Alyssia
Une semaine s'est déjà écoulée. Le temps passe si vite, mais je n'ai pas eu vraiment le temps de m'ennuyer. Il y avait souvent les filles avec moi pour m'occuper et vérifier que j'allais bien.
Aujourd'hui je vais enfin voir Mattew. J'ai hâte et j'appréhende à la fois. Il me manque, mais suis-je prête à entendre ce qu'il a à me dire ?
J'enfile ma veste et prends la route pour aller à son appartement. J'ai opté pour une tenue simple, un jean noir et un tee-shirt blanc, relevés par une veste beige. Parfait pour la saison. Je suis sûre que Matylde m'aurait félicité pour mon look. J'ai l'impression que mon beau professeur fait ressortir la styliste qui sommeille en moi.
Je ne suis pas surprise lorsque je vois Mattew qui m'attend en bas de son immeuble. Il sourit dès qu'il m'aperçoit, me réchauffant le cœur. Je me rends compte que mon propre sourire s'étire jusqu'à mes oreilles, quand je sens une crampe au niveau de mes zygomatiques.
Au moment d'entrer dans son appartement, il se retourne et me tire vers lui. Nos bouches se collent immédiatement dans un baiser tendre. Un baiser d'adieu ?
- Désolé. Je voulais t'embrasser au cas où ce serait la dernière fois, me confesse-t-il en me caressant la joue.
J'ouvre la bouche pour le rassurer, mais la referme presque de suite après. A vrai dire, je ne peux rien lui promettre et il le sait. Je ne sais pas à quoi m'attendre. Plus le temps passe, plus je me dis que je pourrais me passer de savoir ce qui lui est arrivé par le passé. La curiosité me ronge, mais l'inconnu m'effraie.
- Tu ne veux pas attendre plus longtemps, n'est-ce pas ? je finis finalement par demander.
- A quoi bon ?
Nous nous installons face à face sur le canapé. Je l'observe tandis qu'il cherche ses mots. Il paraît plus vieux de quelques années avec cette ride inquiète qui lui barre le front.
- Je ne sais pas par quoi commencer, alors le début fera l'affaire.
Je hoche doucement la tête pour lui signifier que je suis prête.
- Quand j'avais huit ans, ma mère a quitté mon père pour un autre homme. Il ne s'est jamais vraiment relevé depuis. Il est devenu alcoolique et dépressif du jour au lendemain. C'est moi qui ai payé les pots cassés. J'ai payé le départ de ma mère. Alors que moi aussi elle m'a abandonnée.
Je suis déjà au bord des larmes alors que ça ne fait même pas deux minutes. Je n'avais pas soupçonné un seul instant qu'il avait une enfance si... difficile. Il semble si bien dans sa vie.
Je l'entends prendre une grande inspiration avant d'enchaîner.
- Je ne vais pas m'attarder là-dessus parce que ce n'est pas ce dont je dois te parler. Je répondrai à tes questions plus tard.
- Ça se voit à ce point que j'ai déjà des questions ?
- Tu es à deux doigts de te jeter sur moi, donc oui.
Nous rigolons doucement quelques secondes, puis il remet son masque de sérieux, d'abattement, de tristesse. Tout ça à la fois, et plus encore.
- Malgré tout ça, j'étais un très bon élève. J'avais de l'avance sur mes camarades et je travaillais toujours plus pour avoir l'approbation de mon père. C'est durant cette période que j'ai fait la connaissance du mini Henzo encore boutonneux.
- J'ai du mal à l'imaginer, je l'interromps. Quand tu auras fini de ma raconter je veux voir une photo !
Il acquiesce silencieusement. Je comprends qu'il ne croit pas que je resterai assez longtemps pour qu'il puisse m'en montrer. Je lui fais donc signe de poursuivre sans relever.
- En entrant au lycée, je commençais déjà à arrêter de travailler puisque ça ne servait à rien. J'étais en classe avec Ashley. Elle m'a de suite dragué et bien qu'Henzo m'ait prévenu qu'il ne la sentait pas, je suis sorti avec.
- D'après Victoire aussi c'était une erreur.
- Vous avez parlé d'Ashley ?! s'exclame-t-il.
Je le regarde et une envie de rire me prend. Pourquoi ne l'aurions-nous pas fait ?
- Elle m'a dit que je suis ta première vraie petite amie, confirmé-je.
- Elle n'a pas tout à fait tort. Enfin, elle n'avait.
Mattew se rembrunit instantanément. Je n'aurais peut-être pas dû évoquer cette pauvre femme.
- Arrêtes.
- De quoi ? m'indigné-je.
- De croire que tu me fais du mal en parlant d'elle. Je vais le faire de moi-même. Elle fait partie de mon passé elle aussi.
Je suis bouche-bée devant autant de pragmatisme. J'ai la sensation d'être un livre, ouvert à la page de mes pensées.
- Oui c'est vrai. Je te laisse poursuivre. Promis je vais essayer de ne plus te couper la parole !
- Mais bien sûr. Enfin bon, j'étais en couple avec Ashley. Elle m'a beaucoup influencé dans mes choix et j'ai totalement décroché du système scolaire. Je la suivais dans tous ses plans, même – et surtout – lorsqu'elle buvait ou se droguait. Je suis devenu dépendant à la méthamphétamine en peu de temps. Et sûrement au reste aussi.
- Tu te drogues ?!
Son regard désapprobateur me rappelle que j'étais censé ne plus le couper. Je baisse le visage en me flagellant intérieurement.
~.~.~
Mattew
- Non j'ai arrêté Alyssia. Je croyais que ça se voyait quand je suis clean.
Je ne lui précise pas que j'ai fumé un joint il y a à peine une semaine. Elle n'a pas besoin de la savoir.
- Désolé mais je n'ai jamais côtoyé, ou même vu, de drogués de ma vie.
- Tu ignores encore tout de la vie ma petite, la taquiné-je.
- N'importe quoi ! s'indigne-t-elle. Tu étais plus jeune à cette époque que moi maintenant je te signale !
Je secoue la tête, exaspéré par la tournure que prend la discussion.
- Ça n'a pas l'air de te déranger plus que ça, lancé-je pas très sûr de moi.
- A vrai dire, je ne savais pas à quoi m'attendre, mais je t'avoue que j'étais presque sûre que tu avais le nez dans le trafic d'Ashley.
- Ça va un peu plus loin qu'un trafic. J'ai fait bien plus que vendre de la drogue Alyssia...
- C'est-à-dire ?
Elle semble se refermer en prenant conscience que ce n'est que la partie immergée de l'iceberg.
- Elle était, enfin elle est toujours, la chef d'un gang. Elle m'y a fait entrer sans que je ne m'en rende vraiment compte.
- Un gang ?! s'écrie-t-elle.
- Oui...
- Vous y faisiez quoi ? me demande-t-elle alors incertaine.
- Avec Kyoto comme patronne c'est pas du joli.
Ce n'est qu'en l'appelant ainsi, que je me souviens qu'Alyssia ne connais pas ce nom.
- Kyoto ?
- C'est le nom d'Ashley dans le gang.
- Tu en avais un toi aussi ?
Elle m'a demandé ça après seulement une seconde de réflexion. Et je l'observe hébété, incapable de répondre. Son froncement de sourcil me rappelle sa question et je finis par lui avouer.
- Issey.
- Qui sait ?
J'ai une envie soudaine de rire mais le moment est bien trop sérieux. Je ne veux pas dévier et perdre mon élan.
- Non, Issey. C'était mon surnom, même si personne ne s'en servait. Ça veut dire « vie ». C'est drôle en y repensant.
- Pourquoi ça ? Je trouve ça très beau, me confie-t-elle les yeux rêveurs.
Elle est folle. Il n'y a qu'elle pour réagir de cette manière.
- Parce que mon rôle était de la retirer.
Je lâche finalement ma bombe. A partir de maintenant j'avance en terrain miné. Son expression change radicalement. J'ai même l'impression qu'elle s'est renfoncé dans le canapé pour s'éloigner un peu plus de moi. Un peu plus du danger que je représente.
Au moins elle n'est pas partie en courant. Pas encore.
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Et voilà ! Vous vous attendiez à ça ? Comment pensez-vous qu'Alyssia va réagir ? N'hésitez pas à liker et commenter !