Chapitre 29 - Rester sur ses gardes

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Je dévale l'escalier comme si la mort était à mes trousses, Sam sur mes talons. Je n'ai pas pris la peine d'attendre que Mei se relève. Les armes, LES ARMES ! Nom d'un chien, Duarte les avait pourtant prévenus de l'arrivée des selcyns. Je franchis le seuil du bâtiment et m'élance dans les rues du campo Santa Maria. J'amorce un virage entre deux immeubles et heurte de plein fouet un homme grisonnant. Le choc me fait voir trente-six chandelles, mais je parviens à éviter la chute.

— Vous ! crie ma victime en pointant vers moi un doigt accusateur. Vous êtes l'une des leurs, vous avez tout manigancé pour les faire venir et vous causerez notre perte ! Mais nous n'abandonnerons pas sans lutter !

Je vacille en réalisant que son autre main tient fermement un colt. Sam me tire en arrière et se place en position défensive. Je suis tellement abasourdie que je regarde mon amie sans réagir.

— Votre maire a été très clair, gronde-t-elle d'une voix rauque. Vous saviez que des selcyns arriveraient pour soutenir notre combat.

— Enrico n'a jamais mentionné l'arrivée de deux vaisseaux de guerre ennemis de la taille d'un terrain de foot.

— Vous pensiez qu'ils viendraient en blablacar ? m'étranglé-je, indignée par la bêtise de ces gens.

L'homme me dévisage, méfiant. J'ai l'impression qu'il se demande si je suis sérieuse ou si je me paie ouvertement sa tronche. Il n'est clairement pas le couteau le plus aiguisé du tiroir, celui-là. Un latino légèrement plus jeune que lui se rapproche d'un pas rapide. Je reconnais son visage, c'est un ami de Jarod avec qui j'ai discuté sur la terrasse. Mais aujourd'hui, ses traits sont durs et il tient une manette que je reconnais bien : il s'apprête à faire décoller un drone militaire. Sam jure entre ses dents. L'atmosphère devient lourde et je me sens subitement oppressée. Du mouvement sur le côté me fait tourner la tête. Plusieurs dizaines de Brasiliens se rapprochent de nous. La plupart tiennent des armes ou des manettes de commande. Ils semblent nous analyser, Sam et moi, scrutant les moindres de nos gestes et réactions.

— La dernière fois que nous avons vu un de ses vaisseaux dans notre ciel, m'explique le quadragénaire, notre champ de maïs et nos tourelles antiaériennes ont été détruits. Cinq de nos femmes parties aux récoltes ont disparu pendant trois jours avant de revenir amnésiques et confuses. Nous sommes sur nos gardes, quoi de plus normal ?

J'entends Sam avaler péniblement sa salive.

— Je vous en prie, reprends-je en le regardant. Je comprends votre méfiance et la présence d'armes sur votre camp... mais ne faites rien d'insensé. N'allez pas leur donner une raison de se montrer hostiles. Ces personnes ne viennent pas pour nous menacer, mais pour nous aider.

— Ce ne sont pas des personnes, mais des monstres ! lance une voix lointaine.

— Et donc on doit attendre de recevoir le premier coup pour répliquer ? s'énerve une femme équipée d'un fusil à visée assistée. Si vous croyez que...

Silence. Je réalise que jusqu'à cet instant, un ronronnement de moteur faisait office de bruit de fond. Mais ce dernier a cessé : Cassy-7 et Cassy-13 viennent d'atterrir. Le gros de la foule se rue en direction de l'entrée tandis que certains escaladent les escaliers de secours pour accéder aux toits. Très vite, les premiers drones viennent emplir le ciel de leurs bourdonnements menaçants.

— On ne pourra pas sortir par l'entrée principale, soupire Sam. Tentons l'entrée réservée autrefois aux livraisons. J'ai vu qu'elle était encore utilisée par les soldats en patrouille.

J'acquiesce et nous voilà reparties dans l'autre sens. Je saisis au vol le bras de Mei qui attendait à quelques mètres de nous. Notre tornade brune peine à suivre en gardant l'équilibre, la faute à un verre de trop, et finit par s'étaler de tout son long. Sam marmonne quelques injures et avant de m'aider à la relever. Sans surprise, un duo de soldats garde les deux grilles de sécurité menant à la porte de sortie. Je m'apprête à devoir négocier quand une voix derrière nous crie :

Corps étrangers [TERMINÉ] Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang