« Comprendre les autres n'est pas la règle dans la vie. L'histoire de la vie, c'est se tromper sur leur compte, encore et encore, encore et toujours, avec acharnement et, après y avoir bien réfléchi, se tromper à nouveau. », Philip Roth.
*****
A 8h30, je suis devant l'immeuble appartenant autrefois à Endeavor. Quand je le regarde de plus près, un immense sentiment de nostalgie s'insinue au fond de ma cervelle.
Putain, j'ai l'impression que toute ma vie est déjà définie et que quoique je fasse, tout me ramène toujours à cet endroit précis, comme une putain de malédiction..
Je pousse les portes de l'agence, en soufflant lentement. Une femme m'interpelle alors, avec un grand sourire aux lèvres. Je me place en face du guichet.
« Bonjour, en quoi puis-je vous aider ?
-Je suis là pour travailler avec Monsieur Todoroki.
Pff, c'est bien la première fois que je l'appelle comme ça, c'est tellement stupide !
-Oh ! Vous êtes June Matsura ? Je me souviens de votre petit minois ! Vous avez bien grandi !
Euhhh.. La femme de l'accueil me reconnaît ? C'est incroyable, moi qui espérais passer inaperçue..
-Merci.. je bredouille, un peu confuse.
-Haha, je suppose que je ne vous conduis pas à son bureau.
Très bonne déduction, Watson.
-Oui, merci. »
Elle me tend ainsi mon badge et je tourne rapidement les talons pour me diriger vers les escaliers. Quand enfin je me retrouve devant ces deux portes qui n'ont pas changé en six ans, mon cœur s'emballe, me rappelant des souvenirs à demi-agréable. Un long soupire s'échappe de ma bouche pendant que je remets mes cheveux en place.
Bon June, tu es là pour le boulot, rien que pour le boulot. Pas de rapprochement inutile et essaye d'être pro !
Je toque une fois avant d'ouvrir lentement le battant.
Soudain, j'observe le bureau que détenait autrefois le héros enflammé, et je distingue peu à peu combien son fils l'a transformé. La pièce me paraît bizarrement bien plus petite et semble beaucoup moins luxueuse que le reste du bâtiment. Je balaie donc lentement la salle du regard avant que mes yeux ne se posent sur ces deux mêmes couleurs, le rouge et le blanc, qui rendent ma vie si douce mais si compliquée à la fois.
Je m'approche ensuite peu à peu tandis que la tête de Shoto ne se relève que très peu.
« Tu es en retard. sourit t-il.
Je roule des yeux en faisant un autre pas.
-Ça t'amuse, hein ?
Je finis par arriver devant les grandes baies vitrées qui laissent passer une petite lueur matinale, un peu grisâtre.
-Non pas du tout, tu sais que je ne suis pas comme ça.
C'est marrant que tu dises ça, je trouve que c'est totalement ton genre.
Je me tourne face à lui.
-Qu'est-ce que tu fais ?
Je demande ceci tout en avançant vers son bureau, là où est éparpillée une pille de documents qui débordent presque sur le côté.
-Je remplis des rapports que j'ai accumulé depuis qu'on est partis s'entraîner. me répond t-il, le nez dans les papiers.
-Tu veux que je t'aide ?
Il lève la tête tandis que sa bouche s'élargit faiblement.
-Non, ne t'en fais pas.
Youpi !
Il m'observe du coin de l'œil lorsque je m'affale sur l'une des chaises faisant face à son bureau.
-Je vais faire quoi, du coup ? On est pas censés s'entraîner et patrouiller ?
-Si, mais je dois un peu m'avancer avant. soupire t-il.
-Bah, donnes moi un truc à faire alors ! Je suis pas débile, je peux t'aider !
Il réhausse enfin toute sa tête vers moi et je le regarde avec plein d'entrain pour qu'il accepte.
-Tiens. il décale une pille de feuilles vers moi. C'est des achats qu'a fait l'agence ces derniers temps, il faut les vérifier au chiffre près et les noter sur cette feuille. » il me tend ensuite ladite feuille.
Pourquoi j'ai tant insisté, déjà ?!
Je m'exécute donc, avec lassitude, en prenant un stylo et en rapprochant la chaise de son bureau. Ainsi, je commence à vérifier un à un chaque nombre, à la virgule près.
Après dix minutes, à vérifier méthodiquement les comptes, je sens le regard imperturbable de l'homme en face de moi sur mon visage. Je réhausse donc ma vision tandis que je peux observer la tête, très contente, de Shoto me fixer.
« On peut savoir ce qui te fait sourire ? je demande.
-J'ai pas le droit de sourire ?
Si, mais pas en me regardant comme ça.
-Tu fais ce que tu veux.
-Ca te dérange ?
Les questions idiotes, le retour..
-Bien sûr que oui ! Tu peux pas juste te concentrer sur tes rapports ?
-C'est ce que je fais. réplique t-il en plissant un peu les yeux.
Non mais c'est pas vrai ! Je fais tout ce que je peux pour ne pas péter un plomb et le voilà entrain de se moquer de moi comme si c'était tout à fait normal de faire ça..
-Si tu continues, je change de salle.
-Non, restes ici, s'il-te-plaît.
-Alors arrêtes de me dévisager ! Comment veux tu que je fasse correctement ce que tu me demandes si tu ne me lâches pas des yeux ?!
-Je ne te dévisage pas, je te regarde simplement.
-Pourquoi ?!
-Parce que je suis content que tu sois là. » me répond t-il.
Non.. Ne me dis pas ça.. Tu n'en as pas le droit..
Un instant après, alors que Shoto repose ses yeux sur son travail administratif, mon cœur tambourine dans mes oreilles, à vive allure, jusqu'à ce que je ne sois plus capable de me contrôler.
OH NON ! Mon petit cœur tu n'as pas le droit de t'emballer pour ça, je te l'interdis !
Je soupire donc très fort, en restant silencieuse. Je continue juste après le travail qui m'attend en essayant obstinément d'oublier ce que vient de me dire Shoto, ce qu'il vient aussi de me rappeler en laissant échapper ces mots de sa bouche.
Est-ce que tu le fais exprès ? Est-ce que c'est encore une technique pour me faire me sentir mal ? Ou est-ce que c'est simplement parce que tu le penses ? Putain.. Comment peux-tu me ressortir ça, après six ans, de façon si naturel ?! Est-ce que je suis donc la seule dans cette pièce à crever de mal en entendant ces mots ?
Sans m'en rendre compte, c'est à présent moi qui fixe intensément les cheveux scindés en deux du héros, qui finit par relever la tête, avec un petit sourire. Mais quand ses yeux rencontrent les miens, son sourire disparaît totalement de son visage pendant qu'une expression plus que triste se fait apercevoir.
« Pardon, je voulais pas te faire de la peine. lâche t-il dans un souffle.
Hein ?! J'ai l'air d'être triste ?!
-Ne t'excuses pas, c'est bon.
-Si, j'aurais dû mesurer mes mots.
-Mais non ! je m'exclame. Ne sois pas bête, moi aussi je suis contente d'être là, avec toi.
-Ah oui ? s'étonne t-il.
Oui ?
-Oui ! Y'a aucun soucis, d'accord ?
-Si tu le dis. »
Après sa dernière phrase, nous replongeons tout deux dans le boulot qui nous attend encore. J'essaye donc d'être la plus rigoureuse possible jusqu'à ce que je finisse, aux alentours de midi. Là, j'observe Shoto lever la tête, complètement exténué par son travail administratif.
« Tu as faim ? me demande t-il en se redressant lentement.
-Oui, tu veux que je cherche quelque chose à la boulangerie ?
-Non j'ai déjà demandé à mon assistant de nous ramener à manger.
-Hein ? Quand est-ce que tu lui as demandé ?
-Je lui ai envoyé un message. m'explique t-il très simplement.
-Oh ! dis-je malicieusement. Je pensais que tu me ferais un truc super stylé en l'appelant et en lui demandant du homard pour midi pile !
Il souffle un rire tandis que je le scrute tendrement, mon cœur s'emballant devant son sublime rire.
-J'aurais peut-être dû faire ça, finalement.
-Oui, ça aurait été mieux plutôt que d'imiter ton père ! »
Sa bouche esquisse à nouveau un sourire, qui me laisse un peu surprise, parce que depuis ce matin il ne s'arrête plus. Quelques secondes après, nous nous levons rapidement pour rejoindre la salle de repos. Quand nous y sommes, je m'installe en face de Shoto, qui sourit toujours, avant de retirer le plastique de mon sandwich et de croquer dedans.
« Au fait, merci d'avoir accepté que je vienne à ton agence !
-Pourquoi j'aurais refusé ?
-Pour tellement de raison.. je songe.
-Arrêtes de tout le temps me remercier. dit-il en croquant dans le pain de mie.
-Non, désolée, je ne suis pas capable de te ne pas te remercier.
-C'est pas difficile, pourtant.
-Je suis bien trop polie pour ne pas le faire ! je réplique de manière espiègle.
Son visage se redresse pour me fixer bizarrement.
-D'accord, alors je te mets au défi de ne plus me remercier de la journée.
J'expire légèrement sachant pertinemment qu'il adore me voir perdre.
-Sinon quoi ?
-T'as un gage. Et si tu arrives à te retenir, c'est moi qui en ai un.
June, ne lui dis pas d'accord, tu dois t'éloigner de lui ! Tu l'as promis à tout le monde !
-D'accord, et je dénicherai le pire gage rien que pour t'embêter !
-Pas de soucis. »
Il me tend sa main, en me lançant un sourire malicieux. Je la serre donc, en le regardant dans les yeux, pour finaliser notre petit pari.
L'après-midi, Shoto réunit tout les héros de son agence et nous partons juste après en patrouille. En une semaine, j'ai eu le temps de m'acclimater correctement et cet exercice est devenu bien plus facile pour moi.
Je marche donc, dans les rues de la ville, avec Shoto et nous avançons en regardant tout autour de nous. A un moment, un groupe de jeune vient vers nous et lui demande une photo. Je remarque ainsi à quel point le héros est gêné même s'il finit par accepter. Après ça, quand nous marchons un peu plus vite pour les semer, j'observe sa réaction. Il se gratte l'arrière de la tête et paraît un peu confus.
« Tu n'aimes pas faire des photos avec tes fans ? je lui souris, amusée.
Il me lance un regard noir et baisse les yeux au sol avant de me répondre.
-Oui, j'ai jamais aimé être connu.
-Je te comprends ! Mais c'est comme ça, tu es un héros hyper apprécié.
Il soupire longuement.
-C'est pas ça le pire, c'est plutôt qu'un magazine m'a nommé dans la catégorie des dix plus beaux héros..
Je me mets à rire, sans pouvoir m'arrêter. Il semble un peu irrité par ma réaction.
-Ça ne m'étonne absolument pas !
-Ah oui, pourquoi ?
Il s'arrête en plein milieu du trottoir et je suis obligée de faire de même.
-Peut-être parce que tu es simplement beau.
-C'est pas vraiment une réponse. répond t-il en me scrutant.
-Tu sais bien pourquoi.
-Non, vas y, précise ta pensée.
Pourquoi, des fois, je ne me tais pas ?!
Je me sens obligée de croiser les bras avant de lui répondre.
-Tu sais quoi ? Finalement je vais me taire et te laisser être gêné.
Il sourit encore une fois.
-Ne me dis rien, je finirai bien par le savoir.
-Parfait, bon courage. »
Notre petit jeu finit par se terminer quand nous entendons des cris. Nous nous mettons ainsi à courir très vite dans la direction des bruits.
Nous arrivons, quelques minutes après, au beau milieu d'un braquage de banque. A ce que j'ai compris, il y a environ dix personnes retenues en otage dans le bâtiment et Shoto appelle rapidement du renfort. De mon côté, j'en profite pour utiliser mon alter et je vois que les braqueurs sont cinq, deux à l'intérieur et trois essayant de s'échapper par une petite ruelle vide.
« Shoto, y'en a trois qui partent en direction du sud. » j'annonce.
Il ne me répond pas et nous partons tout les deux à leur poursuite pendant que d'autres héros s'occupent de la prise d'otage. Nous arrivons assez facilement au niveau des criminels qui essayent de nous échapper. Shoto envoie ainsi de la glace pour piéger l'un des braqueurs en pleine course. Ses deux collègues continuent leur route, sac à la main, sans se retourner.
Et d'un coup, ils font volte-face. L'homme de gauche, qui est un peu plus petit que son collègue, tient une arme et la pointe en direction de Shoto. Il tire sans vraiment réfléchir et je cours à toute vitesse pour attraper la balle avec trois doigts et la balancer au sol.
Je sens d'un coup une violente douleur au bout de mes trois doigts et me rends compte que la balle, extrêmement chaude, a dû me brûler les doigts. Juste après, je rejoins le héros qui crée un mur de glace pour empêcher les deux hommes de nous tirer dessus. J'en profite pour faire un petit trou dans la glace et je demande à Shoto de fermer les yeux et de se retourner. Il s'exécute à vive allure tandis que je lance un énorme flash lumineux dans le trou, il est si puissant que les deux hommes s'écroulent au sol, inconscients.
« Aïe putain, ça fait mal ! je m'exclame en secouant ma main.
Shoto s'approche de moi en une seconde et inspecte ma brûlure d'une main en faisant fondre le mur de glace avec l'autre.
-Tu n'étais pas obligée, j'aurai pu arrêter la balle avec ma glace. répond t-il en touchant ma main.
-C'est que tu es trop lent pour moi. »
Il me lance un regard un peu perplexe avant d'esquisser un sourire. Cinq policiers arrivent à ce moment là et ramassent rapidement les trois braqueurs.
Nous les suivons ensuite pour rejoindre l'allée principale. Je distingue bien vite un attroupement de personnes autour de la banque, il y a des voitures de police et de journaliste éparpillés un peu partout. Nous avançons un peu plus et Shoto part quelques instants pour revenir avec une petite trousse de secours pendant que j'entends les sirènes des ambulances arriver.
Nous nous éloignons un peu de la foule et Shoto commence à désinfecter mes brûlures. Je le vois faire ça minutieusement et je ne peux m'empêcher de le trouver magnifique quand il est si concentré. Il finit par mettre des petits bandages sur mes trois doigts. Un bruit attire alors mon intention, un petit clic assez discret. Je relève les yeux dans la direction du son perçu mais, à part une foule de personnes curieuses, il n'y a rien de suspect. Mes yeux se tournent ensuite sur le héros en face de moi qui fronce un peu les sourcils devant mon air perdu. J'essaye de lui sourire, surtout pour lui montrer que tout va bien.
« Tu as vu quelque chose ?
-Non rien ! Tout va bien. je lui assure.
-D'accord.
Il retire ses doigts des miens.
-En tout cas, merci, même si j'aurais pu le faire seule, hein !
Il sourit, avec cet air victorieux que je déteste tant.
-Pourquoi tu souris ? Qu'est-ce que j'ai dis de drôle ? je lui demande, irritée qu'il recommence.
-Tu m'as dit merci. me répond t-il simplement en ramenant la trousse à un ambulancier qui en aurait besoin.
Je lui cours après et quand je le rattrape, je croise les bras avec la mine boudeuse.
-C'est pas juste ! On est en patrouille là !
-Trop tard, tu n'aurais peut-être pas dû parier, finalement. »
Il me demande ensuite de l'attendre à l'agence, pendant qu'il fait son rapport à la police. Je rentre donc seule, furieuse qu'il ait encore gagné.
Tu perds rien pour attendre, Shoto.
Je l'attends dans son bureau, sur sa chaise plus précisément. Quand je fouine du regard par ennuie, je constate qu'aucune photo n'est posée sur son bureau.
Bah.. Il a même pas mis une photo de Momo ? Putain, ce que tu peux être bizarre, Shoto.. C'est à se demander si tu ne vis pas dans une caverne perdue au fin fond de l'Arctique !
Je prends ensuite mon téléphone pour faire passer le temps. Une bonne heure après, Shoto pousse la porte de son bureau. Il expire longuement en s'approchant de moi.
« Il y a beaucoup de blessés ?
-Non, dit-il fatigué, quelques commotions et des ecchymoses pour certains mais tout le monde va bien.
Il s'assoit sur le siège en face du bureau et je le regarde faire.
-Tant mieux.
-Tu te venges en prenant ma chaise ? remarque t-il.
-Si tu t'imagines que c'est une vengeance, t'es bien loin du compte.
-Pourtant tu as perdu..
-Ne recommences pas ! je siffle.
-Et donc tu as un gage. finit-il par dire.
Ca t'arrange bien, avoues ?
-Si on allait s'entraîner, plutôt ? je propose pour changer de sujet.
-Non, je dois rendre un rapport à l'inspecteur.
Il se gratte lentement la tête pendant que son air fatigué reprend le dessus.
-Je vais m'entraîner seule alors !
-Non, j'aimerais que tu fasses la même chose que ce matin mais pour ce mois-ci.
Hein ? Ce mois-ci ?!
-Attends, c'était pour le mois dernier celui de ce matin ?! je m'énerve. J'en étais sûre ! Tu te sers de moi comme esclave !
-Je te ramène si tu le fais. annonce t-il en prenant une feuille posée dans un coin encore bien rangé de son bureau.
-C'est du chantage, ça !
-Tu peux rester sur ma chaise. déclare t-il en prenant un stylo.
-D'accord, c'est bon, files moi les documents. »
Je soupire un peu pour lui montrer mon exaspération et il me tend les papiers de ce mois-ci. Je commence alors à vérifier, tout comme ce matin, les nombres un à un.
Vers 18h30, j'ai enfin fini et ma tête est toute embrouillée. Je me lève donc en m'étirant pour rentrer chez moi mais j'entends Shoto m'interpeller :
« Attends, dit-il en levant les yeux de ses documents, je te ramène dans cinq minutes. »
J'attends donc encore ces fameuses cinq minutes, avec mon téléphone, alors que l'homme aux cheveux bicolores finit par se lever en s'étirant, à son tour.
« Ca va ? Tu as une mine affreuse. » je lui fais remarquer.
Il me sourit légèrement comme si ma remarque ne l'atteignait absolument pas. Nous marchons jusqu'à l'ascenseur et il appuie sur le 0 quand nous sommes tout les deux dedans.
« Je t'invite à manger ce soir. lâche t-il d'un ton neutre.
Oh non, ça recommence..
Je me décale pour l'observer pendant qu'il fait exactement la même chose.
-C'est bon, tu sais, je peux passer une ou deux soirées seule sans Deku et Ocha !
-Je sais, mais je t'invite au restaurant.
-Mais..
-Et ton gage, me coupe t-il, c'est d'accepter.
Les portes de l'ascenseur se referment et nous descendons lentement.
-C'est vicieux ce que tu fais.
-Je passe te chercher vers 20h ?
Dis lui non, June, envoies le bouler et restes chez toi !
-D'accord. je réponds ceci en me maudissant encore une fois.
-Super. »
Je le vois encore sourire et je me dis que vraiment, des fois, je ferai mieux de m'abstenir de lui répondre. Nous marchons jusqu'à sa voiture, et il me ramène chez moi. Quand il se gare sur le trottoir devant la maison d'Izuku, je détache ma ceinture avant de me pivoter une dernière fois vers lui.
« Merci, à toute à l'heure !
-Je sonnerai. »
Il me répond juste ça et je sors avant de refermer la portière. Je marche vers la porte d'entrée en l'entendant faire demi-tour. Je rentre ensuite dans la maison bien vide de Midoriya pendant que mon cœur bat si fort dans ma poitrine. Je m'empresse juste après d'aller sous la douche.
Sous la chaleur de l'eau qui coule le long de mon dos, je repense encore à Shoto et deux sentiments s'imprègnent totalement en moi. Le premier, c'est une immense culpabilité d'avoir accepté son invitation. Et le deuxième, finalement le plus énervant des deux, c'est de me dire que j'en avais tellement envie.
Une bonne demi-heure plus tard, quand je suis dans ma chambre drapée dans une serviette, un dilemme s'insinue dans mon esprit.
Et si je m'habillais bien ? Et si je faisais un effort ?
Je finis donc pas sortir la seule robe que j'ai de mon placard. Elle est noire, en forme de bustier. Je la touche du bout de mes doigts brûlés et je me décide à l'enfiler, contre toute attente.
Je retourne ensuite dans la salle de bain, j'observe ainsi mon reflet dans la glace encore embuée. Je peux constater cette robe qui, très proche de ma peau, fait ressortir toutes les formes qui composent mon corps.
Mais qu'est-ce que je suis entrain de faire ? C'est n'importe quoi.. Je devrais l'enlever, non ? Pourquoi je ne me contente pas de mettre un pull et un jean comme j'en ai l'habitude ? Bordel..
Juste après, j'essaye tant bien que mal de me coiffer. Je finis par abandonner tant je suis nulle et surtout tellement ça m'énerve. J'emprunte ensuite un manteau long à Ochaco, qui m'avait dit de ne surtout pas hésiter à piocher dans ses vêtements et je me retrouve devant l'entrée à hésiter sur le choix des chaussures.
Pourquoi j'ai accepté ?! J'aurais très bien pu manger un plat préparé à la con et me détendre devant une série télé..
Je passe tellement de temps à me sentir bête et honteuse de me comporter comme une gamine que je ne vois pas l'heure tourner. J'entends finalement la sonnette retentir et m'empresse de mettre des chaussures à talons inconfortables au possible.
J'ouvre la porte rapidement et je vois Shoto, éblouissant dans un pull des plus élégant, habillé comme s'il se rendait à un rencard. Je reste bouche bée devant lui et il me détaille à son tour de la tête aux pieds. Mon cœur se met à battre un peu plus vite tandis qu'il me fait un sourire qui me fait rater un battement. Il m'attrape ensuite la main et me tire légèrement vers lui.
« Tu es si belle, June. »
Il me chuchote ceci dans l'oreille, en touchant doucement mes cheveux avec ses doigts. Je dois me concentrer un bon quart de seconde pour ne pas finir rouge tomate.
Je lui lâche lentement la main. Je mets rapidement mon manteau et attrape un petit sac à main avant de sortir sur le perron. Je ferme alors la porte à clé et il m'emmène dans sa voiture.
Il conduit un bon quart d'heure avant d'arriver devant un petit restaurant japonais. Je sors de la voiture et nous y entrons. L'établissement paraît bien petit, même si je revois en lui un côté très nippon, que j'apprécie bien. Un homme vient à notre encontre et nous emmène dans une salle, avec une table traditionnelle japonaise posée au sol, entourée de nombreux coussins. Nous nous asseyons sur les genoux et le serveur nous ramène le menu avant de coulisser la porte pour nous laisser tranquille.
« J'espère que ça te plaît. lance Shoto en ouvrant le menu.
-Je dois bien avouer que tu me connais bien. »
C'est exactement ce que j'espérais, un lieu intime, où personne ne nous bousculera ou ne viendra nous déranger..
Je lis la carte et Shoto en fait de même. Quelques minutes plus tard, le serveur revient et nous demande si nous souhaitons un apéritif. Je commande un simple verre d'eau et Shoto prend la même chose. Le serveur nous demande ensuite ce que nous aimerions manger et je prends des nouilles au sarrasin, plus pour le côté nostalgie que parce que je suis vraiment fan de ça. L'homme repart élégamment et nous laisse à nouveau seuls.
« Tu aimes les nouilles maintenant ? me questionne Shoto, en me fixant.
-J'en avais envie. je lui souris.
-D'accord, tu verras, elles sont bonnes.
-Tu es déjà venu ici ? je m'étonne.
-C'est mon restaurant préféré. déclare t-il.
Forcément..
-Ça ne m'étonne pas tellement.
-Pourquoi ?
-Ta personnalité te colle à la peau. j'admets.
-Toi aussi, tu sais. Même si je te trouve un peu plus ouverte et beaucoup plus rebelle qu'avant.
J'esquisse un petit sourire, bien contre mon gré.
-Ah ? C'est comme ça que tu me vois ? je m'étonne.
-Un peu, oui. répond t-il en regardant ailleurs.
-Bah moi je te trouve beaucoup plus souriant, et j'en suis contente, avant il me fallait des heures pour t'arracher un rire !
-T'es peut-être devenue plus drôle aussi.
Il plonge son regard dans le mien.
-Et toi t'as fini par comprendre mon humour. »
Il s'apprête à répliquer, comme il le fait à chaque fois qu'on est seuls, mais le serveur nous coupe en s'excusant, pour nous ramener nos plats. Nous le remercions chaleureusement et je me retrouve à galérer à attraper mes nouilles avec les baguettes à cause de mes brûlures aux doigts. Shoto se met à rire en me voyant et je le fusille du regard pour lui dire qu'il n'y a rien de drôle.
« Arrête de rire ! je finis par protester. Je t'ai sauvé la vie aujourd'hui et toi tu ne fais que de rire !
-Tu m'as sauvé la vie, tu dis ? Mais je m'en serais très bien sorti sans toi.
-Merveilleux, je fulmine, la prochaine fois que quelqu'un te tire dessus je le laisse faire !
-Tu n'y arriveras pas, je te connais. s'exclame t-il, beaucoup trop joyeux à mon goût.
Je lâche mes baguettes et croise le bras, il se fout clairement de moi et je tombe dans le panneau bien trop facilement.
-Tu ne me connais pas si bien que ça !
-Si tu le dis.
Il attrape son verre et bois une gorgée d'eau pendant que je peux encore voir son foutu sourire victorieux.
-Pff, j'ai trouvé ce qui a le plus changé en toi, t'es devenu chiant.
-Tu dis seulement ça parce que tu sais que j'ai raison.
-T'as gagné, je ne parlerai plus jusqu'à la fin du repas.
-Si tu fais ça, je me lève et je t..
-Ça suffit ! » dis-je assez fort pour qu'il s'arrête de parler.
Je reprends mes baguettes et commence à manger en lui lançant un regard noir.
A la fin du repas, le serveur nous propose un dessert et je réponds que je n'ai plus faim. Shoto en profite pour demander l'addition et je l'attends quelques minutes dans la voiture pendant qu'il paye, sans me laisser le choix. Me rappelant une bien mauvaise habitude qu'il avait déjà à l'époque. Quand il finit par me rejoindre je le regarde longuement.
« Ça va ? Pourquoi tu me fixes ? me questionne t-il.
Il pose son portefeuille près de l'allume cigare.
-Je ne sais pas, comme ça.
-Je te ramène ?
-Non.
Il tourne un peu plus son visage vers moi en étant étonné de ma réponse.
-Tu veux faire quoi, alors ?
-J'ai envie d'aller danser.
-Quoi ?! Maintenant ?
Il fronce les sourcils.
-Oui, maintenant.
-June, tu devrais te reposer. me conseille t-il.
Je marque une petite pause avant de répondre :
-Si tu ne veux pas venir, j'irai sans toi !
Il soupire, plusieurs fois.
-D'accord mais c'est moi qui choisis l'endroit. cède t-il.
-Si tu veux. »
Je souris fièrement car cette fois-ci c'est moi qui ai gagné.
Il nous conduit donc vers un bar très chic. Nous entrons et on nous installe à une petite table, en face d'une petite place où quelques personnes dansent. Une serveuse arrive et je commande un Bloody Mary. A vrai dire, je l'ai plus choisi pour le nom que je trouvais drôle plutôt que pour ce qu'il y a dedans. Shoto prend, quant à lui, un verre de vin et nous n'attendons que quelques minutes avant qu'on nous ramène nos verres.
« Merci pour le dîner. je commence à parler.
-De rien. »
Il attrape son verre et boit une petite gorgée du liquide rouge. Je l'imite et je sens un mélange à la fois épicé et alcoolisé dans ma bouche.
Je ne sais pas si j'aime, finalement..
Shoto me regarde grimacer et ça a l'air d'être très drôle. Je l'observe alors longuement en me demandant à partir de quand nous avons fini par si bien nous entendre. Je reprends le verre et bois une plus grosse gorgée, que je trouve cette fois-ci, un peu moins écœurante. J'en profite pour enlever ma veste et les prunelles de Shoto se permettent de se poser sur les deux cicatrices qui ornent mon cou et mon épaule.
J'entends ensuite la musique Heroes de David Bowie (la version de 1998) commencer et je me lève en bondissant. Je m'approche de la chevelure rouge et blanche du héros et je me mords la lèvre.
« Tu veux venir danser ?
-Je vais te regarder.
Je sais bien que tu n'aimes pas danser Shoto mais..
-Allez, viens.
Je lui tends ma main. Il la regarde mais ne se lève toujours pas.
-T'en fais pas, je peux rester là.
-Très bien, je capitule en retirant ma main, je vais danser toute seule ou avec quelqu'un d'autre, peu importe, d'ailleurs. »
Je tourne les talons, en me mordant un peu plus fort la lèvre et j'entends crisser une chaise derrière moi. Je fais volte-face et Shoto se tient debout devant moi, l'air un peu gêné.
« C'est bon, je viens. »
Je lui attrape le poignet pour l'emmener sur la piste de danse.
Oh, we can be Heroes..
Au début, je le vois tout raide, comme s'il n'était pas à sa place. Je serre donc ses deux mains dans les miennes et le fait bouger au rythme de la musique.
Just for one day..
Et petit à petit, un changement s'opère. Son visage se décrispe, ses épaules se relâchent, ses mouvements paraissent moins brusques.
I.. I will be king..
Je me décide donc à lui lâcher une main et je danse avec lui, en laissant disparaître cette gêne qui le maintenait enraciné au sol.
And you, you will be queen..
Though nothing will drive them away..
Et cet à ce moment précis que je le vois rire, de cette façon si heureuse. Mon cœur s'emballe furieusement, malgré moi, et je me mets à danser encore plus vite.
We can be Heroes, just for one day..
We can be us, just for one day..
Shoto, je sais bien que rien n'est facile entre nous deux, mais à ce moment précis, quand tu lâches complètement prise, je me dis que de te forcer est la meilleure chose que j'ai faîte. Je sais combien mon cœur va tambouriner, et combien de danser avec toi risque de faire souffrir des gens mais je m'en fiche, je veux me sentir libre. Tu représentes tant à mes yeux, d'une manière que tu ne peux même pas concevoir. Je n'arrive pas à te laisser partir, c'est plus fort que moi. Et pendant que nous dansons, en oubliant tout le reste, je me sens si heureuse, moi aussi.
Just for one day..
We can be Heroes..
La musique prend fin et je continue de sourire en attendant la prochaine. Contre toute attente, nous dansons un long moment, à rire et à nous lancer des petits regards. Nous finissons par sortir du bar vers 1h du matin. Je ne sens même plus mes pieds tant ces foutus talons me font mal. Je me touche alors la cheville quand nous nous retrouvons dehors.
« Ça va, tu veux que je te porte ? propose Shoto.
Je me retourne vers lui en soufflant légèrement du nez.
-Pff non, je vais marcher pieds nus.
-Hors de question, je vais te porter.
-J'ai dit non. »
J'insiste mais il m'attrape et me porte sur son dos, je laisse donc tomber mes bras de chaque côté de sa tête et pose mon visage sur ses cheveux. Je peux sentir ses mains à la lisière entre mes genoux et mes cuisses. Une douce chaleur, que j'essaye de réprimer, apparaît soudain au creux de ma poitrine. Il marche encore quelques mètres et me dépose délicatement au sol.
« Pourquoi tu ne m'écoutes jamais ? je soupire.
-Parce que je fais ce que je veux.
J'entre dans sa voiture et il en fait de même. Nous refermons nos portières et j'expire lourdement en posant ma tête sur le dossier.
-Je te ramène ? demande t-il.
-Oui, s'il-te-plait. »
Il démarre la voiture, pendant que je mets ma ceinture et nous avançons dans un silence agréable.
Quand je vois la maison de Midoriya apparaître devant moi, il coupe le moteur et nous sortons. Arrivés devant le perron, il se tient juste en face de moi.
Je sais que ce que je m'apprête à lui demander est l'inverse de ce que je devrais faire mais j'en ai tellement envie..
« Shoto ? Tu veux bien rester dormir ici, cette nuit ?
Il ouvre de grands yeux pendant que je me mords atrocement fort la lèvre inférieure.
-Pourquoi me demandes-tu ça ?
-Parce que je fais ce que je veux. »
Sa bouche s'élargit tendrement pendant qu'il fait un minuscule pas pour réduire la distance entre nous. Là, il m'enlace doucement en posant l'une de ses mains sur ma chevelure blonde. J'expire un peu plus fort en sentant son toucher si calme et si apaisant. Je place alors ma joue contre sa poitrine et j'entends son cœur battre régulièrement.
Putain.. Pourquoi faut-il que j'apprécie tant ces moments ?
« Tu es sûre ? me questionne t-il au bout d'une minute.
-Oui, je suis sûre. Je sais que ce n'est pas bien, mais je n'ai pas envie que tu partes.
Il caresse lentement mes cheveux et je déglutis longuement.
-D'accord, si c'est ce que tu veux. »
Nous finissons notre étreinte et j'ouvre la porte d'entrée en enlevant précipitamment mes chaussures qui me font terriblement mal.
« Je vais me laver, fais comme chez toi. »
Je n'attends pas sa réponse et commence à monter les marches pour rejoindre la salle de bain. Je m'engouffre à l'intérieur et referme la porte. Je me regarde une petite seconde dans le miroir et j'essaye d'enlever ma robe. La fermeture éclair étant à l'arrière, je suis si fatiguée que je n'arrive pas à l'attraper. Je me sens horriblement idiote et je recommence à de nombreuses reprises à chercher le zip. Mais rien n'y fait et je m'énerve d'autant plus. Je me résous finalement à appeler Shoto et je l'entends monter avant d'arriver jusqu'à moi.
« Oui ?
-Tu pourrais m'aider à défaire ce foutu zip ? » je lui demande d'une petite voix.
J'accompagne ma demande en me retournant, et je le sens s'approcher avant de prendre mes cheveux et de les poser sur mon épaule droite. Ensuite, je sens sa main à quelques millimètres de mon dos et j'entends la fermeture éclair se défaire lentement, terriblement lentement même. Je me sens respirer à nouveau confortablement et rattrape le bustier avant qu'il ne finisse par tomber. Je me pivote donc à nouveau vers le héros et remarque que Shoto me regarde d'une façon bien particulière qui fait rater un battement à mon cœur.
Il touche ensuite doucement ma clavicule du bout des doigts pour remettre mes cheveux dans mon dos. Mon palpitant tambourine si fort dans ma poitrine quand il fait ça. Je le sens ensuite scruter mes lèvres, d'une façon bien trop irrésistible, et je recule légèrement pour m'empêcher de succomber à cette tentation qui nous tient tout les deux.
« Merci, je lance, la respiration bien trop courte. Je vais aller me laver. »
Il ne répond rien, et je le vois sortir de la salle de bain. Je referme rapidement la porte et j'inspire le plus d'air que je peux.
Pourquoi ça finit toujours comme ça ? Pourquoi j'ai toujours cette envie qui me tient même après ce qu'il s'est passé ?
Je me lave longuement, en réprimant toutes les idées qui s'insinuent dans ma cervelle. Quand je sors enfin de la salle de bain, en pyjama, je m'approche alors de l'escalier et j'entends la voix de Momo résonner dans le silence de la nuit :
« [..] pas ?! J'en ai marre, pourquoi tu lui donnes raison à cette traînée ? Elle essaye de nous séparer depuis qu'elle est revenue et c'est à moi que tu ne réponds pas ! Pourquoi d'ailleurs ? En plus, j'ai reçu des échos comme quoi tu avais l'air de bien t'amuser avec elle, aujourd'hui, à arrêter les petits braqueurs du quartier. Réponds moi Shoto, je t'aime moi. J'en peux plus de cette situation.. »
En l'entendant ainsi parler, mon cœur se serre un peu plus et les mots d'Izuku me ressautent au visage. Je me pose donc sur la deuxième marche la plus haute et je place mon coude sur mon genou.
« Je ne sais pas à quoi vous jouez tous les deux mais quand ça va s'arrêter, beaucoup trop de personnes vont souffrir. » C'est vrai à quoi joue t-on ? Pourquoi fait-on toujours cette chose de trop ?
J'en profite pour soupirer, assise au milieu de l'escalier qui sépare les deux étages, et je me sens stupide, terriblement stupide. Après quelques minutes à repenser aux mots de Deku, je finis par descendre et remarque Shoto, assit sur le canapé, la tête en arrière.
Au final, tu peux échapper à la vérité un certain temps mais elle te revient toujours en pleine face, tel un boomerang..
« Tu devrais l'appeler. »
Mes mots rompent le calme de la nuit. Shoto, lui, commence à bouger la tête dans ma direction.
« Je n'en ai pas très envie.
-Pourquoi ?
-Parce que. me lâche t-il.
Bah tiens, ça fait longtemps qu'il n'a pas été aussi vague..
-Pourrais-tu être un peu plus précis ?
-Non, j'ai vraiment pas envie d'en parler maintenant. »
Je ne réplique plus rien parce qu'en vérité je n'en ai pas le courage et de toute manière, je n'ai en aucun droit de lui dire quoique ce soit, même si au fond, je trouve son attitude débile.
Je m'approche alors un peu plus de lui et il me fait m'asseoir en un clin d'œil sur ses genoux, à califourchon. Je pose mes mains dans sa nuque et nous restons plantés là, à nous regarder comme si c'était tout à fait normal.
« Pourquoi ça finit toujours comme ça entre nous ? je le questionne, dépitée.
-Pourquoi faut-il une raison ?
-Il y a toujours une raison, même si parfois elle diffère de ce qu'on aimerait vraiment.
-Et dans le cas présent, c'est quoi la raison ?
-Je ne sais pas, j'essaye de comprendre pourquoi on finit toujours par faire l'inverse de ce qu'il faut faire. Mais au final, rien ne me vient, je suis perdue..
C'est à son tour de rester muet. Je touche ensuite l'arrière de ses cheveux, en lui massant légèrement le crâne.
-Est-ce qu'on est des amis ? je lui demande ceci, sans vraiment savoir à quoi m'attendre.
-Oui, en tout cas, ça en donne l'air.
-Alors pourquoi je suis assise sur tes genoux ? Pourquoi quand on a dormi ensemble je m'en suis voulue ? Pourquoi Momo me traite t-elle de traînée ?
-June.. Arrêtes de culpabiliser.
-Pourquoi m'as tu embrassé si nous sommes bien des amis ?!
-Tu te prends trop la tête.
-Est-ce que tu lui as dit au moins ?
-Oui. Elle le sait.
-Quoi ?!
Comment ça ? A quel moment il lui a dit ? Pourquoi je suis encore en un seul morceau, dans ce cas ?
J'ouvre de grands yeux et je sens ses mains frôler ma taille.
-Je lui ai dit quand on est rentrés et après ça je n'ai plus eu l'envie de lui répondre. soupire t-il.
HEIN ?! Pourquoi ne m'a t-elle pas appelé pour m'engueuler ? Pourquoi je ne suis au courant de rien ?
-Si tu te demandes pourquoi elle n'est pas encore venue te parler, c'est parce que je lui ai dit que c'est moi qui t'ai embrassé. m'explique t-il.
-Pourquoi as-tu fait ça ?
-J'avais besoin de réfléchir.
-A quoi ?
-A pleins de choses.
-Et tu en as conclu quoi ?
-Que j'ai encore besoin de réfléchir.
-Ce n'est pas une vraie réponse, ça !
-Tu devrais aller dormir.
-N'esquives pas la question !
Je cherche son regard mais pour une fois, il ne me le rend pas, il se contente simplement d'observer ce qui se trouve derrière moi, au niveau de mon épaule.
-Tu n'as pas besoin de le savoir, June, je t'en parlerai quand se sera le bon moment. »
Sur ces mots, il me pousse sur le côté, et se lève avant de me porter dans ses bras, comme si j'étais une putain de princesse d'un film Disney.
« Lâches moi, Shoto ! » j'ordonne violemment mais il fait mine de rien entendre.
Il m'emmène jusqu'à ma chambre pendant que je me débats du mieux que je peux. Quand il arrive devant mon lit, il m'y dépose délicatement et j'en profite pour attraper le col de son pull pour l'empêcher de se relever. Il se rattrape rapidement avec ses deux mains, évitant de justesse de tomber sur moi.
« Qu'est-ce que tu fais ? demande t-il dans un souffle.
-C'est plutôt à moi de te demander ça.
-Vas dormir, June, je vais rentrer.
Je tire un peu plus son col vers moi et nos deux visages finissent par se retrouver à quelques centimètres l'un de l'autre.
-Tu devais rester dormir.
-Tu sais très bien comment ça va finir, si je reste.
-Ah oui ?
J'enroule mes jambes autour de sa taille, l'empêchant une fois de plus de se relever.
-June, répète t-il, vas dormir.
-Non.
Je pose mes mains derrière sa tête, l'approchant un peu plus de la mienne. Nos nez sont à présent collés l'un à l'autre et je peux sentir son souffle me chatouiller les lèvres.
-Tu sais ce qu'il se passer, et tu vas le regretter. soupire t-il.
-Et que va t-il se passer, d'après toi ?
Il bouge sa main droite et me touche doucement la pommette.
-On va s'embrasser et tu vas encore plus t'en vouloir demain. Tu vas encore te dire que tu fais souffrir tout le monde, alors laisses moi partir.
La vache.. Il est dans ma tête ou quoi ?!
-J'en ai pas envie.
-June, soupire t-il plus longuement, pourquoi est-ce que tu fais ça ?
-Je veux te revoir sourire, en étant si heureux, comme quand on dansait.
Je caresse lentement ses lèvres du bout des doigts en les observant. Ses prunelles sont rivées sur mon visage et à cet instant, j'aimerais bien savoir ce qu'il pense.
-Je te promets que je sourirais à nouveau comme ça mais pas maintenant.
-Shoto.. je le supplie.
-S'il-te-plaît, laisses moi partir.
-J'en suis incapable. »
Il finit par se relever en me portant contre lui, tel un paresseux accroché à sa branche d'arbre. Il me tient fermement pour ne pas que je tombe et je vois son visage si doux m'observer. Il pose alors un délicat et minuscule bisous sur ma joue, comme pour sceller la promesse qu'il m'a énoncé quelques secondes plus tôt et je finis par le lâcher en reposant mes pieds sur le sol.
« A demain, June. lance t-il en se détachant de moi.
-A demain. »
Je réponds un peu sèchement pour lui montrer ma contrariété et je le vois sortir de ma chambre. Toute la chaleur qui m'entourait alors disparaît avec lui et j'ai la poitrine serrée en me couchant dans mon lit, seule.