Nathan - Saint exorciste
Chevalier de l'ordre de Saint-Jean de JérusalemL'escalier en bois craquait sous mon poids et sous celui du maître de maison. L'homme qui me précédait, grand et sec, était blême, transpirant et puait la peur à plein nez. Plongée dans la pénombre malgré le grand jour, sa demeure était lugubre et sentait le renfermé. La vieille tapisserie florale sur les murs et l'épaisse couche de poussière sur la rambarde participaient à donner une sensation d'étouffement. La plainte des marches à chacun de nos pas résonnait comme un grincement sépulcral, un cri d'agonie d'une âme à la dérive déchirée entre non-vie et mort. Pourtant, la bâtisse n'était pas la raison de ma nervosité.
L'épais bracelet d'argent à mon poignet droit vibra doucement. Contrairement à moi, il était dans son élément. Sur sa surface lisse et unie, des runes de feu luisirent une fraction de seconde avant de disparaître.
Ça n'annonçait rien de bon.
Le propriétaire des lieux, qui répondait au nom de Gaston Guérin, avait fait appel aux services d'un exorciste car sa fille, Laëtitia, était selon lui possédée par un démon. Franchement, j'avais vu tellement d'illuminés au cours de mes vingt-six ans d'existence que je n'avais accordé que peu de foi à son témoignage contradictoire disant qu'elle parlait une langue étrange sans avoir prononcé un mot depuis des jours. J'avais eu affaire au premier cas, plus rarement au deuxième, mais jamais aux deux en même temps, ce qui m'avait rendu plus suspicieux vis-à-vis du père que de l'enfant.
Sur le palier du premier étage aussi sombre que le reste de l'endroit, Gaston me conduisit jusqu'à la dernière porte du couloir d'où émanait une aura absolument malsaine. Cette fois-ci, plus de doute possible. L'homme avait dit vrai.
Ce dernier s'arrêta et leva un regard vide vers moi. Ses traits tirés à l'extrême montraient sa grande fatigue.
- C'est là, me dit-il d'une voix atone. Vous voulez que je vienne ?
- Non, je préfère être seul.
Du soulagement passa dans son regard, à juste titre. Un exorcisme n'avait rien d'un jeu, c'était violent. Gaston hocha la tête et se décala. À l'instant où je touchais la poignée, un frisson d'effroi remonta le long de mon bras. Derrière le battant clos, des voix geignaient en réponse à un orateur infernal. Une insidieuse chaleur réchauffa mon poignet droit. Le mal attirait le mal. Au moins y en avait-il un de content...
Je baissai la poignée. Gaston arrêta mon geste.
- Faites attention, frère Nathan. Elle est dangereuse.
Devais-je lui dire que mon rattachement à un ordre catholique ne faisait pas forcément de moi un frère ?
- Vous l'avez sanglée comme je l'ai demandé ? questionnai-je plutôt.
- Oui.
- Alors ça ira. Vous devriez attendre au salon. Et ouvrez tous les rideaux.
Gaston hocha une nouvelle fois la tête avant de s'éloigner. Je pris une profonde inspiration puis entrai dans la chambre.
La première chose qui me frappa ne fut pas l'adolescente frêle attachée solidement au sommier de son lit, mais le silence implacable qui m'accueillit. Plus de voix ni d'orateur dans la pénombre de la pièce. Pas de grincement du parquet quand je déplaçai mon mètre quatre-vingt-cinq et mes quatre-vingt-dix kilos de muscles rompus à l'entraînement des chevaliers exorcistes. Pas de respiration ni de souffle. Pas de chant d'oiseaux ni de murmures urbains alors même qu'on était en plein Toulouse. Rien que mon cœur cognant dans ma poitrine et les vibrations de joie de mon bracelet. Je lui accordai une brève attention en pensant que je ne lui ferai pas le plaisir de mourir aujourd'hui. Il dut m'entendre car il se rendormit aussi sec.
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CDSE 1 - La Marque des Cinq
ParanormalNathan est un exorciste à part. Élevé par l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ses mains sont son arme la plus redoutable : si la droite manipule les forces divines, la gauche, elle, contrôle les infernales. Dans son combat incessant contre les échap...