Son pelage noir et fauve comme quadrillé lui a valu son nom : Gaufrette. Cette petite boule de poils est une des dernières choses qui me relie à lui, à nous.
À ces souvenirs, mon cœur se serre et les larmes me montent aux yeux, menaçant de s'écouler d'une seconde à l'autre. Je m'allonge sur le divan, étire la couverture jusqu'à mes épaules et laisse le chagrin m'envahir sans aucune retenue. De toute façon, je n'ai jamais réussi à le contenir.
Quand, quelques minutes plus tard, on sonne avec insistance à ma porte, c'est les yeux rouges et bouffis que je l'ouvre.
Mes amies sont là, et mes deux petites tornades entrent sans même y être invitées. Une bouteille de vin à la main, Octavia se dirige directement vers la cuisine, comme si elle était chez elle, et en ressort avec trois verres. Péné fait de la place sur la table basse et dispose ici et là amuse-bouche, gâteaux apéritifs et mignardises en tout genre, qu'elle extirpe d'un grand panier en osier.
Médusée, je contemple tout ce petit monde s'affairer sans bouger, puis referme enfin derrière elles. Toutes deux ne m'ont ni adressé la parole ni jeté un seul regard depuis leur arrivée. Toutefois, je le sens, elles sont là pour moi, pour me réconforter. Sans même que j'ai un mot à prononcer, chacune d'elles savait que je ne serais pas bien aujourd'hui, en particulier ce soir, quand je me retrouverais abandonnée dans notre appartement.
Quand tout est prêt, elles m'observent avant de m'intimer de m'approcher. Timidement, je leur souris et les rejoins.
Nous passons alors notre soirée à manger, à boire, à rire, à parler, mais pas une seule fois nous n'abordons ce qu'il s'est passé hier ou la raison de leur venue. Le mot d'ordre est de me changer les idées, je le sais parfaitement. Alors je prends ce qu'il y a prendre. La bonne humeur de Tavia, l'humour décalé de Péné', leur gentillesse, leur amitié, leur attention. Le reste de la nuit se passe bien mieux qu'il n'avait commencé.
***
La journée de dimanche s'est déroulée dans le calme. Les filles sont restées près de moi, à regarder des films et des séries en pyjama, mais le soir venu, il a bien fallu que tout le monde rentre chez soi. Je les ai remerciées mille fois pour leur présence et leurs attentions. Je ne peux imaginer ce que je ferais sans elles.
Étant donné que la boutique est fermée le lundi, j'en profite pour me ressourcer un maximum avant la longue semaine qui m'attend. C'est également le jour de ma visite hebdomadaire chez Russel, la psychologue du centre Transworth, qui me suit depuis maintenant plusieurs mois.
Assise dans ma voiture face au grand bâtiment blanc, j'en observe l'architecture. Tout d'acier et de verre, sa structure est imposante et ses trois étages comportent de nombreuses salles et bureaux. De grandes baies vitrées laissent entrevoir ce qu'il se passe à l'intérieur et la porte tambour déverse un flot continu de personnes qui entrent ou sortent.
Construit après les attentats du 11 septembre 2001, l'établissement apporte une aide psychologique, juridique et humaine à toutes les victimes de guerre et d'attentats ainsi qu'à leurs familles proches. Que les actes se soient passés sur le sol américain ou non.
Jamais je n'aurai pensé un jour y avoir recours, et pourtant...
Lentement, je gravis les marches qui me séparent de l'entrée avant de me diriger vers le secrétariat. Je m'annonce et attends patiemment que le médecin m'appelle. C'est toujours avec appréhension que je me rends à ces rendez-vous. J'ai surtout envie d'être partout sauf ici. Toutefois, ce processus est essentiel à mon état psychique, même si je n'en vois pas encore les bienfaits. Enfin, ça, c'est ce que dit la psy...
Au bout de quelques minutes, la porte s'ouvre et une vieille femme en robe longue bariolée en sort, suivie du Docteure Russel. Vêtue de sa blouse blanche qu'elle garde ouverte sur le devant, laissant apparaître ses habits de ville par la même occasion, elle m'observe par-dessus ses grosses lunettes noires et me fait signe de rentrer à mon tour. De par sa fonction, cette femme inspire la confiance, mais son air classe et légèrement hautain instaure une certaine distance, comme si elle craignait que ses relations avec ses patients ne prennent trop de place dans sa vie privée. Je n'aime pas être ici, mais je dois avouer que, malgré tout, j'apprécie ses conseils qui sont bien souvent très avisés.
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All the things we lost Tome 1 [SOUS CONTRAT D'EDITION]
RomanceLe feu et la glace peuvent-ils s'unir ? Emery, pâtissière de renom, peine à se reconstruire suite au décès brutal de son mari Julian lors d'une opération militaire. Elle qui croyait à l'amour avec un grand A, se retranche désormais derrière son chag...
Chapitre 2
Depuis le début