Au-delà du monde

"T'as de beaux yeux, tu sais !" (I)

- Au fait, Nox va bien ?

- Nox ! Tu vas bien ? hurla Josh de l'autre côté de l'appareil.

Un aboiement énergique résonna au oreilles de Lux.

- Il va bien !

- Ça je te ne le te fais pas dire... Bon, fais attention à toi, tu sais très bien que Phantom ne rigole pas. Et puis t'es loin de tout là, donc prudence.

- Ouais... Ne t'inquiète pas je ferai attention.

Lux raccrocha.

- Alors ? Comment va-t-il ? demanda Gautier en se rapprochant de Lux.

- Il s'inquiète. Pas au point d'avoir un ulcère, certes, mais quand même, il s'inquiète.

- Il faut bien admettre que les Philippines n'était pas au programme. Tu m'en veux pas ?

- Pourquoi ? M'avoir encourager à poursuivre les hommes de Phantom ? Je ne t'en voudrai que si je meurs !

- Ah cool !

Le bateau était quasiment à cinquante mètres de la côte. Lux manœuvra l'embarcation pour accoster proche d'un coin rocheux où l'eau était suffisamment profonde. Pendant ce temps, Gautier entrepris de préparer chaque armes à disposition du duo. Après quelque minutes de manipulation de gouvernail et de pression de boutons diverse, Lux amarra enfin l'embarcation.

- Prépare toi ! On jette l'ancre ! hurla Lux.

****

Les deux hommes étaient là, sur la plage de sable fin. L'eau de la lagune était magnifique. Ils observaient les alentour avec la difficulté imposé par la luminosité du soleil. L'eau clair et bleu reflétait moins les rayons que le sable blanc. De fait, ils étaient tout deux tournés vers la mer. La chaleur n'avait rien de comparable avec celle éprouvé au Venezuela mais elle insupportait tout autant Gautier. La sueur perlait sur son cou et sur ses mains. Par chance, les vêtements absorbaient le reste, subissant de grandes auréoles en contrepartie. Lux aussi, subissait les affres de la chaleur mais cela ne le dérangeait guère et son T-shirt semblait moins mal en point.

- C'est pas par là qu'on va trouver les hommes de Phantom... dit calmement Lux en regardant et pointant la mer.

Gautier continua de regarder la mer en répondant.

- Je te crois... J'ai une mauvaise nouvelle.

Il haleta sous la chaleur.

- On a plus de changes !

Lux décrocha son regard de la mer pour se tourner vers son ami.

- Sérieusement, c'est ça qui te préoccupe ? On est en train de rien faire à surveiller l'océan alors que y'a surement des mecs qui peuvent nous tomber dessus par la terre. Et ta mauvaise nouvelle c'est : "on a plus de change !" ?

- J'aime ne pas nager dans ma sueur ! Enfin, ce n'est pas très important dans notre situation j'imagine.

Gautier se redressa et fit aller tous ces muscles.

- Aller ! Motivation !

Il se retourna vers le cœur de l'île et grommela en plissant les yeux pour supporter le reflet de lumière dans le sable. Après un petit temps d'adaptation, il put observer correctement l'intérieur de l'île.

- Mais c'est vraiment jolie !

Il sortit son appareil photo. Lux, voyant son acolyte s'activer du coin de l'œil, prit sur lui et se retourna aussi. Comme à son habitude, il resta stoïque face à l'éblouissement. Gautier le braqua avec son objectif et pris une photo. Le flash se déclencha.

- Pardon, s'excusa Gautier, je l'avais activer quand j'ai pris des photos, tout à l'heure, dans les parties sombre du bateau.

Lux avait été littéralement aveuglé par le dit flash malgré la contraction maximale de ses pupilles et la lumière ambiante.

- C'est pas grave... affirma-t-il en se frottant les yeux. En revanche, il est sacrément puissant ton flash !

Lux mis une vingtaine de secondes avant de pouvoir revoir correctement.

- Bon range moi ça ! ordonna-t-il. On a du pain sur la planche.

- Je sais.

Gautier sortit de la poche de son sac deux armes de point chargées. De toute évidence, il attendait avec impatience que Lux devienne sérieux. Ils commencèrent leur prospection de l'île en se dirigeant vers la forêt qui la recouvrait.

Ce bout de terre perdu dans l'océan n'était pas très grand. Lux estimait la surface émergée à environ neuf kilomètres carrés. Une grande partie, au moins six d'entre eux, toujours selon lui, était recouverte de cette forêt. Ces estimations, basées sur son observation prolongée pendant l'arrivée en bateau, étaient tout à fait justes et précises. Il en était conscient et s'en était servit comme point de départ pour élaborer des plans. D'abord, pour l'exploration de l'île. Ensuite, dans une moindre mesure, pour soutenir un affrontement. Enfin, pour pouvoir battre en retraite de manière efficace en cas de besoin. Tout avait été choisi avec précaution. On pourrait même imaginer, sans être dans le faux, que les quelques minutes passer à regarder la mer avaient elles aussi été préméditées.

Ainsi, il avait choisi d'accoster à l'endroit le plus proche de la forêt et le plus au centre de l'île. Il avait choisi le pic rocheux le mieux placé pour entreprendre de fuir tout en se servant de la géographie comme d'un bouclier naturel. De plus, la partie la plus dense de la forêt commençait non loin du bateau, exactement comme la partie la plus clairsemée. Cela lui laissait plus de moyens de repli, favorisant la vitesse de fuite ou le camouflage. Pour faire court, il avait tout prévu comme à son habitude.

Ils pénétrèrent la forêt par la partie la plus ombragée. Lux comptait en premier lieux avancer sous couvert de la végétation, évitant ainsi un maximum le contact imprévu avec les hommes de Phantom. De plus, comme il ignorait toujours l'origine exacte de la mort des hommes du bateau, il n'excluait pas la possibilité d'avoir un troisième camp dans l'équation. Ceci dit, il trouvait peu probable que qui que ce soit d'autre que celui qui le faisait chanter soit à l'origine des éliminations.

La forêt de palmiers qui ceinturait la plage ne tarda pas à se changer en un rassemblement de divers espèces végétales étrangères à Lux et Gautier. Ainsi, les tailles oscillaient entre celle d'un homme et celle d'une maison de deux étages. Les branches entremêlées obstruaient en grande partie la vue, ne laissant qu'une jolie palette de verts à la vision de Lux et Gautier. L'air était plus frais que sur la plage mais le manque de vent, arrêté à l'orée, donnait l'impression inverse. Malgré cela, la température restait élevée, pour le plus grand déplaisir de Gautier qui gesticulait au gré de ses pas afin de décoller ses vêtements de sa peau. Tout ses efforts ne firent qu'ajouter à son supplice plusieurs démangeaisons judicieusement placées. Cependant, il restait tout à fait alerte aux moindres bruits et autres distractions qui pouvaient relever de la présence d'ennemis. Il triait les cliquetis de gouttelettes, les insupportables susurres des moustiques ainsi que les bruissements des feuilles. Cette situation lui rappela sa première excursion avec Lux, huit mois auparavant.

Quand à Lux, il cheminait devant, ne donnant guère d'autres impressions que celle d'un homme se baladant paisiblement dans le bois municipal, profitant du chant des oiseaux et de la chaleur estivale. En réalité, il était bien plus sûr ses gardes que ne l'était Gautier. En effet, outre le fait qu'il craignait son adversaire et le fait qu'il s'était senti quelque peu embarqué de force ; sensation qui s'était dissipée au fur et à mesure que sa curiosité le poussait ; il avait l'habitude de toujours sur-analyser la moindre information qui lui tombait dessus. Penser qu'il s'agit d'une compétence nécessaire pour tout bon criminel comme lui et qu'il l'avait appris sur le tas serrait omettre qu'il excellait déjà dans cette discipline auparavant. Sa situation n'avait fait qu'exacerber ce trait caractéristique.

Après quelque minutes à arpenter lentement la forêt de l'île, Lux finit par soulever la dernière feuille qui obstruait sa vision pour découvrir une ruine de village en bois.

Il se retourna vers Gautier et lui indiqua sa trouvaille tout en lui demandant inutilement de garder le plus grand silence.