Chapitre 44 - le cul entre deux chaises

57 8 24
                                    

Le récit de ma mère m'a glacé le sang. Je suis très inquiète de la situation de mon père, mais je préfère ne rien montrer de mon affolement. Elle est suffisamment stressée comme ça. Je lui ai à mon tour fait une synthèse des six dernières années de ma vie, sans entrer dans les détails glauques. Je lui ai également fait savoir que, dorénavant, ma vie serait liée à celle de Kalen. Même si je comprends sa méfiance, j'espère qu'elle acceptera cet état de fait. Ce n'est pas gagné, elle a refusé poliment les soins que lui proposait Sayan. Nous devons toutefois nous séparer le temps de quelques heures afin qu'elle et les représentants de sa communauté soient examinés et interrogés. C'est seulement quand elle quitte le barnum que je réalise que Kalen est déjà parti. Je lui cours après avec l'étrange sensation de me retrouver au cœur d'un nouveau conflit.

— Kalen ! Attends-moi ! crié-je en l'apercevant à plusieurs mètres devant moi en direction de Cassy-13.

Il stoppe, mais ne se retourne pas. Je le rattrape rapidement et lui saisis le bras.

— Pourquoi es-tu parti comme un voleur ?

— Ta génitrice me déteste, me répond-il du tac au tac.

— Elle se méfie. Comme tous les terriens que tu as croisés. Ça n'a rien de surprenant.

— En effet, Chaton, mais cette terrienne-là est une personne que tu aimes et à laquelle tu tiens. Je crois que... ça me rend triste.

— Elle apprendra à te connaître, le rassuré-je. Je suppose que toutes les mamans s'inquiètent que leur futur gendre ne soit pas assez bien pour leur progéniture. Et la configuration de notre couple n'arrange pas la situation.

— Je ne suis pas sûr de tout comprendre. Si elle refuse notre relation, tu l'écouteras ? J'ai lu quelque part que les parents sont des guides pour leurs enfants, qu'ils ont énormément d'influence sur leurs choix et leurs modes de vie, et que...

— Ok, tu peux t'arrêter là ! ris-je. Tu as étudié les relations de famille ?

— On ne sait jamais, vos médicaments terriens sont peu fiables, et nous savons depuis peu qu'une grossesse est possible, alors...

— Tu t'es renseigné sur les liens familiaux à cause de l'humaine de Denver enceinte de son compagnon selcyn ?

— Oui, enfin j'avais commencé avant. Tes séances de flaster ont peut-être agi sur ton traitement contraceptif. Et j'ai aussi lu que...

Il ne peut pas terminer sa phrase, car mes lèvres viennent se plaquer sur les siennes. C'est un baiser rapide, mais plein d'amour. Ses réflexions sont beaucoup trop mignonnes, même si je ne souhaite toujours pas avoir d'enfant. D'ailleurs, il n'a pas tort : le flaster a possiblement bousillé ma contraception. Il faudra que je me penche sur le sujet. Kalen a les yeux fermés. Il soupire et pose son front sur le mien. Ses mains appuient sur le creux de mes reins.

— Tu ne m'as pas répondu, Chaton.

— Kalen, je t'aime. Ai-je encore besoin de te le prouver ?

— Mais il s'agit de ta mère. N'as-tu pas peur d'avoir... le cul entre deux chaises ?

J'éclate de rire, un rire sincère, spontané. J'aime tellement cet homme ! D'abord impassible, je le vois esquisser un sourire en coin. Puis, constatant que je ne me calme pas, il s'empare à son tour de ma bouche. Voilà qui a le mérite de me stopper net. Sa langue force le passage et je la laisse venir tourmenter la mienne avec grand plaisir. Nous nous séparons à contrecœur, mais dans l'obligation de reprendre de l'air. Je glisse mes doigts dans sa chevelure noire et ondulée.

— Tu n'as aucune inquiétude à avoir. Il s'agit surtout de ma vie, de mes choix. J'aime mes parents du plus profond de mon être, mais j'ai vécu bien plus de temps loin d'eux que dans la maison familiale. Personne n'a le pouvoir de me faire renoncer à toi. Cependant, je préfèrerais largement que mes parents t'apprécient. Ça sera plus agréable pour les fêtes de Noël.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant