Chapitre 32 - Se détourner du droit chemin

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2 septembre 2289 - campo Santa Maria, Papuda

Vingt-quatre jours. Je regarde Sam faire une nouvelle croix dans le calendrier, dépitée. Le Maréchal n'a pas donné signe de vie, au grand désarroi de Malyan. D'après Duarte, il a fort à faire pour s'opposer à la coalition des onze menée par Muzhi. Un colonel et deux lieutenants ont cependant accepté de rendre une courte visite à Kalen, Kiodo, Aston et Merylt. Mais à en croire la mine peu réjouie de mon compagnon, l'échange n'a pas été à la hauteur de ses espoirs.

Une trentaine de Borls de confiance nous a rejoint au campo ce matin. Voilà qui a creusé davantage le gouffre entre les habitants réticents et emplis de haine et ceux qui tolèrent les intrus avec plus ou moins d'engouement. Nema et Jarod sont des amours. Ils ont décidé d'organiser une petite soirée en terrasse avec des musiciens volontaires et un buffet, afin de créer des liens. Avec Mei, nous passons l'essentiel de nos journées avec eux et Paola. La petite puce prend très au sérieux le titre d'ambassadrice de la paix que je lui ai octroyé, au départ pour plaisanter. Elle s'est donné pour mission de préparer des corbeilles de produits locaux et viande séchée pour les nouveaux locataires. Ensemble, nous avons nettoyé les dortoirs du premier étage du bâtiment des perpétuités. Paola a insisté pour le décorer de plantes et bouquets de fleurs. Je n'ai pas osé lui dire que les selcyns n'étaient pas branchés déco. Et d'ailleurs, je ne peux pas jurer qu'une telle attention ne les touchera pas. Difficile à dire.

Ce matin, notre présence est demandée en terrasse pour mettre en place le brunch de ce soir. Quand nous arrivons, Nema, Jarod, Paola et trois autres brasiliens sont déjà à l'œuvre. Je reconnais Luisa, la jeune fille à la morsure de serpent. Elle m'offre un sourire radieux auquel je réponds, contrairement à Mei.

— Enfin, tu ne vas pas rager toute la journée ! m'exclamé-je en levant les yeux.

— Une fichue hétéro, j'ai les boules. J'ai pourtant un radar intégré, comment j'ai pu me tromper à ce point !

L'après-midi d'hier a été compliquée pour ma tornade préférée. Clara, sa cible aux atouts bien fournis, n'avait en réalité d'yeux que pour Sayan. Déception, désillusion, humiliation... Mei était dans tous ses états. Sayan a juré qu'il n'avait rien remarqué du petit jeu de la belle latino à un Jofen jaloux. Trop mignon. J'ai aimé les voir se disputer, puis se prendre dans les bras et se taquiner comme un couple terrien lambda, ou presque. Le petit coup de mou de Mei nous a rassemblés et même si la nuit fut courte, j'ai aimé nos discussions, nos parties de cartes et nos rires.

Mais ce matin, la voilà de nouveau bougonne, à pester sur cette pauvre fille qui a osé repousser ses avances. Devant le regard interrogatif de Nema, j'esquisse un geste évasif accompagné d'un clin d'œil, et nous nous mettons au travail.

Sam accompagne consciencieusement les garçons et Malyan sur Cassy-7. Sa formation militaire et son lien avec le regretté Hassan lui ont donné la légitimité d'être mise dans la confidence. J'ai bien essayé d'y mettre mon grain de sel, mais d'une part, j'ai bien senti que je n'avais rien à apporter, et d'autre part, j'ai vite décroché de leurs discussions. Après un rapide bonjour à Varely et Ranissa en communication avec Malyan, je suis retournée au campo pour procéder à un tri de médicaments et une mise à jour des besoins sanitaires. Et j'ai aidé Paola aux dortoirs pendant que Mei ressassait son vent de la veille.

— Nous avons des torches pour éclairer la terrasse ! s'écrie Paola. Tu as vu Lyna ? Ça va être trop beau !

— Magnifique, tu as raison ! Mais je ne suis pas sûre qu'il soit nécessaire d'accrocher des tissus dans les arbres...

— Y a que ça pour décorer, me répond la petite puce avec une moue déçue. Maman a dit que c'était une bonne idée.

— Oui, mais c'est beaucoup de travail.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant