soutient une Sam tellement pétrifiée par la peur qu'elle a refusé de s'approcher de la console.

— Force est de constater que votre supérieur ne lance pas de menaces en l'air, reconnaît le selcyn de son timbre guttural.

— Il menace également une partie des terriens, rajouté-je, des trémolos dans la voix. Les hommes du Maréchal Silva voudront, au moins autant que vous, arrêter Lee et Muzhi. Vous pourriez vous entraider.

Nouveau son terrifiant. Je crois comprendre que c'est son rire. Je le vois se reculer en direction de la paroi noire à l'arrière de la pièce.

— Tu as énervé Carotte Man, me chuchote Mei. Tu ferais mieux de laisser nos deux gardes du corps parler.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant