Chapitre 25 - Un ange passe

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Mon obsession pour les culottes (propres, je précise) est devenue un sujet de railleries. Je regarde le carton plein à craquer de lingerie d'un air blasé tandis que Mei est écroulée de rire sur un des lits métalliques miteux de la pièce. Jofen, lui-même, laisse échapper quelques hoquets. La très sérieuse Sam a le sourire jusqu'aux oreilles, bien que son côté pragmatique reprenne vite le dessus :

— Nous aurions pu utiliser ce carton pour transporter davantage de nourriture, ou des chaussures supplémentaires !

— Je ne suis pas sûre qu'elle ait besoin de tant de dentelles maintenant que Kalen lui enlève tout, se moque Jofen.

— Bof, rétorque Mei. Ils ne nous ont mis que des lits simples, en plus ils sont superposés, et tous dans la même pièce. Ça va être compliqué pour les parties de jambes en l'air. Je n'ai clairement pas envie d'entendre ou de voir quoi que ce soit.

— C'est nouveau ça ! s'exclame Sam sur un ton de reproche.

Mei lui adresse un regard mauvais. C'est reparti ! Vite, je fais diversion avant que les échanges s'enveniment.

— Je vais vous faire manger du satin ! crié-je avant de lancer l'assaut.

Le premier string vole pour atterrir sur la tête de Jofen qui le saisit avec curiosité. J'attrape alors une poignée de dessous et bondis au-dessus de Mei, la plaquant sur le matelas.

— Tiens, goûte, espèce de vipère ! m'écrié-je en essayant de lui fourguer le tout dans la bouche.

Nos chamailleries finissent par inquiéter Jofen qui entreprend la périlleuse mission de nous séparer. Bien évidemment, tout ça finit mal puisque je tombe du lit et m'assomme à moitié sous les rires moqueurs de ma pseudo meilleure amie. Je lui tire la langue, bien décidée à bouder pendant au moins une heure. Je remarque alors le regard de Sam sur moi, et y décerne, parmi une foule d'émotion, de la jalousie. Je me racle la gorge, mal à l'aise. Le silence soudain nous assomme. Mei évite soigneusement de se tourner vers la jeune lieutenante. Jofen s'assoit à mes côtés, un autre dessous affriolant entre les mains.

— Ça fait partie de vos multiples parades nuptiales ? demande-t-il.

— Les terriens n'entretiennent pas de rapports intimes dans un but purement reproducteur, expliqué-je en fixant les dentelles rouges. Ce genre... d'équipement sert davantage à se sentir belle, et parfois à attiser le désir de son partenaire dans un but purement... hum... ludique.

— Je vois, répond Jofen, songeur. Étant donné que les habitants de cette planète sont de moins en moins fertiles, je ne suis pas vraiment étonné que vous utilisiez le sexe comme activité de loisir.

Décidément, Jofen peine à penser comme un terrien. Mais ce n'est pas son discours décalé qui fait tiquer Sam.

— Comment ça, de moins en moins fertiles ? s'étonne-t-elle.

— Il dit vrai, soupiré-je. J'étais étudiante en médecine, et c'est un sujet qui alimentait les débats. Plus de la moitié des futurs parents faisaient appel à la procréation médicalement assistée avant le Grand Chaos. La qualité et la quantité des gamètes s'amoindrissaient d'année en année.

— Pourquoi ? m'interroge Sam en repoussant ses épais cheveux noirs.

— La pollution, tranche Jofen alors que je réfléchis à une réponse. Les terriens ont durablement abîmé leur lieu de vie. Comme nous l'avons fait avant vous sur Selcyon. Chez nous, nos actes ont modifié notre environnement, rendant notre propre planète hostile. Allergie, faune et flore vénéneuses... Chez vous, il y a bien des soucis d'intolérance, mais moindres. Le gros du changement concerne vos fonctions biologiques, et notamment reproductrices. À croire que les grandes civilisations sont vouées à s'autodétruire.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now