Chapitre 63

Depuis le début
                                    

Comme je ne veux pas la faire flipper, je ne le dis pas à voix haute, me contentant de ce sous-entendu. Je m'interromps une seconde, juste le temps de prendre son magnifique visage en coupe entre mes mains. Ses doigts viennent immédiatement recouvrir les miens, tandis que je poursuis :

— Mon but n'est pas de te mettre les nerfs en pelote, et encore moins de prendre des risques inutiles. Quand je te demande de me faire confiance pour notre sécurité, ça ne veut pas dire me faire confiance pour nous garder enfermés ici ad vitam æternam.

La gorge serrée et les yeux soudain humides, elle me répond, d'une voix à peine audible :

— Je ne veux pas prendre le risque que quelque chose t'arrive...

Est-ce que c'est son « je t'aime » silencieux à elle ?

Les choses vont à une vitesse folle entre nous, sans doute grâce à notre lien d'âme sœur, pourtant il semblerait qu'aucun de nous deux ne soit prêt à se lancer avec ce fameux « je t'aime ». Ça peut sembler ridicule, avec tout ce qu'on s'est déjà avoué, toutes les situations qu'on a déjà vécues, ces simples mots auraient dû perdre un peu de leur importance.

Non ?

J'inspire une petite bouffée d'air, laissant son parfum exalter chaque sentiment que je ressens pour elle.

Elle veut me protéger... Évidemment. Qu'elle soit humaine ne change en aucun cas ce besoin primitif qu'elle ressent.

Je suis bien placé pour savoir que ce n'est pas facile de faire fi de ce besoin, encore moins quand on parle d'âmes sœurs.

C'est tellement déstabilisant de la voir réagir comme une lycanthrope sur certains points, sans pouvoir agir avec elle comme je le ferais avec une louve !

Je prends le temps de réfléchir, jusqu'à ce que l'évidence me saute aux yeux. Plutôt que de faire des recherches tout seul dans mon coin, nous pourrions les faire ensemble. C'est sa famille après tout, et je n'ai aucun problème à travailler en équipe, surtout si ça peut la rassurer et nous permettre de passer ce vendredi soir ensemble.

— Travaille avec moi, Aelys.

Les craintes qui dansaient dans son regard jusqu'ici sont, en partie, remplacées par une lueur de suspicion.

Mais elle ne proteste pas...

Donc je continue :

— Donne-moi les infos dont j'ai besoin pour être certain qu'on sera en sécurité tous les deux.

— Comme les noms des gens qui seront là, l'adresse de mes parents, ce genre de trucs ?

De la curiosité ! Parfait.

— Exactement. Je sais que c'est ta famille, mais si tu me donnes l'autorisation, je ferais les recherches nécessaires pour qu'on puisse s'assurer que personne n'ait de fantôme dans ses placards.

Elle se mord la lèvre inférieure. J'ai d'abord l'impression que c'est parce qu'elle hésite, mais je finis par comprendre qu'elle se retient de sourire, quand elle reprend :

— Euh... Un cadavre.

— De quoi ?

— L'expression c'est « avoir un cadavre dans son placard », ou un squelette, je crois que les deux existent.

Je retrousse le nez dans une grimace de dégoût.

— Sérieux ? C'est hyper morbide ! Je préfère mon histoire de fantôme !

Cette fois, un rire – un peu timide – lui échappe, ce qui ne me détourne pas de mon objectif, même si je suis ravi d'entendre ce doux son.

— Pour en revenir à notre « enquête », je m'occupe de récupérer les infos qui pourraient être intéressantes, et on les étudie ensemble. Tu connais ces gens, leur histoire, tu sauras identifier une erreur de jeunesse, d'un truc qui est encore d'actualité.

— Et on rechercherait quoi, exactement ?

— Tout ce qui pourrait laisser penser qu'ils ont une dent contre les lycanthropes. Même si, ni toi, ni moi, n'avons l'intention de leur révéler cette info à mon sujet, une personne qui suit un peu les débats sur nos espèces, pourraient me reconnaître... Ou du moins, deviner la ressemblance avec mon père.

— Ça arrive souvent ?

— De temps en temps. En général je réponds simplement que j'ai un physique commun, que ça doit être pour ça, et les gens passent à autre chose. Sauf les anti-lycanthropes, bien sûr, eux, ont tendance à insister.

Je vois qu'elle réfléchit, qu'elle a envie de se laisser tenter par cette option, mais qu'elle est encore hésitante. Alors je décoche mon dernier argument :

— Mais on en arrivera pas là, vendredi. Parce que si je viens, c'est qu'on sera, tous les deux, sûrs et certains, que personne n'insistera. Au moindre doute, à la moindre incertitude, je te promets que je renoncerais à venir, sans discuter.

***

Aelys

C'est tellement tentant ! Et effrayant, et un chouia excitant, aussi.

Je n'arrive pas à croire que je sois en train d'envisager d'accepter ! Moi qui assurais mordicus, il y a moins de cinq minutes, que je ne changerais pas d'avis. Voilà que je réfléchis sérieusement à sa proposition...

En même temps, si on trouve quelque chose de suspect, Nolan a promis de ne pas venir.

D'ailleurs, je sens parfaitement le regard de celui-ci sur moi en ce moment. Il attend patiemment que je me décide, alors que ses mains sont retournées masser ma nuque. Tandis que de mon côté, je me mordille l'intérieur de la lèvre, en jouant négligemment du bout des doigts, avec son t-shirt.

C'est ma famille... C'est un peu fou de réfléchir à fouiller dans leurs vies, simplement pour une soirée avec mon âme sœur, non ?

D'un autre côté, si je me remémore les quelques conversations passées sur les lycanthropes – même celles de fin de festivités, où les gens étaient parfois bien inhibés et où il manquait définitivement des syllabes pour faire de vraies phrases – rien ne laisse penser qu'il y ait, dans mon entourage proche, des personnes anti-lycanthropes.

Il y a peu de risque qu'on tombe sur le moindre « fantôme », au sujet des lycanthropes ou du reste, d'ailleurs ! Puis, si je refuse maintenant, je suis sûre à cent pourcents de regretter vendredi soir... Arrrrh !

Même si j'ai déjà quasiment cédé mentalement – pour ne pas dire totalement – je cherche un truc à dire qui pourrait m'aider à montrer que je suis pas si facile à acheter. Un argument, même un peu foireux, qui me permettrait de relancer le débat. Sauf que plus j'y pense, plus je me sens excitée par cette petite « enquête », et je ne parle même pas de ce que je ressens en m'imaginant passer la soirée de vendredi avec Nolan !

Finalement, c'est un long soupire qui m'échappe, durant lequel je marmonne simplement :

— Fais chier !

— Est-ce que c'est un oui ?

Ce mufle ne fait même pas semblant de retenir son sourire radieux en me posant sa question. Alors histoire de ne pas complètement perdre la face, je ne lui réponds pas directement, et me contente de poser mon index sur son torse, en reprenant :

— C'est moi qui décide s'il y a un doute. Si c'est le cas, je ne veux pas entendre parler de marché, de débat, de négociations et autre synonymes. C'est clair ?

— Tu es la cheffe des opérations, c'est noté.

Sa main droite quitte ma nuque, tandis qu'il se redresse légèrement pour exécuter un salut militaire, qui me fait lever les yeux au ciel en bougonnant.

— Alors OK...

Je n'ai pas le temps de réagir que les deux bras de Nolan entourent ma taille, pour me soulever et me serrer contre son torse. Mes pieds ne touchent plus le sol, tandis qu'il tournoie sur lui-même en riant :

— Yes ! Cette soirée va être géniale !

Be my fatality...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant