Untitled Part 1

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Lors de mon premier stage infirmier, un patient m'a dit : "Vous êtes différente des autres, je vous ai observée. Vous voulez continuer dans ce que vous faîtes? Alors faudra pas stagner. Faut pas qu'un con incapable soit au dessus de vous."

Connaissant ma tendance à l'auto-dévalorisation, j'ai noté cette phrase dans un carnet.

Je repensais de temps en temps à ce patient.

Il était toujours calme. Il était franc.

Un jour, il avait dit à l'une de mes collègues :"Vous devriez faire marchande de poisson..."

Elle parlait trop fort dans son oreille, comme le font souvent les gens avec les personnes âgées. "C'est pas parce que je suis vieux que je suis sourd ! Si ?"

Bien sûr que j'étais d'accord avec lui. Il me semble même que j'ai acquiescé. Avec le recul, je n'aurai pas dû, bien sûr, question de posture professionnelle.

J'ai côtoyé de près et de loin divers patients.

Mais tellement peu par rapport à tous ceux que je n'ai pas encore rencontré.

Lors de mon tout premier stage de découverte dans un cabinet libéral, il y avait Madame A. J'avais du mal à déterminer son âge, car son visage fatigué et cerné semblait jeune. Ses mains étaient également jeunes.

Je regarde toujours les mains des patients, et des gens en général, juste après avoir regardé leur visage. Les mains parlent.

Elle venait accompagnée d'une fillette de cinq ou six ans.

Ce jour là, elle venait au cabinet pour prendre des médicaments et se faire ausculter. Elle discutait avec l'infirmier, qui en même temps essayait de m'expliquer les traitements.

"C'est un cocktail avec des somnifères, des antidépresseurs, ce genre de choses." Il tendit un verre d'eau à la patiente. "Pas de fête sans cocktail..." murmura-t-elle avant d'avaler ses pilules.

Elle avait l'air fatigué. Elle souriait à sa fille et lui parlait avec douceur.

J'ai noté une phrase qu'elle a prononcé un jour : "J'ai vieilli de 40 ans en quelques mois..."

Je ne connaissais rien de l'histoire de cette patiente.

Et ces instants, ces deux phrases, c'était être spectateur d'une situation dont je ne connaîtrai sans doute jamais les tenants et les aboutissants. Deux miettes de quelques secondes, à ce moment, à cet endroit, tellement lourdes de sens, et qui soulèvent tellement de questions.

Pourquoi, qui, comment, depuis quand ? L'interprétation était infinie.

A la fin de ma première année j'ai pu travailler l'été dans un service, en tant qu'aide soignante.

Bien entendu, je n'étais pas franchement à l'aise, et me rendais compte que le travail en stage et le travail réel sur le terrain étaient deux mondes distincts. J'avais l'impression de maîtriser certaines choses en stage, et il s'avérait que ce n'était qu'une impression une fois sur le terrain.

J'ai rencontré Monsieur B dans un service de soins longue durée. Il avait cent ans, c'était tout ce que je savais de lui. Je ne le prenais pas en charge, j'avais "mes" patients comme on dit.

Il était malentendant, et il portait un casque pour écouter la télé. Au début je n'avais pas fait attention, et j'ai été un peu interloquée de le voir regarder la télévision sans son.

Un jour, il a sonné et nous avons un peu discuté.

"- J'ai été marié toute ma vie à la même femme !

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⏰ Last updated: Dec 30, 2017 ⏰

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