Chapitre 10 - Partir en cacahouètes

106 16 15
                                    

Un combat, il ne manquait plus que ça. Mes yeux font des allers-retours entre mon bandage de fortune et mon petit couteau. Quelle poisse !

— Toi, tu restes en arrière ! m'ordonne Sam.

La jeune lieutenante est déjà passée en mode guerrière, bien plus à l'aise que Sayan à l'idée d'en découdre. Ce dernier tient de façon bien trop raide son pistolet laser. Je me lève et me dirige en boitillant vers la sortie, derrière la dizaine de rebelles qui nous escorte.

Et tout s'enchaîne très vite. Je suis encore à un wagon de la porte quand les échanges de tirs commencent. Des paroles criées en selcyns percent les sifflements futuristes des pistolets. Je n'arrive pas à savoir si je veux foncer dans le tas ou me cacher derrière une banquette. Bon, ma préférence va tout de même à la deuxième option. Je n'ose pas bouger trop vite, de peur de relancer le saignement de ma jambe, mais me cramponne à ma lame sortie de ma botte comme à une bouée de sauvetage. Par la vitre, je n'ai pas l'impression que nos ennemis sont si nombreux, mais j'ai à peine le temps de me faire cette réflexion qu'un bruit attire mon attention à l'autre bout du wagon. Je me retourne et constate avec effroi que trois gardes ont pénétré la navette par l'arrière. Je me retrouve finalement en première ligne, et loin des plus grands combattants de Ranissa. Je recule maladroitement, les yeux fixés sur le premier des trois hommes, un grand type aux cheveux châtains plutôt mignon, mais bien moins sexy que Kalen. (Pourquoi je pense à ça dans un moment pareil ?) Celui-ci me rend mon regard, le visage fermé. Impossible de savoir ce qu'il pense, mais son arme est pointée vers le sol, plutôt encourageant.

Arrivé à mon niveau, il tend la main pour me saisir le bras. Plus par réflexe que par esprit combattif, je lui plante mon couteau dans le biceps. Il se recule alors vivement, les traits déformés par la douleur, mais sans émettre un seul son. Je profite de sa surprise pour lui balancer mon poing dans la figure. Je repense aux leçons de Saïd et de Terk, tous deux partis pour un autre monde, et mets toute ma rage dans ce geste désespéré. Mon adversaire est sonné, mais pas suffisamment pour lâcher l'affaire. Il remonte lentement son arme, et je me déchaîne avant qu'il ne soit trop tard. Les coups pleuvent sur le grand brun : droite, gauche, droite, gauche. Il recule, encore et encore, arrivant au niveau de ses deux comparses. Inoffensive, moi ? Épuisée, je m'arrête et entreprends de rejoindre le reste de mon groupe à reculons. Le deuxième selcyn écarte son complice blessé et s'avance vers moi à grandes enjambées.

— Baisse-toi, Lily ! crie la voix de Sayan derrière moi.

Je m'exécute en me laissant tomber au sol, entre deux rangées de sièges. Une douleur fulgurante à la cuisse m'indique que ma blessure s'est rouverte, mais un cri atroce me détourne de ma propre souffrance, suivi d'un deuxième. Encore deux tirs et le silence tombe. Je lève le menton : Sayan est toujours debout, Dieu merci. Il tient encore son arme devant lui, mais son visage est livide. Ragdnar Sayan est bien moins rompu à la guerre que son homologue viking. Quand enfin il tourne sa tête vers moi, il semble retrouver ses esprits.

— Lily, ton bandage ! Tu saignes à nouveau !

— Il faut resserrer le tissu, ça ira, le rassuré-je. Aide-moi, on doit préparer un vaisseau en attendant Kalen et les autres.

— D'accord.

Je tends la main pour que mon ami m'aide à me relever, et sans que je m'y attende, il me soulève de terre.

— Je vais te porter jusqu'à destination, m'assure-t-il.

— Vite ! crie Malyan en nous rejoignant. D'autres vont arriver !

— Où est Sam ? demandé-je en me tortillant dans les bras de Sayan.

— Sur le quai... ça ira ? s'inquiète la brune en voyant le tissu enroulé autour de ma jambe devenir écarlate.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now