Chapitre 5 - Faire des plans sur la comète

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14 août 2289 - Cassy-1

Sixième jour. Si on compte qu'une journée, c'est deux livraisons de repas, parce que c'est bien la seule chose qui nous reste pour nous repérer. Pour passer le temps, je m'entraîne à la boxe avec Jofen et Kalen. Sayan s'est mis à parler tout seul : flippant (mais inodore). Mei et Sam s'enferment dans un mutisme tout aussi effrayant. Nous attendons la visite de Ranissa pour le lendemain, d'après les infos écrites sur le papier que Malyan a réussi à glisser au milieu des sous-vêtements tant attendus. Incroyable comme une culotte propre peut rebooster une femme ! En ce qui me concerne, en tout cas. Mes deux amies ne partagent pas cet enthousiasme. Les garçons non plus, mais bon, ce sont des selcyns. Pour fêter ça, je m'octroie une nouvelle douche. Mes exigences en matière de pudeur ont fortement diminué. Si quatre de mes compagnons semblent s'en ficher complètement, Kalen ne me lâche pas des yeux. Et j'adore ça. Je lui rends ses regards brûlants et frotte mon corps de façon bien trop audacieuse. Ma santé mentale doit également décliner. Voyant à la soudaine tension dans le corps de K que mon petit manège fait mouche, je décide de me calmer. Je n'en suis pas au point de me donner en spectacle devant mes amis. Ils me voient déjà dans le plus simple appareil ! Au moins, il n'y a pas de caméra. D'après Malyan, la désobéissance était si rare au moment de la construction de ce vaisseau que cette précaution n'a pas été jugée utile dans les zones non sensibles, ce qui explique pourquoi Ranissa peut se permettre de se pointer dans notre cellule. C'est ce qu'on appelle pêcher par excès de confiance.

Pour notre deuxième repas de la journée, le garde de service nous apporte à nouveau des gjustres. Ce n'est pas vraiment une surprise, c'est pourquoi je n'ai pas compris le soudain déchaînement de Mei. Ma meilleure amie s'est jetée comme une tigresse sur le type qui mesure presque deux têtes de plus qu'elle. Elle a commencé à hurler en chinois des tas de trucs, je reconnais quelques insultes qu'elle m'a patiemment apprises à Chongqing. Jofen est le plus rapide à réagir : il saisit la furie par la taille pour la décrocher du garde qui a à peine bougé. Je me précipite vers mon amie et lui attrape la main :

— Mei, s'il te plaît, calme-toi ! lui intimé-je. Ça ne sert à rien de t'énerver.

— Si on s'y mettait tous, on pourrait sortir d'ici. Ils ne sont que deux !

— Et où irions-nous, nous sommes dans un vaisseau je te rappelle !

— Húndàn, gǒu niáng yǎng de, qù nǐ de !

— Mei, ça ne sert à rien, laisse couler.

Heureusement que Jofen m'aide à la tenir, car malgré son mètre cinquante-cinq et son manque d'activité physique, Mei a une force incroyable. Kalen se positionne derrière moi, un main sur mon épaule, prêt à intervenir si besoin. Plusieurs minutes passent avant que la pression commence à redescendre. Je sens le corps de ma binôme se détendre et me glisser entre les doigts. Épuisée par son coup d'éclat, Mei s'assoit parterre et reste ainsi, hébétée. Je m'agenouille à ses côtés et tente de capter son regard.

— Mei, ça va aller, ma biche ?

— Je n'aime pas les gjustres, marmonne-t-elle, les yeux dans le vide.

— Le message me paraît clair, fait Sayan. J'ai des idées qui me viennent pour améliorer leurs goûts. Il me faudrait un laboratoire pour...

— Qu'est-ce que vous faites encore là ? gronde la voix de Kalen.

Je me retourne et constate que le garde est toujours au même endroit, figé comme une statue de cire. Il dévisage Mei sans que je puisse deviner une quelconque émotion. Puis il tourne les talons sans un mot et referme la paroi de notre prison derrière lui. Nous revoilà tous les six. Ma meilleure amie commence à s'endormir dans mes bras. Kalen la porte et la dépose dans une couchette. Sam s'empresse de se blottir contre elle en lui murmurant des paroles apaisantes. K m'emmène contre son torse. Je le laisse m'enlacer, assommée par une brutale sensation de lourdeur.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now