XXXIX : Phénix

Depuis le début
                                    

Adria vint se blottir encore plus contre le jeune homme, qui mesurait près d'une tête de plus qu'elle. Elle n'avait pas envie qu'il voie les larmes qui perlaient au coin de son oeil, elle ne voulait pas qu'il la croie faible.

La dernière fois qu'elle s'était ainsi laissée aller, c'était dans les bras d'un traître. À cette pensée, la jeune femme se raidit violemment, se dégagea rapidement et s'enfuit en courant vers le Palazzo, ses larmes laissant des traînées brûlantes sur ses joues.

*****

Le temps de parvenir à sa chambre, ses sanglots s'étaient arrêtés et elle s'était mue dans un silence profond. Sa rencontre ce soir-ci avec Theï serait déterminante. Elle espérait de tout son coeur qu'il possédait des informations concernant Naldo, qui pourraient permettre à la jeune femme de le traquer et de le tuer.

Elle se changea rapidement, troquant ses vêtements d'entraînement contre sa robe blanche et rouge d'Assassine. Elle enfila rapidement ses deux bracelets contenant ses lames secrètes et tressa prestement ses cheveux, en prenant bien soin de laisser son oeil mutilé à découvert.

Enfin, Adria s'approcha d'une petite bassine emplie d'eau qui trônait sur un des meubles et regarda son reflet dans l'eau frémissante à cause de son souffle. Si quelqu'un voyait seulement le côté droit de son visage, il pourrait la trouver belle, quoique marquée malgré son jeune âge. Son côté gauche la rendait monstrueuse.

Son oeil avait disparu, laissant place à l'orbite béante. Les chairs autour de la plaie étaient brûlées et encore recouvertes d'une couche de croûte rougeâtre. Ses paupières avaient brûlé, laissant des contours incertains et agrandissant l'orbite vide.

Naldo n'avait pas fait que la mutiler, il avait aussi fait en sorte qu'elle ne puisse pas redevenir l'Assassine qu'elle était avant, lui faisant perdre ses repères et surtout, il l'avait rendue laide, monstrueuse, impossible à aimer.

Adria renversa violemment la bassine et l'eau s'épandit sur le meuble et le sol. Elle détestait son nouveau visage, elle ne supportait plus le regard compatissant des autres, dans la rue ou même au sein de la Confrérie. Il fallait qu'elle prouve à tout le monde qu'elle n'avait pas perdu la main, en perdant son oeil. Il fallait qu'elle tue Naldo de ses propres mains.

La jeune femme laissa redescendre sa colère doucement, en inspirant profondément. Elle s'assit sur son lit, son arc posé sur les genoux. Elle devait attendre encore quelques heures avant de sortir du Palazzo, il ne fallait pas qu'elle soit découverte entrain de trahir sa promesse envers Ezio.

Elle somnola quelques temps, et lorsqu'elle jugea que les mouvements dans le Palazzo avait cessé depuis un bon moment, elle attrapa son carquois et l'installa sur son dos. Elle s'empara de ses deux poignards qu'elle fixa méticuleusement à ses chevilles. Elle rabattit sa capuche sur son visage et se glissa sans bruit dans le couloir.

Tout était silencieux, comme si tous les Assassins retenaient tous ensemble leur souffle pour que les pas d'Adria alertent quelqu'un qui pourrait l'arrêter.

"Adria ?" fit une voix hésitante dans son dos.

La chose que redoutait le plus la jeune femme venait de se produire. Elle se retourna et croisa le regard suppliant de Kataï. Il avait l'air vraiment inquiet, ses yeux cerclés de noir trahissaient sa veille forcée. De toute évidence, il avait surveillé la chambre de la jeune femme pendant le début de la nuit, pour s'assurer qu'elle ne file pas en douce.

Un larme amère monta à l'oeil de l'Assassine mais elle se dépêcha de la ravaler. Elle ne pouvait laisser Kataï se mettre en travers de son chemin, il ne pouvait pas comprendre la portée du sentiment de vengeance qui rongeait la jeune femme.
Son ancien mentor se rapprocha rapidement d'elle et lui saisit fermement le bras.

"Adria ... la supplia-t-il. N'y va pas seule ... Ne fais pas quelque chose que tu pourrais regretter plus tard ..."

La douleur perçait dans la voix du jeune homme et Adria ne put réprimer le sanglot qui montait dans sa poitrine. Elle préféra détourner le regard, libérant son bras d'un coup sec.

"N'essaie pas de le me suivre Kataï, fit-elle d'une voix moins assurée qu'elle ne l'aurait voulu. Ne me suis pas, sinon je serais obligée de te tuer."

Ces derniers mots furent extrêmement difficiles à prononcer pour la jeune femme. Elle avait fini dans un filet de voix. Elle ne pensait pas ses paroles mais c'était la seule solution qui lui était venu à l'esprit quand Kataï s'était interposé. Elle s'en voulait de dire des choses aussi affreuses, mais elle ne pouvait pas risquer de gâcher son rendez-vous avec son frère.

Adria s'éloigna rapidement de son ancien mentor, et, lorsqu'elle se retourna pour la dernière fois, elle put apercevoir son regard perdu et l'expression de désespoir qui régnait sur son visage.

La boule au ventre, la jeune femme murmura un "Desolée" entre ses dents, avant de s'élancer dehors dans les rues noires, une boule de culpabilité lui rongeant les entrailles.

Arcanes | Assassin's CreedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant