Chimp Rescue

By Stars_of_Orion

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Charlie Saint-Loup n'a qu'une mission : protéger les animaux. Figure de proue dans la lutte contre la cruauté... More

Avant-propos furtif
Les sombres secrets
Escapade nocturne
Maître-chanteur
Un pistolet à cacahuètes
Mettre le feu aux poudres
En ondes radioactives
Dans l'œil du cyclone
Un reflux nommé Maxence
Être coincée dans le rond-point
Remplis ton coeur d'un vin rebelle
Boire la tasse
Filer doux
À la santé du progrès
La chaleur de novembre
Les fleurs, puis le pot
Dans le blizzard
Une question de survie
Le petit nouveau dans la famille
Les cafés
Le chaud et le froid
La petite robe noire
La soirée des contorsions
Les confessions
Une preuve au recyclage
Quand il pleut du guano
Comme un caillou dans sa chaussure
Les fusibles qui sautent
Noir comme la nuit
Mensonge blanc
Panic! at the Labo
Discussion sur l'oreiller
Épilogue

Céder sa place

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By Stars_of_Orion

Maxence et moi fîmes comme si cette parenthèse enneigée n'avait jamais eu lieu.

Comme si nous ne nous étions jamais embrassés. Deux fois.

Comme s'il ne m'avait jamais appelée « ma puce » dans un moment d'égarement.

Au matin, même si j'avais horriblement mal dormi, je retrouvai mon énergie et ma verve habituelle. Une fois les pneus d'hiver posés sur la voiture de Maxence, nous reprîmes la route et discutâmes sur le chemin du retour comme deux amis. Comme si de rien n'était.

Au fond, c'était mieux ainsi.

Lui et moi évoluions dans deux mondes très différents. Tôt ou tard, une relation entre nous aurait été problématique.

Maxence ne toucha plus mon genou ou ma main. Ne posa plus son regard sur mes lèvres.

Le souvenir de nos baisers resta derrière nous, dans ce petit village enneigé dans lequel je ne remettrais plus jamais les pieds. Pareil pour mes souvenirs.

Lorsque le chercheur me déposa à mon appartement, je décidai de lui confier le projet qui avait germé dans mon esprit quelques jours auparavant.

— J'aimerais avoir ton avis sur quelque chose.

Nous étions garés dans la rue en face de chez moi.

— Ah bon? fit Maxence en se tournant vers moi.

J'acquiesçai.

— J'ai beaucoup réfléchi à ma carrière depuis que je t'ai rencontré.

Maxence parut surpris par mon aveu.

— Ah bon? répéta-t-il comme un disque rayé.

— Tu sais que je veux rendre le monde meilleur, poursuivis-je en faisant fi de son air interloqué. Eh bien, je pense que je m'y prends mal. Je n'ai plus envie d'enfoncer les défenses de tous ceux qui ne partagent pas mon opinion comme si j'étais une boule de démolition.

Je croisai le regard de Maxence, inquiète d'y lire un jugement quelconque. Pourtant, il m'écoutait attentivement et me fit un signe de tête pour que je poursuive.

Je n'eus malheureusement pas le loisir d'élaborer davantage, puisque la sonnerie de mon téléphone nous interrompit. C'était Florence.

— Allô?

— Charlie, viens au refuge dès que tu le peux.

— Tout va bien?

— C'est Diana...

Mon amie ne termina pas sa phrase et se tut.

— Diana? Qu'est-ce qu'elle a?

— Viens me rejoindre, réitéra-t-elle.

***

Je ne m'étais jamais rendue au refuge avec autant d'empressement. Maxence avait proposé de m'y conduire, mais j'avais décliné son offre et avais pris ma propre voiture.

Pourquoi Florence avait-elle été si évasive? Que se passait-il avec Diana? Refusait-elle encore de manger? Robert connaissait pourtant la technique pour l'amadouer...

Je bondis hors de ma voiture sitôt qu'elle fut garée devant le refuge. Je traversai le terrain pour rejoindre la maison des chimpanzés, le cœur battant.

Florence m'attendait dans le couloir, devant la pièce préférée de Diana. C'était une petite serre dont les fenêtres laissaient passer les rayons de soleil le jour et laissaient voir le ciel étoilé la nuit.

Je sus que quelque chose n'allait pas lorsque j'avisai les yeux rougis de mon amie. La dernière fois que j'avais vu Florence pleurer, elle avait douze ans et avait eu ses règles lors d'une sortie scolaire aux jeux d'eau. Et encore là, c'était plus des larmes de colère que de tristesse.

— Charlie, c'est Diana, répéta-t-elle la voix rauque.

— Quoi, Diana? Qu'est-ce qu'elle a?

— Elle...

Florence plaqua une main sur sa bouche, incapable de m'expliquer.

Je dépassai mon amie, de plus en plus inquiète, et entrai dans la serre. Là, je vis Robert et Beth, mes deux soigneurs les plus expérimentés – et aussi les préférés de Diana –, qui se tenaient côte à côte.

Avec soulagement, je vis que Diana était dans son nid de couvertures. Thomas, le vétérinaire, était accroupi près d'elle.

— Vous m'avez fait peur, soufflai-je en m'approchant du vétérinaire. Pourquoi tout ce rassemblement? Diana est malade? lançai-je à la ronde.

Je croisai le regard de Robert. Sérieux. Désolé.

Je fronçai les sourcils.

— Quoi?

Le vétérinaire leva les yeux vers moi et me fit signe d'approcher.

— Regarde-la, Charloup, dit-il doucement, lui qui était habituellement toujours si plein d'entrain.

Je m'agenouillai à côté de lui. Posai les yeux sur Diana, qui dormait paisiblement.

Pourtant, le jour s'était levé depuis plusieurs heures. Elle n'avait pas l'habitude de rester dans son nid si longtemps.

— Elle ne respire pas, constatai-je avec effroi, mes yeux parcourant son corps emmitouflé dans une couverture.

Je me sentis paniquer.

— Thomas, elle ne respire pas! Fais quelque chose!

Le vétérinaire secoua la tête et pressa mon épaule d'une main.

— Elle est morte, Charlie.

Ses mots me coupèrent le souffle. Je dus m'asseoir à côté du petit corps immobile de mon chimpanzé pour encaisser la nouvelle.

Entre temps, Florence m'avait rejointe.

— Elle s'est endormie dans son nid hier soir, m'expliqua-t-elle alors. Robert m'a avertie qu'elle ne s'était pas réveillée ce matin.

Oh, Diana...

Mon premier bébé.

Ma mamie chimpanzé.

Ma princesse capricieuse, qui n'aimait ni les concombres, ni les humains, sauf pour quelques privilégiés.

Je tendis la main vers sa tête pour toucher son poil aux reflets argentés. Juste une dernière fois. Puis, je rapatriai ma main et la pressai contre mon coeur pour qu'il arrête de me faire si mal.

— Elle est morte, Flo, réalisai-je enfin.

Mes yeux me brûlaient. Je les frottai du revers de la main et étendis quelques larmes sur mon visage.

— Notre bébé... Elle est morte.

J'enfouis mon visage entre mes mains et sentis Florence m'entourer de ses bras. Puis, Robert se joignit à nous. Et Beth. Thomas.

Je savais que ça ferait mal de perdre l'un de mes chimpanzés pour la première fois. Ils faisaient tous partie de ma vie. De ma famille. J'avais passé des années à cajoler Diana, à tenter de créer un lien avec elle. À essayer de rendre sa vie meilleure. À adoucir la souffrance qu'elle avait vécu.

J'aurais aimé savoir qu'elle allait mourir imminemment pour communiquer une dernière fois avec elle, lui donner des morceaux de patates douces, puisqu'elle en raffolait, ou simplement la regarder lézarder dans un rayon de soleil. Lui dire au revoir.

Contrairement aux humains, il n'était pas toujours facile de prédire la mort d'un animal. Beaucoup d'entre eux cachaient leur souffrance. C'était un mécanisme de protection, une façon de ne pas avoir l'air faible devant un éventuel ennemi.

De quoi était morte Diana? D'être trop vieille? Souffrait-elle d'une maladie sans que personne ne l'ait réalisé?

Vu son âge et ses problèmes de santé, sa mort n'aurait pas dû me surprendre.

En fait, je n'étais pas surprise. J'étais affligée.

Et là, maintenant, tout ce dont j'avais besoin était ce câlin collectif avec tous les gens qui l'aimaient.

***

Mon frère Hubert avait bien des défauts, mais ce soir, il était parfait.

Florence et moi avions élu domicile dans la cour de mon amie. Mon frère avait allumé un feu dans le foyer, sorti deux chaises Adirondack du cabanon et des couvertures du garde-robe. Il nous avait même préparé deux thermos de cidre chaud. Ensuite, il était retourné s'occuper des enfants, nous laissant, Florence et moi, profiter de la quiétude de la nuit.

Prestation parfaite, disais-je.

Mon amie et moi étions échouées sur nos chaises tels des cachalots sur la plage.

Le froid était mordant, ce soir. Un épais couvert de neige subsistait au sol en raison de la tempête de la veille. L'éclat de la neige fraîchement tombée rendait le ciel sépia et les étoiles plus difficiles à distinguer. J'avais enfoncé mon bonnet jusqu'à mes yeux, remonté mon foulard jusqu'à mon nez. J'étais emmitouflée dans une couverture de polar à la manière d'un sushi et je ne bougeais pas depuis plusieurs minutes.

Florence était aussi silencieuse que moi. Le regard fixé sur les flammes qui dansaient dans la nuit, nous sirotions tranquillement notre cidre chaud. J'avais la tête étrangement vide après toutes les émotions que j'avais vécues dans les dernières heures. Et puis, le crépitement du feu m'apaisait.

Un petit souffle de condensation s'échappa de mes lèvres lorsque je pris la parole.

— Nous avons rendu sa vie meilleure, non? demandai-je à Florence dans un murmure.

Mon amie resserra les pans de sa couverture autour de ses épaules.

— Oui. Bien sûr. Mission accomplie, Charloup.

Florence leva sa main dans ma direction. Je tapai ma mitaine contre la sienne et nous échangeâmes un sourire.

— Trinquons à Diana, le chimpanzé qui nous a permis de réaliser notre rêve d'avoir un refuge, lança mon amie en levant son thermos.

Je cognai mon thermos contre le sien.

— À Diana, le chimpanzé le plus capricieux que je connaisse.

— La plus belle, aussi.

— La plus posée.

— La plus obstinée.

Florence et moi bûmes notre cidre à petites gorgées. Nous nous remémorâmes nos meilleurs souvenirs de Diana, ses petites manies, ses plus belles qualités.

Ne plus l'avoir parmi nous changerait pour toujours la dynamique du refuge.

— Charlie, m'interpella Florence au bout d'un moment. Je sais que le lien que tu avais réussi à tisser avec Diana était probablement plus fort que celui que n'importe lequel d'entre nous avions avec elle. Je sais que tu seras triste longtemps. Moi aussi, d'ailleurs. Mais en nous quittant, Diana a laissé sa place à un autre.

Je me tournai vers mon amie. La connaissant, elle avait une idée derrière la tête.

— À quoi penses-tu?

— Je pense qu'il est temps d'offrir une vraie maison à A605, le chimpanzé de Maxence.

***

Est-ce que j'ai été triste de tuer Diana?

Oui.

Est-ce que j'ai failli pleurer en écrivant la scène?

Oui.

Pourquoi je l'ai fait alors?

Oui.

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