Ella

Elle s'appelait Ella et c'était ma meilleure amie depuis toujours. Cependant, à l'adolescence, j'ai commencé à l'observer plus souvent, attentive à chacun de ses gestes et à ses regards profonds qui me remplissaient d'un bonheur fou mais pourtant...si étrange... J'avais l'impression que je la considérais beaucoup plus qu'une meilleure amie. Nous avions l'habitude de dormir ensemble quand elle venait chez moi. Mais là encore, quelque chose a changé. Avant je m'endormais vite car j'étais avec ma meilleure amie. Je me suis mise à m'endormir très tard, à veiller pour la regarder dormir, à regarder son corps, à vouloir la toucher, l'embrasser sans limites. Mais que m'arrivait-t-il ?

Jusqu'à avoir envie d'elle...

Je ne le savais pas et je ne voulais pas le savoir. Et ces traces sur ma peau, mon ennemi qui ne me quittait plus depuis que je me sentais si différente des autres. Des entailles si profondes les unes des autres. Je me battais contre moi-même. Là encore, que se passait-il ? Mon angoisse montait de jour en jour. Je marchais dans la rue, prenais le métro, j'allais à l'université, je croisais beaucoup de garçons. Je l'ai regardée sans jamais ressentir de passion ou de désir pour ce sexe. Je me sentais malheureuse. Si j'avouais la vérité à ma meilleure amie, elle me rejetterait.

En réalité, j'avais peur de ce rejet...

Peur que cela ne réveille le démon qui faisait partie de moi mais que je n'étais pas...

Je vais maintenant vous raconter mon histoire, le moment où j'ai pu enfin revivre...

J'attends impatiemment à la gare, heureuse. Le train rentre en gare. Ella descend du train et je la prends dans mes bras. Je m'abandonne à une caresse dans son dos, en laissant s'égarer ma main. Je la trouve tellement belle et tellement heureuse de vivre. Pour elle, chaque jour a un goût nouveau, qu'il soit bon ou mauvais. Je porte une chemise à manches longues pour qu'elle ne voit pas les traces. Ce soir, j'ai un bon pressentiment. J'ai décidé de lui avouer tout ce que je porte sur le cœur, ce poids si lourd qu'il m'empêche de vivre.

« Ecoute Ella, dis-je en la regardant dans les yeux, je t'aime beaucoup, j'ai peur que ce que je t'avoue te fasse fuir, que tu ne reviennes plus jamais. Maintenant, j'aimerais t'avouer cette vérité une bonne fois pour toute. Je me suis rendu compte que...au fil des années...je ne t'aimais plus comme une meilleure amie... »

Je m'arrête quelques secondes pour la regarder. Elle m'observe en silence, l'œil inquiet.

Elle me pousse à continuer.

« Je t'aime beaucoup plus qu'une meilleure amie. Comme si j'étais, on va dire, amoureuse...de toi... »

Soudain, je crains sa réaction. Mais qu'est ce qui m'a pris ?

Je vois sur son visage une expression apeurée, anxieuse. Elle ouvre la bouche pour parler mais se tait. Puis silencieusement, elle s'approche de moi et me prend la main, avec pudeur.

Elle me sourit mais tout d'un coup, ce si joli sourire s'efface. Elle soulève lentement ma manche et suit légèrement ma cicatrice de son pouce.

Faites qu'elle ne pose pas de questions !

« Marie.... »

Je la regarde.

« Pourquoi tu t'es fait ça... »

Elle me montre ma cicatrice.

Je tourne la tête et les larmes me montent aux yeux.

« Je me sentais si différente des autres d'être attirée par des filles...Je me sentais si mal, c'était de ma faute, j'étais mon propre ennemi. »

Elle me regarde avec tendresse puis me prend doucement dans ses bras.

Elle m'embrasse doucement la lobe de l'oreille jusqu'à me faire rosir.

Je sens son parfum tout près de moi, je la sens tout près.

« Promets-moi que tout cela est fini, promets-moi que tu ne te feras jamais plus de mal car cette personne que tu détestes, c'est toi et cette personne est magnifique, elle n'attend que le bonheur, le démon représente le regard des autres sur toi. Aime-toi comme jamais tu ne t'es aimée, aime-toi comme moi je t'aime. »

Je la regarde. A-t-elle bien dit « Je t'aime » ?

« Je t'aime »me susurre -t-elle avant de déposer sur mes lèvres un long baiser sensuel.

J'éclate en sanglots dans ses bras du trop-plein de douleur, de bonheur et de tristesse. J'essuie rageusement mes larmes. Ella me prend dans ses bras. Elle effleure encore ma cicatrice, comme si sa main pouvait guérir cette blessure.

Elle effleure mon chemisier de ses doigts et détache les boutons un à un, avec tendresse.

Le lendemain, je me réveille, bien au chaud sous ma couette et me tourne du côté d'Ella. Elle n'est plus là mais je peux encore voir la forme de son corps sur le matelas.

Je m'habille puis me dirige vers la terrasse panoramique. Je la vois, je vois la femme que j'aime et que je n'ai plus honte d'aimer, accoudée au balcon. Je m'approche et je l'enlace en douceur. Nous observons la vue panoramique, la vue magnifique de Paris, au soleil levant.

N'abandonnez jamais, l'homosexualité ne doit être un combat pour personne, osez faire face aux regards des autres. Votre cœur vous guidera.

                                                                                                                                              Alyson