Chapitre 65 : Fatales destinées

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- C'est les nobles que je hais, pas Hector. J'ai du respect pour lui, il était un homme bon avec des valeurs et des principes. Aujourd'hui, je plains sa veuve et son fils.

- Un grand guerrier, j'en conviens. Son sort est disproportionné. Je ne comprends pas pourquoi Achille reste aussi insensible devant tous ces présents et les promesses de ta belle-sœur. S'il continue à la refuser, donne-la-moi, je saurai la combler.

Alors qu'il finissait de dire cela, Clelia se tourna vivement et le darda d'un œil noir. Lui se contenta de faire un clin d'œil, ignorant sa réaction, et hilare. Elle continua à fixer le bûcher alors que lui ne bougeait pas. Ils restèrent silencieux un long moment puis Ulysse se décida à la briser.

- Tu as interrogé Apollon tout à l'heure. Qu'as-tu vu ? Sais-tu qui sera le vainqueur ?

- Achille périra, une flèche traversera son corps et il s'écroulera sur le sable, devant Troie. Les jours à venir seront les plus sanglants, les plus terribles. La folie et la vengeance frapperont quelques uns d'entre nous et nous courrons tous vers notre mort. Les dieux reportent sur nous leurs conflits et nous montent l'un contre l'autre. Je n'ai pas vu de vainqueur, mais j'ai vu un cheval, immense. On l'a éventré et mille soldats en sont tombés.

- Si Achille meurt, alors nous perdrons la guerre, souffla-t-il, songeur. Chalcas a vu la même chose.

- Peut-être que oui, peut-être que non. L'avenir est incertain.

- Il s'entête, malgré les présents des troyens, reprit-il, plus sérieusement. S'il meurt, nous devons prévoir une solution, ou nous serons tous perdus. J'ai entendu dire qu'il a un fils, de Déidamie, la fille du roi de Scyros...

Clelia n'était pas étonnée d'apprendre qu'Ulysse savait pour cette histoire. Il était trop malin pour ignorer une telle information, surtout si cela pouvait servir ses intérêts. Et il avait tout à gagner en faisant venir ce fils si Achille mourrait effectivement.

- On ne peut rien te cacher, répondit tranquillement Clelia. Il doit être caché par sa mère pour qu'on entende si peu parler de ce fils. Mais d'un autre côté, Achille n'a rien dit sur lui et s'en moque bien.

Elle se tut quand elle vit les flammes s'éteindre et Achille se saisir d'une urne en or. Il versa les cendres de son défunt amant puis la scella. La terre avait été préalablement creusée pour accueillir les cendres. Achille, ses beaux cheveux blonds désormais coupés, s'avança solennellement et enterra l'urne.

Ni Ulysse, et encore moins Clelia ne virent le corps d'Hector traîné sans aucun respect par les soldats sur la terre. Il fut amené au Myrmidon, ainsi que son char. Clelia devina avec horreur ce qu'il s'apprêtait à faire et se mit à espérer pour que Thysié n'assiste pas à ce terrible spectacle.

Le Myrmidon monta le char et fouetta ses chevaux, faisant d'abord le tour des remparts de Troie, comme pour narguer Priam avant d'en faire autant devant la sépulture de Patrocle. La souveraine ferma ses yeux, ne supportant pas de voir à quoi été réduit la dépouille de son beau-frère. Elle plaignait Andromaque qui devait tant souffrir, dans le palais, comme Priam et les autres.

- Achille perdra la vie, affirma calmement Clelia. Il est frappé par son destin et rien ne pourra l'en défaire.

- Nous verrons ce qu'il adviendra de lui, répondit Ulysse en haussant des épaules.

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Achille regarda avec indifférence Thysié qui pleurait, prenant ses genoux et le suppliant, comme à chaque fois. Il était maintenant agacé par ses pleurnicheries incessantes. Il pouvait très bien rendre le corps d'Hector comme elle le demandait, mais il ne le voulait pas. Les supplications de la troyenne l'ennuyaient au plus haut point. Son frère le paierait, pour toujours, et il se trouvait complètement insensible face à elle. Pour ne rien arranger, Briséis en faisait autant, rejoignant le princesse dans sa prière. 

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant