Et tu es partie

Depuis le début
                                    

Aucune trace de tes cheveux blonds. D'après les autres, tu as disparu de la ville le lendemain de notre dernière discussion. Je te comprends de moins en moins. A chaque fois que je repense à tous les moments qu'on a vécu ensemble, mes pupilles se remplissent de larmes. Malgré tout, je ne peux que me dire que tu avais tes raisons et que je ne suis en droit d'en douter. Malgré cette minuscule sensation coincée au fond de moi.

Pour le reste, je ne ressens plus rien, tout est vide à l'intérieur de moi. Happy ne tente même plus de me proposer d'aller pêcher. Je n'arrive tout simplement plus à faire quelque chose sans qu'un détail ne me ramène à toi. Je reste couché, à me remémorer tout ce qu'on fait et tout ce qu'on aurait pu encore faire si tout ne s'était pas brutalement arrêté.

J'ai du mal à sourire, je n'en ai pas envie, tous les visiteurs s'en sont étonnés et ont tenté de me faire rire en racontant des bêtises. J'ai péniblement esquissé des rictus polis mais sans ressentir un quelconque amusement pour leurs pitreries. Quelques fois peut-être, certains ont réussi à m'arracher des rires par leurs sincérités et leurs moqueries les uns envers les autres mais je suis retourné bien vite à ma torpeur.

Tout me paraît inintéressant. Vide de sens. Pourtant j'essaie. Je te jure que j'essaie de voir le bon côté des choses, les parties amusantes de la vie. Sans grands résultats. Je devrais peut-être mettre le nez dehors et respirer un bon coup d'air frais, ça pourrait me faire du bien. Mais même me traîner jusqu'à la porte me semble être un effort considérable et bien supérieur à mes forces.

Je ne pleure plus, et pourtant je l'ai fait. Le premier jour, je me sentais noyé sous l'avalanche de sentiments qui se déversaient en moi. J'ai arrêté d'éprouver ces sentiments. Les sentiments en général. L'incompréhension est le seul qu'il me reste entre tous. Et pourtant, Dieu sait qu'il y en avait beaucoup.

Creux, voilà ce que je suis devenu, une coquille vide de toutes émotions.

***

« Na... Natsu ! Réveille-toi ! » Crie une petite voix.

« Qu'est-ce que tu veux, Happy ? » Marmonné-je dans mon sommeil.

« Lu... Lucy. » Bégaie-t-il.

Mon cœur bondit à l'entente de ton nom. Ainsi, tu existais encore. Après une semaine à te croire effacée de la surface du monde, voilà que tu refais surface. Les larmes de mon compagnon m'affirment pourtant que ce ne sont pas de bonnes nouvelles qui m'attendent. Je suis presque tiraillé par l'envie et la joie de te revoir, et par l'inquiétude qui s'empare de mon esprit.

« Qu'est-ce qu'elle a Lucy ? » L'interrogé-je en sautant de mon hamac après des jours.

« Elle... Elle a... Elle a tenté de se suicider. »

Mon corps se fige. Je dois avoir mal entendu. J'ai de nouveau raté un battement. Mes yeux se sont écarquillés de surprise et je ne peux m'empêcher de penser que tout est ma faute. Que si j'avais su te retenir, rien de tout cela ne serait arrivé.

« Elle a sauté de la falaise, personne ne sait pourquoi. Jett l'a vue tomber et l'a rattrapé de peu. S'il n'avait pas été dans les parages à ce moment-là elle serait... » Continue-t-il tout en pleurant à chaudes larmes.

Pas besoin de continuer Happy, j'ai compris. Mais j'ai besoin de comprendre bien d'autres choses. J'attrape mes vêtements, les enfile le plus vite possible et cours aussi vite que mes jambes peuvent me porter vers l'infirmerie de la guilde. J'entre, tous les membres de la guilde sont là, autour de toi, certains pleurent, beaucoup pleurent.

« Lucy ! » Crié-je.

Je les pousse tous sans distinction, je veux te voir. Avoir la confirmation de mes yeux que tu es bien là, en vie. J'entends le rythme régulier de ton cœur, la pression retombe brusquement, mes genoux lâchent et entrent violemment en contact avec le sol froid. Je n'ai pas les mots pour décrire le soulagement infini qui m'envahit à ce moment-là.

Mon inquiétude ne part pas totalement devant ton teint pâle, beaucoup trop pâle. Il devrait être beige léger avec une pointe beaucoup plus rose au niveau des joues. Mais là, elles sont blanches, de la même façon que le reste de ton visage et de ton corps amaigri. Blanches et glacées comme la neige. Au lieu de la douceur d'un abricot.

La pièce se vide, petit à petit. J'entends les chuchotements indignés de certains mais n'y prête pas attention, peut-être que Mira a ordonné que tout le monde sorte, elle fait souvent ça quand quelqu'un va très mal. Peut-être que c'est Polyussica. Elle est en train de préparer quelque chose derrière mon dos, l'odeur est immonde. Un mélange de souffre et de sang. Toi, tu ne peux pas la sentir mais je t'assure que tu ne rates absolument rien. A part peut-être une infection des narines.

Ça m'étonne même qu'elle ne t'éveille pas. Je vais peut-être demander à en produire plus, ça pourrait fusiller mon odorat mais je m'en fiche éperdument. L'important est que tu te réveilles. C'est ma faute, je t'ai laissée seule pendant une semaine. Je n'ai pas eu le courage de te retenir. J'aurais dû t'attraper par le bras pendant que tu marchais devant mes yeux et rien de tout cela ne serait arrivé. Je me sens tellement idiot. Tout est ma faute.

Des larmes coulent encore sur mes joues, pas moyen de les retenir, c'est tout ce que je peux faire, pleurer à ne plus s'arrêter. Ça fait du bien, déverser toute la tristesse que l'on contient depuis un moment. Ton départ, puis ta tentative de mettre fin à tes jours.

D'après ce que j'ai entendu, la chute t'a plongée dans un sommeil lointain. C'est sûr que ça fait drôlement peur de tomber d'aussi haut, ton esprit a voulu t'épargner la douleur de la collision avec le sol et il t'a entièrement éteinte. Te déconnectant complètement de la réalité pour te plonger dans ton monde, où tu es sûrement plus heureuse.

Mais moi, je suis dans la réalité. Avec ma peine, mes espoirs et ma peur envahissante de te perdre à tout jamais. Tu n'as pas le droit de mourir. Tu ne peux pas nous abandonner, la guilde ne s'en remettrait pas. On a déjà dû se relever difficilement après la mort de Lisanna et on a fait une fête d'enfer quand elle est revenue. Je ne pense pas qu'on arriverait à se soigner une fois de plus. Moi je n'y arriverai pas.

Même Juvia qui te considère comme sa rivale et qui ne manque jamais de t'enfoncer était en larmes. Je l'ai vu dans les bras du glaçon tandis qu'elle déversait toute l'eau de son corps. Lui tentait de la réconforter et réunissait probablement tous les efforts pour ne pas commencer à pleurer lui aussi.

Si la situation ne semblait pas aussi grave, je crois que Mira se serait évanouie avec Juvia, que les autres filles auraient eu des yeux de merlan frit et que les autres mecs auraient charrié le frigo toute sa vie. Je me demande vraiment ce que t'aurais fait, toi, je devrais le savoir avec le temps qu'on a passé ensemble et qu'on se connaît, mais comme t'as pas mal changé ces derniers temps, je préfère ne pas m'avancer.

« Natsu ? »

Cette voix. Aiguë. Chantante. Je la reconnaîtrais entre toutes. Sous la surprise je relève brusquement la tête et te contemple.

« Lucy !! » m'exclamé-je.

Tu m'observes avec un regard interrogateur, je peux voir toutes les questions dans tes yeux.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? Comment je suis arrivée là ? J'ai sauté et puis plus rien. » Me questionnes-tu en jetant des regards d'incompréhension tout autour de toi.

Je n'arrive pas à parler, les mots restent coincés dans ma gorge, je suis si soulagé que tu te sois réveillée. Les sentiments se bousculent en moi. Je me fiche de ce qui t'es arrivé, tu vas bien c'est tout ce qui compte. J'ai l'impression que mon corps pourrait bouger tout seul sans que je ne puisse rien faire.

« Je suis tellement désolée, Natsu ! Je ne voulais pas quitter l'équipe mais ... »

Qu'est-ce que tu commences à déblatérer ? Tu aurais pu intégrer la pire guilde noire qui soit, faire ami-ami avec Achnologia ou même devenir la femme de Zeref ! Je n'en ai rien à faire ! Tu vis, tu respires, tu parles, je me fiche du reste !

« Mais essaye de comprendre, j'ai reçu une lettre qui disait que si... »

Mes lèvres sont contre les tiennes.

Mon corps a bougé tout seul, je ne lui ai rien dit de faire, mais tant pis comme tu réponds à mon baiser c'est que ça ne doit pas te déplaire. Au moins tu t'es tue et tu m'embrasses aussi. C'est tout ce que j'ai toujours voulu.

Et tu es partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant