Chapitre 40 - Une aiguille dans une botte de foin

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Je suis fébrile, le mot est faible. Je suis à deux doigts de céder complètement à la panique et seule l'adrénaline me maintient la tête hors de l'eau. Mei et moi vérifions les sacs que nous venons de préparer. Médicaments et crèmes en tout genre, berlingots d'eau gélifiée, gjustres, bandages auto ajustables, encore des gjustres... nous serons chargés comme des mulets. Pendant ce temps, Sayan nous expose les armes qu'il a rapportées : pistolets lasers, grenades et lames. Kiodo nous observe sans se départir de son masque d'impassibilité. Mais je sens autre chose dans sa posture : de la curiosité ? de l'étonnement ? Je ne saurai le dire.

— Je dois retourner au poste de pilotage, avez-vous besoin d'aide ? nous demande-t-il.

— Ça ira, fait Sayan. Nous partons en direction de la plus proche offensive rebelle, au nord, comme nous l'a indiqué Jofen. Pour couvrir une plus large zone, envoie les autres Scinas à l'est et au sud.

— Vous allez dans une zone où les combats au sol sont d'une grande violence, vous devriez l'éviter.

— Nous allons là où Kalen a été vu pour la dernière fois, lâché-je d'une voix rauque.

— C'est donc ça que vous nommez amour. Vous en parlez comme quelque chose de merveilleux, mais ça m'a tout l'air d'une malédiction.

Je lève les yeux vers lui. Kiodo doit y voir mon incompréhension, car il ajoute :

— Vous avez perdu tout sens logique. Vous allez mourir en tentant de lui porter secours. Est-ce que vous en avez conscience ?

Sa question me heurte. La réponse est d'une telle évidence à mes yeux que je n'ai même pas envie de la formuler tout haut. Heureusement, ma meilleure amie s'exclame joyeusement :

— Oh, mais nous n'allons pas mourir ! On se débarrasse plus facilement de morpions que de Mei Chang, mon grand !

— Je n'arrive pas à savoir si vous m'insupportez ou si vous m'êtes sympathiques. Mais je crois que je souhaite vous voir revenir. Vivantes.

— Je les ramènerai, lui assure Sayan. Fais en sorte de pouvoir t'approcher.

Les deux selcyns se regardent une dernière fois avant de partir chacun dans une direction opposée. Mei et moi suivons Sayan en trottinant. Au passage, nous récupérons du pain et du fromage que nous avalons machinalement sans cesser d'avancer. En quelques minutes, nous sommes à l'extérieur. Raimundo est assis sur une pierre, l'air dépité. Il n'y a plus que cinq pilotes encore en activité. Est-il possible qu'en une demi-journée, les deux cents IAM aient été détruits ? Les effectifs engagés tout autour de Cassy-1 sont totalement démesurés, deux cents robots n'étaient qu'une goutte d'eau, je suppose. Je me demande qui s'en sort le mieux à cet instant, nous ou les armées du Consul ? Et que deviennent le Maréchal et sa mission contre Muzhi ? J'imagine que si une armée terrienne est active ici, c'est que l'opération visant à détruire la super massive est restée secrète jusqu'au bout. Contrairement à notre arrivée ici. Quel bourbier !

— Vous allez où ? nous lance Raimundo alors que nous sommes sur le point de bifurquer hors de son champ de vision.

— On va soigner les blessés directement sur le terrain, répond Mei.

— Et chercher Kalen, ajouté-je, la gorge serrée.

— Je viens avec vous, grogne le lieutenant en se remettant sur ses pieds.

Sayan se retourne et le dévisage. Les deux hommes se retrouvent rapidement face à face. Raimundo resserre son étui à pistolet autour de son épaule sans lâcher des yeux mon ami, comme pour le mettre au défi.

— Les terriens sont venus ici pour piloter leurs robots, nous n'attendons rien de plus de leur part, déclare enfin Sayan.

— Je n'ai pas fit tout ce chemin pour être mis en déroute en seulement trois heures, répond le lieutenant. Et aucun de vous trois n'est un soldat. Alors je viens.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant