[ 037 ] à l'abri des regards

Depuis le début
                                    

Une partie d'elle voulait qu'il dise quelque chose, un signe, une allusion à leur histoire, quelque chose qui lui indiquerait qu'il pensait encore à elle. Mais rien de tout cela n'arriva.

Le live continuait, et Sybil, toujours enroulée dans son peignoir, le masque maintenant à moitié sec sur son visage, se laissa aller à cette vague d'émotions. Elle aurait voulu être plus forte, ignorer cette notification, mais la vérité était qu'elle n'était pas prête à tourner la page.

Le chat continuait à s'agiter sous les messages, les spectateurs demandant à Amine de jouer à un autre jeu, à plaisanter sur ses anciens streams. Sybil vit son téléphone vibrer de nouveau, un message cette fois.

Amine.

Tu regardes ?

Elle fixait l'écran de son téléphone, incrédule. Son cœur battait à tout rompre. Comment Amine savait-il qu'elle regardait ? Son esprit s'emballait. Avait-il deviné qu'elle ne pourrait pas résister à l'envie de le voir en live ? Ou était-ce un simple hasard ? Elle n'en avait aucune idée, mais la certitude qu'il pensait à elle à ce moment précis fit remonter à la surface tout ce qu'elle essayait de refouler depuis des jours.

Elle hésita un instant, la tête envahie par des pensées contradictoires. Elle aurait pu l'ignorer, ne pas répondre et maintenir cette distance entre eux. Mais quelque chose l'empêchait de le faire. Sa main tremblait alors qu'elle commençait à taper une réponse, effaçant et réécrivant plusieurs fois les mots. Finalement, elle envoya simplement : Oui.

Quelques secondes plus tard, une nouvelle notification s'afficha : Attends-moi après le live. On doit parler.

Sybil sentit une boule d'angoisse lui nouer l'estomac. Parler ? De quoi voulait-il discuter ?

Elle serra son téléphone contre sa poitrine, regardant l'écran sans vraiment le voir. Amine continuait son live comme si de rien n'était. Aux yeux des autres, tout semblait normal.

Le temps semblait s'étirer à l'infini tandis que le live progressait. Les minutes s'écoulaient, et chaque éclat de rire d'Amine résonnait dans le salon de Sybil comme une dissonance étrange. Elle ne le reconnaissait plus totalement dans cet écran. L'avait-elle réellement connu ? Avait-elle compris ce qui comptait pour lui, ou s'était-elle toujours accrochée à une version idéalisée de leur relation ?

Quand le live s'acheva, l'écran de son téléphone se noircit. Plus de commentaires, plus de voix. Juste le silence, pesant et omniprésent, comme celui qui régnait entre eux depuis des semaines.

Sybil, nerveuse, retira le masque de son visage, le jeta distraitement dans la poubelle et se dirigea vers la fenêtre de son salon. Elle savait qu'il n'allait pas tarder à lui écrire ou à l'appeler.

Lorsque la sonnerie de son téléphone, retentit, elle prit une profonde inspiration et décrocha.

"Salut," dit-elle, sa voix légèrement tremblante.

"Salut. . ."

Un silence s'installa, lourd et chargé de non-dits. Ils avaient tant à se dire, mais aucun des deux ne savait par où commencer. Finalement, Amine prit la parole.

"Je savais que tu regardais," dit-il d'une voix calme.

"Comment ?"

"Je te connais. Et même si on ne se parle plus, je sais que tu n'as pas complètement coupé les ponts. Pas dans ta tête en tout cas."

Elle resta silencieuse, incapable de répondre immédiatement. Il avait raison, bien sûr. Elle n'avait jamais vraiment tourné la page, malgré ce qu'elle essayait de se convaincre. Tout ce qu'ils avaient partagé revenait la hanter, surtout les moments où ils étaient complices, où tout semblait plus simple.

"Écoute," reprit-il. "Je ne veux pas tourner autour du pot. J'ai réfléchi à tout ça. À nous, à ce qui s'est passé, et... je me rends compte que je n'ai pas été honnête avec toi, ni avec moi-même."

"Honnête comment ?" demanda-t-elle, la gorge serrée.

"J'ai toujours fait comme si j'étais d'accord avec cette distance entre nous, comme si je pouvais m'adapter à ton mode de vie, à tes voyages, à tes soirées. Mais la vérité, c'est que ça me tue. J'ai besoin de toi près de moi, et je ne peux plus faire semblant que ça me va."

"Amine..." murmura-t-elle.

"Non, laisse-moi finir. Je ne te reproche pas ta carrière. Je comprends que ça compte énormément pour toi, et je ne veux jamais être celui qui te demande de choisir. Mais je crois qu'on doit être honnêtes l'un avec l'autre. Si on continue comme ça, à tout faire pour ne pas se blesser, on va finir par se perdre pour de bon."

Le silence qui suivit fut encore plus pesant. Sybil se mordit la lèvre, retenant ses larmes.

"Je ne peux plus être juste quelqu'un dans l'ombre de ta vie. Soit on trouve une solution, soit... on doit accepter que ça ne marchera pas."

"Je ne sais pas si je peux," murmura-t-elle. "Je ne sais pas si je suis capable de te donner ce que tu veux."

"Je veux juste que tu réfléchisses à ce que tu veux vraiment. Si c'est moi, alors on trouvera un moyen. Mais si ce n'est pas le cas, alors... je préfère le savoir maintenant."

Elle resta silencieuse, les larmes roulant sur ses joues. Elle savait qu'elle devait prendre une décision, mais l'ampleur de ce choix la terrifiait.

"Je te laisse y penser," dit-il finalement. "Je ne te mets pas la pression. Prends ton temps. Mais sache que je ne peux plus continuer à vivre dans ce flou. J'ai besoin de savoir."

Le silence régnait à nouveau. Puis, après un moment, il soupira doucement.

"Bonne nuit, Sybil."

"Bonne nuit," murmura-t-elle avant de raccrocher, laissant le silence de l'appartement l'engloutir à nouveau.

𝐕𝐈𝐗𝐄𝐍 ࿐ 𝐀𝐌𝐈𝐍𝐄𝐌𝐀𝐓𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant