Chapitre 15

Depuis le début
                                    

« - "Le Minotaure, contrairement au monstre mythologique, il s'agit d'un animal gardien de mine, c'est un monstre blanc qui vit sous terres et qui voit dans l'obscurité. Un minotauron (enfant) pèse près de cinquante-cinq kilogrammes tandis que l'adulte peut peser jusquà une tonne et demi. Si l'animal n'est à la base pas carnivore (il se nourrit essentiellement de charbon), il n'hésite pas à tuer tout être vivant à proximité par souci de protection (d'où l'appellation gardien de mine)", et cætera. En d'autres termes, on peut dire qu'on l'a échappé belle.

- C'est sûr, je n'en n'avais jamais entendu parler, on s'en est bien sorti...

- Et sinon, qu'est-ce que tu comptes faire une fois que tu auras retrouvé l'usurpateur de ton identité ?

- J'ai ma petite idée mais je ne suis sûr de rien encore, j'attends de voir l'individu en face. Et toi ? Reprend-il sérieusement. Le monde extérieur ne te rappelle rien ?

Je secoue la tête négativement.

- Certaines sensations ou vues ne me sont pas inconnues, je ne me souviens pas les avoir vécues mais je le ressens, je ne peux pas vraiment l'expliquer, c'est perturbant mais je dois faire avec. Je finirai bien par la retrouver.

- Et si tu n'y arrivais pas ? S'inquiète-t-il.

- Oh... et bien, je suppose que je l'accepterais d'une manière ou d'une autre. Mais ça n'arrivera pas ! As-tu peur que je reste à vos côtés plus longtemps ? Je rigole.

Il tourne la tête.

- Ouais, c'est sûrement ça... »

Nous arrivons sur Molgav au milieu de la nuit. Ace refuse que nous séjournions dans une auberge de peur qu'on le reconnaisse, ou plutôt qu'on le confonde avec l'usurpateur de son identité.

« - Il est hors de question qu'il entende parler de mon arrivée sur l'île, je veux le cueillir en pleine action.

- As-tu seulement pensé à mon confort ? Où allons-nous dormir ? Il n'y a pas assez de place dans ton Striker !

- Tu avais déjà remarqué ?

- Quoi donc ?

- Comme tu es chiante. Nous improviserons un lit, ce sera ta première nuit à la belle étoile. Enfin, la première dont tu te souviendras du moins.

- Oï !

Je lui mets un coup de coude dans les côtes faussement vexée. Il rigole et récupère notre sac de provision ainsi que notre seule couverture. À la sortie du village portuaire, nous pénétrons dans une forêt à la recherche d'un coin sombre et tranquille – pour ne pas se faire réveiller trop tôt le lendemain – et nous finissons par tomber sur l'entrée d'une grotte. Si Ace s'allonge immédiatement, je pars chercher des arbres avec de grosses feuilles, ou toutes sortes de végétations qui me permettrait d'improviser un matelas. Lorsque je reviens les bras chargés de verdures, Ace dort déjà, enroulé dans la couverture. Je confectionne mon "lit douillet", me couche et tente de récupérer un bout de ma seule protection contre le froid, vainement. J'essaye dans un second temps de m'endormir sans la couverture mais je me fais rapidement rattraper par la réalité, je n'arriverai pas à passer la nuit en débardeur. Quelle idée me direz-vous, je me pose la même question. Après une dizaine de minutes à tenter tout de même de m'adapter à cette situation, je capitule :

« - Ace !

- ...

- Ace ! Réveille-toi !

- ...

- Allez ! Bon sang, tu n'as pas besoin de couverture toi !

- ...

- Fais au moins un feu ! Ne me laisse pas dans cet état !

- grmmlhm... »

Il se retourne et s'étale, finissant sur le dos et se débarrassant de la couverture sur moi par la même occasion, je crois d'abord avoir réussi à l'éveiller mais je constate rapidement que non à ses ronflements. Il bouge simplement dans son sommeil et va même jusquà poser son bras et sa jambe gauche sur moi. Oh non, la scène n'a rien d'attendrissant, voyez une étoile de mer – un poids mort en réalité – écrasant deux de ses branches sur nulle autre personne que moi. J'arrive à pousser sa jambe facilement avec les miennes mais pour son bras, aussitôt enlevé, il revient à sa position initiale. Vaincue, je me tourne dos à lui pour qu'il me gêne le moins possible et malgré le soleil qui se lève bientôt, la nuit promet d'être longue. Comme prédit, je m'endors après quelques heures pour me faire réveiller dans les moments qui suivent. Ace a bougé, emportant la couverture sur son passage pour venir la serrer fermement entre ses bras, je pousse un râle :

« - Nom de dieu Ace ! rends-moi cette couverture !

Le soleil s'est levé et moi aussi. J'attrape un coin de la couverture et commence à tirer, sans succès. Evidemment. Je pose alors un pied au niveau de ses hanches pour me faire un appui et tirer plus fort. Je ne tarde pas à entendre grogner mon appui improvisé et avant même que je le réalise il me balaye les jambes. Heureusement pour moi – et pour lui – il amortit ma chute et me plaque au sol sans perdre de temps.

- Vas-tu te taire ? Dors bon sang ! Tu as remué toute la nuit !

- Comment ne pas faire autrement ? Quand tu ne me prends pas la couverture tu t'étales sur moi ! C'est moi qui ai passé une mauvaise nuit ! Cesse de te plaindre ! »

Il me lâche aussitôt, me jette la couverture et grommelle un vague « pardon » en se recouchant. Je rigole et me rendors presque immédiatement malgré la lumière du jour. Nous nous réveillons plus tard par des cris et des coups de feu, nous qui avions cherché pour de la tranquillité dans la grotte en forêt, c'était raté. Nous rassemblons nos affaires, ce qui ne prend pas beaucoup de temps et d'un commun accord bien que silencieux, nous partons dans la direction de la provenance du vacarme. Lorsque nous atteignons l'orée de la forêt, nous nous arrêtons pour voir des villageois, armés de fourches pour certains et de fusils pour d'autres, poursuivre un homme vêtu dun long manteau et d'un chapeau, ils se dirigent vers la forêt. « Sûrement un voleur » je pense dans un premier temps, puis mon regard est attiré vers son visage, l'homme a la bouche grande ouverte et il pleure de terreur, je bloque même quelques instants en voyant son visage enfantin, trop enfantin à mon goût. Je regarde Ace pour vérifier que lui aussi a remarqué ces détails mais je le vois sourire à la place, je fronce les sourcils.

« - Alya, on s'enfonce un peu plus dans la forêt et on se planque.

- hein ? Pourquoi ?

- Maintenant. »

Il m'attrape par la main en voyant mon manque de réaction et m'entraîne dans le sens inverse que nous venons de parcourir. Nous nous arrêtons après deux cent mètres à peu près.

« -Reste cachée contre le tronc d'arbre. »

Je m'exécute même si je n'en vois pas l'utilité, les villageois ne viennent pas pour nous après tout. Lui aussi se cache derrière un arbre opposé au mien, nous nous penchons discrètement pour voir l'avancée de la course poursuite. Ils viennent d'entrer à leur tour dans la forêt et continuent d'aller dans notre direction, j'imagine qu'Ace a une idée derrière la tête et je ne tarde pas à en avoir la preuve. Alors que l'homme poursuivi s'approche de nous et qu'il a distancé les villageois d'une bonne centaine de mètres, nous arrêtons de nous pencher pour les observer et je vois Ace tendre son pied, s'il pense sérieusement réussir à faire son croche-pied, il est bien naïf. C'est ce que je pensais jusquà voir l'homme percuter sa cheville de plein fouet et s'étaler de tout son long. Il ne va pas le livrer aux villageois comme je m'y attendais mais le dégage du passage pour le jeter dans un buisson tout en me faisant signe de me taire. Les villageois passent peu après devant nous sans nous voir et continuent leur chemin.

« -Qu'est-ce que tu as derrière la tête ?

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