-I'm not, répliqua-t-il toutefois en anglais, trop perturbé pour chercher ses mots en portugais.

Il se retourna vers les gradins, mais Oikawa avait disparu, et le lien, dans sa poitrine, était lourd et douloureux, signe qu'il se sentait mal. Mais pourquoi ? Parce qu'il avait vu que Tobio avait trouvé quelqu'un, qu'il était passé à autre chose ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité, songea Kageyama, et il décida de ne plus y penser et de laisser le lien s'étioler tranquillement.

Jusqu'à cette journée de février où tout bascula.

Il se fit une légère entorse à l'entraînement, rien de trop grave, mais tout de même assez pour être soutenu jusqu'à son appartement par Ushijima et Nicolas –et il maudissait sa malchance, les Adlers avaient un camp de prévu le lendemain et les coachs avaient déclaré net, en voyant sa cheville gonfler, qu'il valait mieux que Tobio reste se reposer plutôt que de les accompagner. Passer deux jours dans son appartement en solitaire ne le tentait pas du tout, surtout quand il aurait pu faire du volley à la place, mais il s'y plia de mauvaise grâce sous l'insistance de son colocataire et de son petit-ami.

Ushijima partit vers quatre heures du matin –les départs se faisaient souvent très tôt ou très tard pour gagner une journée ; et quand Tobio se réveilla, il était seul. Il passa les deux jours à flemmarder, regardant quelques vieux matchs de volley qu'il se souvenait avoir découverts avec Kazuyo des années plus tôt, en profita pour prendre quelques nouvelles de sa famille, et répartit son temps entre le canapé et son lit. Finalement, la veille du retour des Adlers, il alla se coucher à minuit, sachant qu'Ushijima serait rentré quand il se lèverait –le champion lui avait envoyé quelques messages pour lui raconter comment se passait le camp un peu plus tôt dans la soirée. Il mit son téléphone en charge, et prit soin de souhaiter bonne nuit à son petit-ami.

Moi : bonne nuit

Nico : goodnight, see you tomorrow <3

Y penser fit chaud au cœur de Tobio, et il sourit vaguement, le visage à moitié plongé dans son oreiller.

Moi : <3 <3

Nico : <3 <3 <3

Kageyama posa le téléphone au bord de son lit, puis se retourna et ferma les yeux.

Il fut réveillé par un bruit de clefs dans la porte d'entrée. Ça doit être Ushijima. Elle s'ouvrit puis se referma, et il entendit des pas dans le salon –mais il n'y avait pas qu'une personne, ils étaient deux. Peut-être que Nico est venu aussi, songea-t-il avec espoir. Il se redressa sur les coudes, alluma son téléphone pour voir l'heure, et se rendit compte que quelque chose clochait.

Il était beaucoup trop tôt. Il n'était que deux heures vingt-cinq du matin, et il ne les attendait pas avant cinq ou six heures. Et ces bruits de pas furtifs –ce n'était pas la démarche d'Ushijima. Il entendit des murmures, une voix de femme, et son sang se glaça. Il y a des gens dans mon appartement. Ils avaient allumé la lumière, elle filtrait sous la porte de sa chambre. Il se leva sans un bruit, le cœur battant, cherchant des yeux quelque chose dans sa chambre, n'importe quoi pour se défendre –et alors la porte s'ouvrit et il se retrouva en pleine lumière face à deux personnes qu'il identifia immédiatement.

Les concierges... ?

Le reste se passa en un clin d'œil. L'homme voulut le frapper, Tobio le repoussa, la femme se jeta sur lui pour l'empêcher de crier. Il se débattit pour respirer, bouscula la table basse où traînait encore un bol qui se cassa –puis l'homme revint à la charge, le précipita par terre, et Kageyama sentit les éclats lui ouvrir les doigts, le sang mouiller sa paume, l'air manquer dans ses poumons. La panique lui comprimait la poitrine, il était coincé sur le ventre, mais il pouvait relever la tête et crier, quelqu'un viendrait l'aider, quelqu'un, n'importe qui –et il était en train d'inspirer quand une douleur aveuglante lui traversa la tête, et il ne fut plus conscient de rien, seulement de sons qui ne faisaient pas sens et de vagues impressions.

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