Chapitre 8 : Anna

Depuis le début
                                    

Un parfait candidat pour être élu Pendragon à la suite de Lot, ou à sa place si Gwyn avait eu cinq ans de plus.

— Léodegrance est d'accord. Presque. Il ne veut pas marier sa fille à un homme qu'il n'a jamais rencontré.

— Il s'attendait donc à ce que vous révéliez l'existence de Gwyn ?

— Je sais que je suis malade depuis longtemps, grommela Uther. Je n'ai pas attendu d'être mourant pour me soucier du garçon. Léodegrance sera bientôt là. Je compte sur vous pour que Gwyn le satisfasse.

— Sur moi !

Je levai le menton avec dédain.

— Expliquez-moi donc pourquoi une fille de Gorlois voudrait se charger de l'éducation d'un fils d'Uther ? Pourquoi l'épouse de Lot, à qui vous aviez tout promis, devrait saborder l'héritage de ses fils en aidant leur rival ?

— Parce que je vous ai offert ce que vous avez de plus précieux, fille de Gorlois.

— Éclairez moi donc sur ce généreux présent.

Il rétorqua, avec une franchise brutale : le pouvoir.

Je voulu m'en défendre ; j'ouvris la bouche, je remplis ma poitrine d'un souffle que j'entendais dépenser pour affirmer que mes enfants comptaient plus que tout au monde... mais je n'y parvins pas. J'aimais mes enfants ; j'aurai donné ma vie pour eux, mais je sentis que même avec eux à mes côtés, je ne saurais plus être pleinement moi-même loin de mon trône. Or, ce trône, je le tenais de ce mariage qui avait donné à Lot une régente et à moi, une raison de vivre et de grandir.

Je me tus. Je détestai lui accorder cette victoire, et pire encore : qu'il m'ai comprise mieux que moi-même. Je n'admis rien. Il se contenta de mon silence et le pris pour ce qu'il était : un aveu.

— Et puis, Anna, à quelle autre dame de mon clan puis-je présenter cette requête en l'absence de mon épouse ? J'aurais pu quérir l'aide de votre sœur Morgane, mais combien de temps lui aurait-il fallu pour le mettre dans son lit ?

— Abstenez-vous d'insulter ma sœur. Elle est aussi votre belle-fille.

— Justement, il faut être honnête en famille.

Il se racla la gorge, se pencha et cracha entre ses pieds avant de reprendre.

— Je la comprends, vous savez. Des dames comme elles, j'en ai fréquenté beaucoup avant de ceindre la couronne, quand je n'étais que le troisième fils. Et votre mère, elle aussi avait été mariée à un homme trop vieux pour elle.

— Vous parlez d'un homme que vous avez tué par luxure.

Mon père, dont le souvenir s'effaçait dans ma mémoire.

Les yeux bleus d'Uther se posèrent sur moi. Je lui renvoyais ce regard sans faiblir. Il avait raison – parce que je n'étais pas et ne voulais pas être ma mère, il n'y avait aucune chance que je laisse Gwyn m'atteindre. Il avait bien lu ma haine ; même elle, il savait me la prendre, la retourner, en faire un outil pour avancer sa cause.

Gravement, ses yeux de mer accrochés à mes yeux de mousse, il me répondit que tout cela n'avait pas été par luxure, mais pour la Bretagne, pour l'Âge d'Or qu'elle méritait, pour ce que Merlin avait lu dans les étoiles...

Mon silence exprima tout mon mépris. Ma mère, au début de son mariage avec Uther, s'était complu dans des envolées lyriques sur le grand destin des enfants qu'ils auraient ensemble. Leur échec à accoucher d'autre chose qu'un garçon mort accidentellement m'aurait remplie d'une joie mauvaise s'il n'avait accéléré ma confrontation avec la maternité.

L'héritage de nos pèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant