CHAPITRE 19

Depuis le début
                                    

Elle semble comprendre où je veux en venir et n'a pas l'air d'être perturbée par cette question ridicule.

Hunter est ton double maléfique, déclare-t-elle comme si c'était évident. C'est un nom inventé pour décrire la partie la plus sombre de toi. Une partie qui me fait peur et qui n'a pas sa place dans nos discussions et dans ce chalet. Ce n'est pas avec Hunter que je veux parler, mais avec Nash.

Ne serait-elle pas en train de se voiler la face. M'appeler Nash ne veut pas dire que je ne peux pas être Hunter. Ce n'est pas parce qu'elle n'utilise pas ce surnom qui me colle à la peau qu'elle éloigne cette partie sombre de moi. Elle est présente à chaque minute de chaque journée et ne disparaîtra jamais. Faire comme si je n'étais pas cette personne ne l'aidera pas à avancer. Au contraire, plus elle reniera mon passé et plus elle me verra comme une personne digne de confiance. Je n'ai rien de l'image du goodboy qu'elle imagine avoir face à elle.

– J'aimerais pouvoir te dire que Hunter est resté au manoir avec les mauvais souvenirs, mais ce n'est pas le cas. Il ne représente pas qu'une partie de moi Éris. Hunter, c'est moi. Je suis sombre et la violence fait partie de mon essence. Même si ce n'est qu'un ridicule surnom, il ne m'a pas été attribué par hasard.

Elle secoue la tête, pas d'accord avec ce que je viens de dire. Pff, depuis quand me connaît-elle assez pour savoir qui je suis ?

– Je suis certaine que tu n'es pas aussi horrible que tu le prétends.

Son regard est doux, son sourire sincère. Elle croit vraiment aux conneries qu'elle est en train de me sortir. Cette femme plane. Elle ne peut pas vivre dans ce monde. Elle a grandi au manoir alors penser que quelqu'un qui y a évolué peut être une bonne personne est ridicule. Elle m'a pourtant vu devenir l'homme de main de son père. Sait-elle quel rôle je tenais dans son organisation ? Sait-elle que mon rôle était de traquer et de tuer les ennemis d'Alexander. Chaque semaine, j'avais une longue liste d'hommes et de femmes à abattre. J'ai plus de sang sur les mains que n'importe qui travaillant au manoir. J'étais le tueur à gages. Né pour tuer. Être le gardien de sa porte n'a été que temporaire.

– Comment peux-tu dire ça alors que tu m'as déjà vu tuer ? Tu sais que c'était loin d'être la première fois.

J'ai bien vu ce soir-là que ce que j'ai fait l'a marqué. Je me souviens de ses yeux qui se sont écarquillés lorsqu'elle descendait de la cabane en observant le corps sans vie de son assaillant. La mort l'effraie et elle la hait. Pourtant, elle parvient à me regarder dans les yeux et à garder son pied collé contre ma cuisse, sans même s'apercevoir qu'elle est en train de toucher un tueur.

Son visage devient d'ailleurs grave et bien plus sérieux que tout à l'heure. Elle a déjà tout oublié du film et est entièrement dévouée à notre discussion. Soudainement, j'avoue avoir du mal à garder les yeux dans les siens. J'ai l'impression qu'elle sonde mon âme.

– Je suis certaine que tu as des remords, se contente-t-elle de dire.

Sa réponse me prend au dépourvu et je ne sais même plus quoi dire. Tout ce que je parviens à sortir de ma bouche est un rire jaune.

Avoir des remords excuse-t-il réellement un meurtre ? Ce n'est pas moi qui vais me lancer dans ce genre de débat, bien que je connais déjà la réponse. De toute manière, pour avoir des remords, il faudrait déjà avoir un semblant d'humanité.

– Ce n'est pas le cas, je réponds pour bien lui faire comprendre que je n'ai rien de l'homme bon qu'elle croit voir en moi. J'ai fait ce qu'il fallait pour qu'on puisse s'enfuir et gagner du temps. C'était soit lui, soit nous, et le choix a été rapide à faire. Alors non, je n'ai pas le moindre remords, pas même pour aucune de ces ordures que j'ai dû tuer. La première chose qu'on t'apprend quand tu deviens un tueur, c'est à couper tes émotions pour ne pas qu'elles te bouffent. Tu sais que c'est de cette manière que ton père parvient à manipuler ses hommes ? Parce qu'une fois que tu as accompli ton premier meurtre, il n'y a plus aucun retour en arrière possible. Tu as conscience que tu deviens un être à l'écart de la société et que devenir une machine sans émotions est la seule chose qui parvient à te donner un but dans la vie, sans quoi chaque nuit est mouvementée par les cauchemars et les remords de ce que tu as fait. Alors tu te laisses guider par des personnes qui ne te jugeront jamais parce qu'elles sont pires que toi et tu pries pour que l'enfer ne soit qu'un mythe.

The Hunt of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant