Alexa

Chapitre 1

Ce matin-là, je me suis réveillée à la même heure que d'habitude. Enfin... Disons plutôt que c'est Gomel qui m'a réveillée comme il le fait tous les matins. Le soleil était déjà levé depuis deux heures, et ce « cher » monsieur m'appela à travers ma porte fermée : « Alexa ! Espèce de fainéante ! Debout ! Le jardin est dans un état épouvantable ! »

Gomel était l'aubergiste qui avait consenti à me laisser occuper une chambre à condition que je m'occupe, deux fois par semaine, du minuscule jardin qui se trouvait devant son établissement. Du temps où elle était encore en vie, la femme de Gomel s'était occupé de ce petit bout de terre, mais maintenant qu'elle était morte, et comme Gomel n'y connaissait rien en jardin, il avait d'abord pensé à demander de l'aide gratuitement. Mais devant l'échec de sa tentative, il s'était décidé à louer une petite chambre à celui ou celle qui, en échange, prendrait soin du jardin. Comme, à l'époque, j'avais besoin d'un endroit où dormir, et que je n'avais pas de travail, donc pas d'argent pour me payer cet endroit, j'avais sauté sur l'occasion.

Maintenant, trois années plus tard, j'étais élève à l'Académie de Magie de Pares et je recevais assez d'argent pour me payer une plus grande habitation. Mais j'avais décidé de rester chez monsieur Gomel. Après tout, j'étais logée, et ce qu'il demandait comme paiement n'était pas bien énorme. De plus, comme j'aimais bien jardiner... Bon, il est vrai que la chambre n'est pas bien grande, mais cependant assez pour que je puisse dormir, et comme je passe la plupart de mes journées à l'Académie... Je m'en contente largement, et préfère économiser pour plus tard.

A ce moment, je revenais de vacances. J'étais partie pour deux semaines avec Lena, ma meilleure amie, à la Ville-sur-l'Elde, une magnifique cité, bâtie à l'embranchement de trois fleuves. Les maisons sont toutes construites sur pilotis, et les rues sont en fait des canaux que l'on traverse à l'aide de radeaux. Lena avait eu une excellente idée en m'emmenant là-bas, j'en étais vraiment revenue parfaitement détendue. De retour la veille au soir, je n'avais fait que dormir depuis. Et maintenant, Gomel me réveillait.

Sachant que dans cette auberge, le petit-déjeuner n'était servi qu'une seule fois, et que je n'avais pas envie d'aller au Petit Dragon, l'auberge la plus proche, je me dépêchai de me laver et de m'habiller. Vêtue simplement d'une robe marron en laine grossière, je descendis dans la salle principale.

Sur la vingtaine de tables qu'il y avait, cinq étaient occupées par des personnes logées, comme moi, dans l'auberge. Deux autres accueillaient des inconnus. Je vis Gomel arriver des cuisines, deux plateaux de petit-déjeuner sur les bras. Il louvoya entre les tables et servit deux vieilles dames qui discutaient à voix basse, installées à ma droite. Gomel me remarqua, et me lança d'un ton hargneux, en s'éloignant déjà :

- Vu le temps que tu as mis pour descendre, je suppose que tu peux patienter !

- Mais bien sûr ! lui rétorquai-je, mais il n'entendit pas ma réponse.

Mais il n'avait pas vraiment tort, je n'étais pas pressée. De plus, détendue comme je l'étais grâce aux vacances avec Lena, je n'allais pas m'énerver, déjà, avec Gomel. Cela aurait été dommage de casser ma bonne humeur !

En attendant, j'observai les autres personnes qui occupaient la salle principale de l'auberge. Mis à part les deux vieilles dames, qui mangeaient maintenant en silence, il y avait, près du mur, deux jeunes couples qui bavardaient gaiement. D'après ce que j'entendis de leur conversation, je compris qu'ils parlaient de leurs vacances qu'ils avaient passées à Wal, une ville de l'ouest très touristique. Les trois autres tables étaient occupées par des personnes seules, qui attendaient d'être servies. Elles ne faisaient rien, si ce n'est contempler leur table. Elles avaient l'air de mauvaise humeur, ou bien peut-être étaient-elles encore endormies. Je m'intéressai ensuite plus particulièrement aux deux inconnus.