Chapitre 6 - Être sur la même longueur d'ondes

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15 août 2289 - Cassy-1

— La brune aux yeux bridés, reprend le selcyn. Tu me suis !

— Et pourquoi ? demandé-je en me mettant spontanément devant mon amie.

— Que lui voulez-vous ? renchérit Kalen en se plaçant à son tour au premier plan.

— Le Grand Consul lui expliquera lui-même, fait l'homme d'une voix ennuyée.

— Mei ne va nulle part sans nous, déclare Jofen. Nous restons ensemble.

— Nous ne vous donnons pas le choix, réplique notre adversaire. Gardes !

Une dizaine d'hommes en combinaison vert foncé, l'uniforme de la garde que revêt également Varely, se déploient alors dans notre petite pièce, la remplissant de leur présence glaciale. Tous se saisissent de leurs lasers pour les braquer sur nous. Le chef de ce petit groupe renouvelle sa demande, puis, après m'avoir toisé avec intérêt, m'enjoint de rejoindre le mouvement. Il n'a pas le temps de finir sa phrase que Kalen se jette sur moi pour me serrer contre lui. Son geste est si brusque que j'en perds l'équilibre. Mais il me tient si fort que je ne risque pas de tomber.

— K, laisse-moi y aller, lui murmuré-je avec douceur. Je ne veux pas que Mei se retrouve seule avec cet horrible personnage.

— Je refuse de les laisser t'éloigner de moi, Chaton. Je supporterai toutes les tortures qu'on voudra m'infliger en ce triste monde, mais pas celle-ci. Plus jamais je ne veux te savoir loin de moi à affronter les dangers seule.

— Elle n'est pas seule ! s'exclame Mei avec une jovialité déconcertante. Promis, je ne la laisserai pas succomber au charme de Carotte Man. Mais si j'étais toi, je ne serais pas trop inquiet. Elle est complètement mordue de toi. Elle n'attend plus qu'une chose...

— Ok, c'est parti, on y va ! hurlé-je presque en lui filant un coup de pied dans le tibia.

— De quoi parle-t-elle ? Tu attends quoi ? me demande Kalen avec curiosité.

Pour toute réponse, je fonds sur ses lèvres et lui offre un baiser avide, brutal. Mon compagnon y répond avec la même intensité. Le rire de Mei m'empêche de me laisser aller complètement, et je me sépare à contrecœur de l'homme que j'aime. Le soldat m'attrape fermement le bras et me tire en arrière. Jofen se place devant son frère, prêt à le retenir en cas de problème. Mais K, raisonnable, ne bouge pas d'un pouce. En revanche, un grognement étouffé s'échappe de sa gorge. Très vite, je le perds de vue, entraînée dans le couloir et suivie de Mei, traitée sans plus d'égard. Ce n'est qu'après une bonne minute de marche que la tornade se remet en route.

— Qu'est-ce que vous nous voulez, bande d'abrutis ? Vous vous prenez pour des héros, à malmener deux femmes plus faibles que vous, à onze contre deux. Quel courage ! Vous qui répétez sans cesse que les terriens sont des lâches, vous ne valez pas mieux avec vos...

— La ferme !

— Vous n'aurez pas ma liberté de pensée, enfoiré de húndàn ! Nǐ huì fù qián gěi wǒ !

— Et toi, me dit alors le selcyn. Tu ne nous insultes pas dans ta langue ?

— Est-ce que ça servirait à quelque chose ? demandé-je, blasée.

— Non.

Je me contente donc de hausser les épaules et essayant de tenir le rythme pour adoucir la pression sur mon bras. Fort heureusement, nous rejoignons les navettes flottantes et notre trajet s'en trouve nettement raccourci. À notre sortie, nous marchons encore cinq minutes. La qualité de l'air est différente et je me retrouve à nouveau prise de vertiges. Je reconnais bien vite le couloir à la porte noire. Mais nous ne nous y arrêtons pas. Le trajet se poursuit sur une dizaine de mètres jusqu'à une paroi transparente. Au-delà, j'aperçois le même style de bureaux / ordinateurs que dans la salle précédente. Les selcyns qui y travaillent sont assis et fixent avec concentration des cartes holographiques zébrées de lignes en pointillés. Alors que la paroi s'ouvre, je reconnais les frontières des États-nations de la Terre. Une odeur désagréable me pique le nez, et j'en identifie la source : Carotte Man est là, assis derrière la console du fond en compagnie de Goharin. Tous deux portent leurs combinaisons très (très) près du corps : blanche pour le savant fou, verte pour le Grand Consul. Notre escorte nous amène droit sur eux. Je constate que Sam a vu juste : ils ne portent pas de slips.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now