Chapitre 83

Depuis le début
                                    

Pourquoi avait-il peur à ce point alors qu'ils étaient déjà sortis dans un parc ? Était-ce parce que c'était un matin où il y avait peu de monde ?

« Tu trembles, murmura le cadet en posant sa main sur le genou de l'autre.

- Tu peux pas comprendre, souffla l'aîné la gorge serrée.

- Je le voudrais, c'est toi qui ne me le permets jamais.

- S'il te plaît laisse-moi seul.

- Non, tu ne peux pas abandonner chaque fois que ça devient compliqué, tu ne peux pas fuir la conversation quand elle ne te plaît pas.

- S'il te plaît Chim, j'ai besoin de réfléchir. »

Désespéré par le ton désemparé de celui qu'il aimait, le petit infirmier jura silencieusement et se releva avant de quitter la pièce, après une dernière hésitation. Il resta immobile devant la chambre ; il avait beau savoir que Yoongi n'y pouvait rien, il voudrait être capable de l'aider, et même s'il savait aussi que d'une certaine manière, à sa façon, il en faisait déjà beaucoup pour lui, il ne pouvait pas s'empêcher de regretter que Yoongi ne soit pas totalement prêt à accepter son aide. Bien sûr que c'était difficile pour l'aîné avant tout, mais Jimin s'inquiétait surtout du fait que son brun ne semblait pas vouloir s'en sortir.

C'était évident, il faisait quelques efforts... le seul problème, c'était que ces efforts, il ne les faisait que pour Jimin, et le blondinet voulait qu'il comprenne qu'il devait avant tout les faire pour lui-même, c'était ça qui montrerait qu'il voulait réellement se reprendre en main... s'il le voulait réellement. Maintenant que l'infirmier était affectivement attaché à son patient – grave erreur au passage –, il ne pouvait plus le laisser, quoiqu'il arrive il savait qu'il ne pourrait pas accepter de l'abandonner, il ne pouvait plus imaginer échouer avec Yoongi, car dans ce cas, ça serait également leur relation qui se casserait lamentablement la gueule.

De nouveau seul, Yoongi posa une main sur son cœur, il inspirait de grandes bouffées d'air et ses membres tremblaient de façon incontrôlée. Il sentit sa gorge se nouer et des larmes gagner ses yeux vides. L'idée même de se retrouver dans un magasin lui faisait faire une crise de panique, et ça Jimin l'ignorait. Au restaurant dans lequel son amant l'avait fait entré la seule fois où ils étaient allés se promener, Yoongi avait pu conserver un semblant de calme parce que la promenade faite juste avant l'avait détendu et qu'il savait qu'il pouvait faire machine arrière à tout moment, or là, c'était très différent, il paniquait déjà, alors qu'en serait-il une fois au centre commercial ? Il ne pouvait pas gâcher l'après-midi de ses amis, et ce serait ce qui se passerait nécessairement, car il savait qu'à peine arrivé, il réclamerait de partir. 

Sa chambre était son cocon, son appartement son bouclier ; rien ne pouvait l'atteindre quand il était chez lui, car cet environnement l'apaisait totalement, il savait où était quoi, il n'y avait pas de mauvaise surprise à craindre à chaque pas... mais tout était très différent quand il sortait : le monde était trop vaste, il n'y avait pas ses repères, il n'y avait pas de murs à longer ou bien d'endroits que l'on connaissait par cœur au point de pouvoir les traverser sans hésitation. Non, le monde était immense, effrayant, et méprisant vis-à-vis des gens comme lui.

Car il n'était pas normal, le monde n'était pas fait pour qu'il s'y intègre, c'était comme ça.

Le blondinet ne pensait pas que son patient puisse à ce point souffrir de la présence d'autrui –car après tout avec ses amis tout allait bien –, et pourtant l'aveugle était véritablement terrorisé à l'idée de faire face à la foule. Et si une seule personne se rendait compte de son handicap ? Quelle honte, quelle horreur...

Du bout des doigts [Yoonmin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant