Chapitre 15: Cicatrices

Depuis le début
                                    

- Peu importe ce qui vous a motivé à m'héberger... je vous suis reconnaissante. Je... Je ne veux pas vous causer du souci... Je partirai juste après.

- Pour le moment tu ne nous causes aucun souci, et d'ailleurs, tu peux me tutoyer. Nous devons probablement avoir le même âge, pas besoin de tant de formalités.

- Comme vous— tu voudras.

Il me sourit à nouveau et engloutit une seconde tartine de beurre. Je mange moi aussi mon petit-déjeuner, tête baissée.

- Pourquoi te caches-tu le visage ?

- Mes blessures... Ce n'est pas beau...

Gabin hausse un sourcil inquiet.

- Tu m'as dit que tes blessures étaient guéries. Se sont-elles aggravées ? Veux-tu que je regarde si je peux faire quelque chose ?

Tout en parlant, il se rapproche du bar, cherchant à croiser mon regard. Je porte ma main à mon oeil et redresse légèrement la tête.

- Elles... Elles sont guéris. C'est juste... humiliant.

- Hein ? Qu'est-ce qui peut bien être humiliant ?

Lentement, je baisse la capuche et dévoile mon oeil, mon regard rivé sur le lait coloré par les céréales.

- C'est ton oeil qui te dérange ?

Je pince les lèvres et me tends. Oui c'est mon oeil, il est humiliant. C'est humiliant d'avoir un sens blessé lorsque l'on est Métamorphe. Au Clan, certains se sont fait chassés après avoir perdu la vue, je ne veux pas subir le même sort. Je ne saurais même pas où aller.

Oui, j'avais menti à la fille excentrique... Maman nous avait un jour expliqué que l'Alpha peut décider de chasser un membre de son Clan s'il le juge inapte à rester. Toutefois, jamais il n'avait été question de mise à mort.

- Hé, ce n'est pas grave du tout. Ton oeil est juste une cicatrice comme une autre, et presque tout le monde en a. Regarde.

Gabin relève les manches de sa chemise et attise ma curiosité. Je lève les yeux vers lui et aperçois ses poignets marqués par de fines cicatrices qui en font tout le tour.

- Tu vois. C'est les trappeurs qui m'ont fait ça, ils m'ont attrapé il y a plusieurs années et m'ont ligoté si fort avec leurs cordes qu'elles ont fini par me trancher la peau. J'ai bien cru que j'allais en perdre mes mains et mes pieds.

Je relève mon regard pour croiser ses prunelles d'un vert pâle, et l'interroge silencieusement. Un grand sourire étire ses lèvres, si bien que ses yeux se plissent.

- Oui, j'en ai aussi aux chevilles. Ils m'ont piqué avec un poison spécial qui m'a carrément empêché de reprendre ma forme humaine, le même qu'ils utilisent pour enduire certaines de leurs armes et munitions. Ils voulaient ma fourrure mais aussi s'amuser. Ça n'a pas été très amusant pour tout le monde, déclara-t-il avec un petit rire amer. Heureusement, le Clan est rapidement venu me sortir de ce pétrin.

Il baisse ses manches et retourne s'appuyer contre le comptoir pour continuer à manger ses tartines de beurre.

- Tu ne veux pas plus manger ?

- Non merci... Tu fais déjà beaucoup.

- Mange si tu as encore faim, j'insiste. Autrement tu ne pourras pas retourner chez toi.

Je lui souris timidement et reprends un peu de céréales et de lait. Après avoir englouti une dernière tartine, Gabin sort un bol des placards pour le remplir de lait. Il le passe au micro-onde, puis y verse des céréales et en mange une grande cuillère. Sans m'en rendre compte, je le dévisageais depuis le début. C'est son petit rire amusé qui m'a fait remarquer mon impolitesse. Maman nous a toujours dit que fixer les gens n'est pas très bien vu, encore plus lorsqu'on ne connaît pas ces personnes.

- Je suis étonné que tu ne manges pas plus. Ta condition de Métamorphe devrait pourtant te donner une faim sans fin, si je puis me permettre le jeu de mots.

Malgré moi, un timide sourire étire mes lèvres.

- Je n'ai jamais autant mangé. Mais... c'est sûrement car je ne me transforme que très rarement.

Gabin interrompt son mouvement, la cuillère suspendue entre le bol et sa bouche. Du lait finit même par retomber pendant qu'il m'observe avec la plus grande des surprises.

- Pourquoi ? Comment fais-tu pour supporter de rester humaine aussi longtemps ? Personnellement ça me court sous la peau si je cesse de me transformer régulièrement.

- Je ne sais pas... dis-je en haussant les épaules. C'est comme ça depuis toute petite. Ma mère ne voulait pas que je le fasse en public.

Mais qu'est-ce qu'il te prend, Elisabeth ? Pourquoi tu déballes ta vie à cet inconnu ? Ok, il a été accueillant jusqu'à maintenant, mais ce n'est pas une raison.

Je baisse soudainement la tête sur mon bol de lait coloré, fixant les céréales qui remontent à la surface.

- Excuse-moi... Je ne sais pas si je dois te raconter tout ça.

D'une traite, Gabin finit son bol de lait avant de le mettre au lave-vaisselle. En redressant son grand corps, il m'adresse un large sourire.

- Il n'y a pas de soucis, je comprends. Mais si tu veux en parler, nous pouvons t'écouter.

J'hoche la tête, puis finis mon petit-déjeuner. Gênée, je mets moi-même ma vaisselle dans le lave-vaisselle bien que Gabin me répète qu'il va le faire. Toutefois, je suis têtue dans ma reconnaissance et insiste pour le faire moi-même. D'habitude, jamais je n'aurais osé autant insister, mais il est bien trop accueillant. Il faut bien que je le remercie d'une manière ou d'une autre, et le laissant tout ranger seul n'en est pas une. Maman nous a toujours dit qu'il est important de montrer sa gratitude envers les autres.

- Merci, Elisabeth. Je t'emmène à Evan, il a demandé à te voir une fois que tu seras prête. Je te laisse encore 10 minutes, je dois aller chercher quelque chose. On se retrouve devant la porte d'entrée.

J'acquiesce et monte à l'étage, où j'utilise la brosse à dents et le dentifrice donnés par Gabin. Après cela, je retourne dans la chambre pour la remettre en ordre du mieux possible. Mes habits de la veille sous le bras, je descends les escaliers, bien déterminée à retrouver ma famille qui doit sûrement s'inquiéter de mon absence. Et dire que Zack venait juste de devenir Alpha... voilà que je lui fausse déjà compagnie. Maman n'aurait pas été fière, et Marraine doit m'en vouloir. Je ne veux pas qu'elles pensent cela de moi !

Sans PrétentionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant