Le trouble des faibles

Depuis le début
                                    

Pourtant, cette fois-ci, Otis ne pleura pas.

Il ne lui avait suffi que d'une fois pour qu'il en tire la plus forte des leçons. Quatre ans auparavant, Hisoka avait disparu de la même façon. Mais il avait emporté avec lui, son cœur et ses rêves.

Comment avait-il pu croire à un avenir partagé ?

Il eut un rire sans joie.

Hisoka resterait une énigme jusqu'à la toute fin. Cependant, il demeurerait son plus grand modèle. Non pas parce qu'il était un champion invétéré de la Tour Céleste, ou un Hunter professionnel, mais parce qu'il voyait en lui un homme libre. Ce qu'il n'était certainement pas et ne serait probablement jamais.

Otis était tout ce qu'il y avait de plus faible, de plus vulnérable. Il était sans courage, sans répartie, rongée par la peur et le mépris. L'ombre du magicien ; une véritable larme.

Et lui, il était une étoile imposante, grossissante, qui pendant un temps avait éclairé un bout du chemin qu'il s'était juré de suivre, trébuchant à chaque pas, mais guidé par un homme qu'il croyait sur.

***

Lorsqu'il rouvrit les yeux, le jour s'était levé.

Otis bailla longuement, s'étirant de tout son long. Il décolla son visage de la vitre et attrapa un haut quelconque ainsi qu'un jogging miteux pour recouvrir son corps grelottant.

Alors qu'il s'apprêtait à quitter sa chambre, une ombre surgit à sa fenêtre. Il sursauta, reculant jusqu'à heurter le mur dans son dos. Ses yeux encore endormis se posèrent sur le carreau assombri, découvrant une créature des plus singulières.

L'entité n'avait rien d'humain. Elle n'était ni plus ni moins qu'une masse visqueuse, noire, luisante, agrippée au verre fin. En son centre se dessinait un visage effrayant constitué de deux yeux globuleux ainsi qu'une crevasse courbée qui s'apparentait à un sourire de grand-mère sans dent.

Aussitôt, deux excroissances surgirent de ses flancs et se dirigèrent vers les jointures de la fenêtre, comme si elles cherchaient à entrer.

Muet, Otis s'empara d'un pied de biche qu'il gardait « au cas-où » - un gigolo bas de gamme n'était jamais trop prudent – puis se posta face à sa fenêtre, maintenant maladroitement son regard à celui de la créature. Ses bras, ressemblant plus à des tentacules, se glissèrent sous le cadre de la fenêtre et bientôt, les gonds sautèrent. Le verre se brisa et la créature pénétra dans la pièce sans plus attendre ; son corps visqueux rampa sur le mur, puis le sol, jusqu'à atteindre les pieds du jeune homme, pétrifié.

Là, elle se muta en une silhouette bien plus humaine, conservant toujours sa texture gluante et sa teinte sombre, mais une tête posée sur un tronc doté de bras et de jambes lui faisait face.

- Qu'est-ce que... Qu'est-ce que c'est qu'ce bordel ?

Otis tenta de l'arrêter en le repoussant de sa main mais elle se retrouva aussitôt piégée dans ce corps inconnu ; comme s'il venait de la plonger dans une bassine de goudron chaud.

- WOUAH ! P'tain !

Saisi de panique, le garçon s'agita dans tous les sens, tentant à plusieurs reprises de retirer sa main du corps de l'entité qui se faisait plus menaçante, le toisant de ses deux mètres de haut.

- Si tu te calmais un peu, tu n'aurais aucun mal à la récupérer, ta main !

La voix aigüe de l'entité résonnait encore dans la tête d'Otis lorsqu'il basculait en arrière, terrifié. Une poigne franche le retint et l'obligea à se remettre sur pied.

- Tous pareils ces humains... Morts-de-peur. Dis-moi, au lieu de sombrer dans l'inconscience, utilise donc tes jambes pour regagner ton lit et t'assoir.

- Qui-qui-qui ê-êtes-v-vous ?

- Moi ? Ou mon ami juste derrière ?

Otis osa un regard par-dessus l'épaule du monstre et en découvrit un deuxième, tout aussi identique.

- Nous ne sommes que de simples gardiens. Bravo ! Tu as remporté le gros lot ! Mon ami et moi-même avons quelques questions à te poser ! Mais avant – il saisit Otis à la gorge et le souleva sans difficulté- Assis-toi !

Le jeune homme, au bord du malaise, ne put reprendre ses esprits qu'une fois sur son lit. Quant aux deux créatures, elles prirent leurs aises sans se soucier de lui, l'une s'asseyant sur une chaise tandis que l'autre s'accroupissait sur son lit.

- Nous ne te ferons pas attendre plus longtemps. Ce qui nous amène ici n'est rien d'autre que l'odeur pestilentielle d'une lupa en cavale ! – il pencha sa tête sur le côté, comme pour déceler le moindre indice quant à la réaction du garçon, immobile – Mais visiblement... tu n'as pas l'air d'en savoir plus que ça ! Alors dis-nous... T'aurait-on posé des questions à ce sujet ? – il se mit à chuchoter, ses lèvres gluantes effleurant le lobe de son oreille- Et toi, qu'as-tu répondu ? – il saisit son menton entre ses doigts – Que sais-tu sur nous ?

En un éclair, le gardien plongea sa main dans la bouche d'Otis dont les yeux se révulsèrent. Plusieurs spasmes secouèrent sa gorge, noyée, et il sembla articuler quelques paroles incompréhensibles. Lorsqu'il retira ses doigts de sa glotte, la créature maintenait sa langue entre son index et son majeur, l'empêchant de parler.

- Tu as le choix ! Sois tu parles, et tu la gardes ! Sois tu'

- 'OKA !

Surpris, le gardien relâcha sa langue engourdie pour qu'Otis puisse terminer sa phrase.

- Il... Argh... Son nom est... Hisoka ! Une vieille connaissance...

- Vraiment ? Et cet ami réside-t-il à York Shin City ?

- Oui. Mais je doute que vous ne le trouviez ! Il est... très volatil...

Otis releva les yeux, les plongeant dans ceux, vitreux, de la créature toute ouïe.

Elle acquiesça silencieusement. Puis se redressa, faisant signe à son binôme de le suivre avant de regagner le trou anguleux où se trouvait la fenêtre quelques minutes plus tôt.

- Nous te remercions pour ta coopération, humain. Mais sache que si tes paroles sont fausses, nos routes risquent de se recroiser et ton sort sera bien différent !

Avant de quitter la pièce aussi vite qu'ils étaient arrivés, ils replacèrent le cadre de la fenêtre avec une facilité déconcertante. Puis désertèrent les lieux, laissant derrière eux une atmosphère pesante.

Otis se retrouva seul, abasourdi, ses yeux voilés par une ombre inquiète contemplant le verre brisé de sa fenêtre qui laissait se dessiner un paysage d'immeubles gris, en plein éveil.

Que venait-il de se passer ?

Les battements de son cœur l'arrachèrent de sa transe, et il cligna plusieurs fois des yeux avant de se laisser glisser lentement sur le sol. Il avait envie de vomir; et de pleurer. Mais la première option lui parut plus simple alors qu'un profond sentiment de culpabilité s'éprenait de ses entrailles !

Il plongea la tête dans sa corbeille de chambre et se débarrassa de toutes ses angoisses insalubres, prenant conscience qu'il venait de vendre la peau de son amant sans aucun scrupule, en proie à la peur et à la colère.

Quel misérable il faisait !

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  On se retrouve pour le prochain chapitre!

  Lucie Draw

À Chacun Son Réveillon [A Hunter X Hunter Story]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant