Chapitre 23 partie 3

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Lorsque nous quittons tous les quatre le restaurant, c'est mal assurée que je m'engage sur le trottoir. J'ai mal aux pieds. J'ai des ampoules pharamineuses. J'ai mal au ventre car commander le même menu que Jales n'était vraiment pas une bonne idée. J'ai le cerveau en mode off depuis que Richard m'a expliqué les ficelles de son métier hybride et en plus de cela, j'ai froid.

Heureusement, pour ce dernier point, mon chéri vient à mon renfort en me serrant contre lui. Les mains à demi sous son manteau, j'essaie de suivre la cadence et je ne peux m'empêcher de m'exclamer de joie en découvrant le petit taxi qui nous attend.

— Plus que l'opéra et c'est fini Belle, souffle-t-il tandis que nous rentrons dans le second véhicule, le premier étant pour ses parents.

— Quelle pièce allons-nous voir déjà ? demandé-je, faignant le trou de mémoire et la vive inquiétude que je perçois dans les yeux chocolat de Jales me fait rire. Je te chambre ! rajouté-je avant de déposer un baiser sur sa joue.

—Tu connais la pièce ? fait-il en tournant la tête vers moi.

Je roule des yeux et hausse les épaules comme si sa question était ridicule.

— Bien sûr que je le sais, c'est « Carmen » de Bizet !

— Je me doute que tu sais de quoi ça parle, continue-t-il et mon sourire satisfait s'éteint.

Jales camoufle son rire de sa main.

— L'année dernière nous avons vu « La flûte enchantée » de Mozart. C'était grandiose. Nous avions mangé dans un restaurant de cuisine allemande. Cette année, mes parents ont décidé que nous nous prendrions pour des français autant sur le plan gastronomique qu'artistique.

Je hoche la tête tandis qu'il m'explique le goût pour l'aventure culturelle de ses parents. Puis il me fait un bref résumé de l'opéra de Bizet et les grands mots que je retiens sont le romantisme français, l'exotisme de Séville et le mythe de la femme fatale. Quatre actes, texte, chant, symphonie, opéra comique le plus joué au monde complètent la longue liste de Jales. Il semble tellement dans son élément tandis qu'il m'explique les ravages amoureux de la pièce !

Je me contente de remuer de temps en temps la tête pour lui montrer que j'écoute son discours, même si ce n'est pas véritablement le cas, et admire la chaleur de son regard durant son monologue. Je lâche un sourire, et le menton posé sur ma main, l'observe s'enflammer littérairement.

— Ça a l'air formidable.

Je le pense vraiment car bien que je n'ai pas écouté, son visage radieux suffit à me convaincre.

— C'est une pièce très intéressante. Tu vois même au niveau du plan de...

Un nouveau sourire me gagne tandis qu'il lève les mains, à nouveau embarqué vers l'autre rive du théâtre et de la poésie musicale.

***

Assise entre Jales et Rachel, la bouche à moitié ouverte, je fixe les artistes sur scène. Je ne suis même pas le texte avec mon livret, trop hypnotisée par la pièce.

Moi qui pensais vivre l'enfer, voilà que je suis sous le charme de la jeune bohémienne Carmen au tempérament de feu ! La passion enflammée de l'amour se retrouve jusque dans les musiques aux allures parfois entraînantes, parfois tragiques. Je me surprends à me sentir liée à cette femme rebelle. Qui ne le serait pas quand on pense aux traversées émotionnellement dangereuses que nous sommes tous un jour amenés à vivre par amour pour quelqu'un ?

C'est lors du deuxième entracte que je relâche enfin mes muscles et me laisse tomber dans mon siège. Je n'ai pas regardé Jales de tout le long, pas plus que mes beaux-parents. Il n'existait que la scène, les acteurs, les danseurs, les musiciens et la magie du théâtre tout simplement. C'est la première fois que je mets les pieds dans le Centre National des Arts d'Ottawa, moi qui suis du coin depuis mon enfance, c'est un peu une honte, je l'avoue.

Petit ami et Compagnie - Partie 2 (Terminée)Where stories live. Discover now