Chapitre IX: Morituri te salutant

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Un filet de sang coula jusqu'à la trappe avant de se glisser dans les fissures et d'atterrir, goutte après goutte, sur l'épaule de Calliandra qui tentait de voir, par les fines ouvertures, le combat de Prudens et Verus. Elle était montée sur un amoncellement de pierres, qui avait dû être installé ici par d'autres gladiateurs, et se tenait à la plaque en fer qui séparait l'arène de la galerie souterraine et qui permettait de faire entrer les futurs combattants de manière plus théâtrale et surprenante que par les larges grilles.

- Tu vois quelque chose ? demanda Tibalte.

- Non, ils sont trop loin. Il va falloir se contenter des cris.

- Prudens est un excellent rétiaire. Ils vont vaincre, j'en suis certain.

La voix de Verus résonnait jusque dans la galerie souterraine. Il criait pour se donner du courage et ne laisser aucun doute sur sa volonté à survivre au combat. Calliandra écoutait attentivement tandis que Tibalte essayait d'ignorer ce qu'il se passait là-haut pour ne pas se déconcentrer. Il avait deux objectifs bien précis : revenir au ludus en un seul morceau et ramener Calliandra avec lui. Il ne doutait pas des capacités de la jeune gladiatrice mais il redoutait celles de leurs futurs adversaires. Il savait que combattre avec elle était son point faible, la faille dans sa détermination et son courage. Elle représentait une faiblesse parce qu'il avait peur pour elle et avoir peur, dans l'arène, n'était pas une bonne chose.

Les cris cessèrent brutalement et un lourd silence s'installa. Calliandra se figea dans l'attente, incapable de bouger. Soudain, la foule se mit à hurler, scandant le nom de Prudens. Martial apparut, essoufflé d'avoir couru des gradins, où il assistait au combat de deux de ses gladiateurs, à la galerie, où il venait annoncer les vainqueurs.

- Alors, maître ? le questionna Tibalte.

- Prudens a terrassé ses deux adversaires. L'un est mort quelques minutes à peine après le début du combat et l'autre a été transpercé par sa lance. Il est tombé à terre et n'a pas pu se relever.

- Verus ? demanda Calliandra en se plaçant à côté du celte.

Martial secoua doucement la tête mais ne répondit pas. Il ne voulait pas effrayer davantage sa petite protégée. Tibalte soupira et lança un regard au doctore resté muet, une expression indéchiffrable masquait son visage. Verus était tombé. Il ne reviendrait jamais plus au ludus mais ce n'était pas le moment de pleurer les pertes. Il ne fallait rien montrer, demeurer impassible.

Spiculus tendit à Calliandra deux épées fournies par le sénateur Rufus. Elle ne les avait jamais vues et se perdit un instant dans la contemplation des armes. Sur la gouttière, au centre de la lame, était gravée, en lettres d'or, la phrase suivante : le rubis de Rome. Le sénateur avait comparé la jeune gladiatrice à cette pierre précieuse lors de leur première et unique rencontre et semblait vouloir partager cette idée avec la plèbe. Si cela lui permettait de ne plus être vue comme la fille de Pluton, Calliandra lui en serait certainement très reconnaissante. Ses yeux parcoururent l'acier étincelant de la lame avant de descendre progressivement vers la poignée, entourée d'un tissu en satin rouge vif, et le pommeau noir, de forme arrondie, sur lequel était dessiné un rubis. En approchant ses yeux, elle constata qu'il s'agissait d'une véritable pierre précieuse et non d'un dessin. Le sénateur avait exigé que le pommeau soit incrusté d'un vrai rubis. Les deux épées étaient parfaitement identiques et d'une beauté saisissante. Martial laissa Calliandra les admirer avant de lui demander comment elle se sentait.

- Je suis prête, affirma-t-elle. J'aimerais ne pas jouer la scène des adieux. Je ne veux pas me sentir vulnérable maintenant. Vous devriez rejoindre les gradins.

calliandra la gladiatrice : le rubis de romeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant