Il était tard ce matin lorsque Stéphane ouvrit les yeux. Il n'avait plus cette pointe de panique quand il découvrait la chambre où il dormait. Elle n'était plus inconnue maintenant. Il avait encore dans la tête les heures qui suivirent son arrivée dans ce centre. Elles revenaient régulièrement dans ses cauchemars.
Après avoir passé plusieurs heures sur le sol froid de la salle de bain, un homme en blouse blanche l'avait réveillé. Il s'était présenté comme étant son médecin attitré, Antoine pour lui. L'homme lui avait décrit le centre comme étant sa chance de reprendre pied. Il lui avait promis que ce serait temporaire. Il resterait juste le temps d'encaisser le choc. Sa famille avait peur pour lui et préférait le savoir entre de bonnes mains. Il lui avait donné de quoi soulager ses douleurs et lui avait demandé de se reposer. Pour l'homme, c'était le seul moyen de repartir sur une bonne base. Il lui avait donné rendez-vous pour un entretien régulier.
Sa chambre était plongée dans une semi-pénombre. Le jour était déjà levé. Ses rideaux jamais ouverts l'empêchaient de voir la lumière du jour. Il ne profitait guère de la vue. De toute manière, de gros barreaux noirs lui coupaient l'envie de regarder dehors.
Il posa un pied-à-terre. La tête lui tournait encore un peu. Il n'arrivait pas à chasser cette sensation lourde. Sur sa table de chevet, il vit un petit bouquet de roses. Une agréable sensation de bien être s'empara de lui.
Ses roses étaient les dernières créations de sa mère. Ironiquement appelée Rose, elle était une botaniste reconnue. À la suite d'une dépression dont il ne connaissait pas la réelle raison, elle s'occupait de fleurir leur maison. Elle était capable de faire pousser n'importe quoi. À l'image de son prénom, la rose était sa fleur de prédilection. Dans le jardin de leur maison, elle passait un temps fou à les couper, les traiter, les admirer. Il passait également beaucoup de temps à l'aider. Ce passe-temps lui manquait. Malgré sa réticence non caché à le faire à chaque fois qu'elle lui demandait. Ces fleurs-là, ils s'étaient amusés à le sécher, pour en garder un souvenir immortel. Il ne regrettait pas de l'avoir fait. À présent, elles étaient le témoin de ce qui lui manquait. Il refoula un sanglot.
Il avait soif. Il alla se chercher un verre d'eau pour se désaltérer. Le visage que lui renvoya le miroir était méconnaissable. Il avait perdu du poids. Ses joues se creusaient légèrement. Ses yeux verts étaient cernés de noirs. Ils avaient perdu de leurs candeurs. Ses longs cheveux blonds étaient à présent ternes, sans vie. Un peu à son image. Il attrapa un élastique et les attacha mollement.
En sortant de la salle de bain, il remarqua qu'on lui avait déjà déposé son petit déjeuner. Ce dernier était composé d'un verre de jus d'orange, d'un thé et de viennoiseries. Ce n'était pas mauvais, mais il n'avait pas faim. Il prenait toujours son thé.
Il s'assit avec sa tasse dans le fauteuil. Il se mettait toujours dans le fauteuil. Il pouvait s'affaler comme une loque. Le fauteuil était profond et moelleux. Il avait un dossier et des accoudoirs assez hauts pour l'empêcher de tomber. Il s'y sentait protégé, comme dans un cocon.
D'ici il ne voyait pas l'affreuse fenêtre, celle qui possédait les mêmes infâmes barreaux que sa chambre. Il aurait pu allumer la télévision, mais il n'avait pas envie de s'abrutir avec des programmes débiles. Il n'avait fait que ça depuis son arrivée. Il admettait volontiers que ce n'était pas une solution.
Dans un coin, il repéra ses affaires de dessin. Son seul passetemps addictif. Il aimait retranscrire ce qu'il voyait sur de grandes feuilles blanches. Rien n'était plus jouissif que le bruit du fusain qui s'effritait sur le papier : que le sentiment de béatitude qui le prenait quand il reproduisait une fleur, un animal, ou un paysage. Le temps s'arrêtait. Ses angoisses filaient. Heureusement qu'il pouvait s'adonner à son passetemps favori.
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Les Roses Séchées
General FictionÀ la mort tragique de ses parents, le destin de Stéphane bascule brusquement. Sa cage dorée sera rudement éprouvé. Il en sera sorti au forceps. Pour le meilleur ou pour le pire...