Je soupire, et déglutit doucement. le regard toujours accroché au plafond, je ramène mes bras sur mon ventre, décomptant de 10 à 0, par crainte de fondre de nouveau en larmes. Je fini par me relever, agitant ma baguette pour ordonner la chambre et ranger mes affaires dans ma malle. Demain, à cette heure-ci, je serais déjà en Ecosse au près de Minerva... lui raconterai-je ce que j'ai découvert sur Henry ? Sans doute pas... ou peut-être que si... il y a tellement de choses que j'aimerais lui raconter. Je referme la porte derrière moi, et rejoint le salon. Parcourant du regard les livres anciens d'Henry, mon regard s'arrête sur un en particulier Les hauts de Hurlevant d'Ellis Bell. Me sourcils se froncent. Sans doute un livre moldu. Je m'en saisis, et l'ouvre timidement sur la préface, surprise de réaliser qu'Ellis Bell, en plus d'être moldu, est en réalité une femme du nom d'Emily Brontë... une femme écrivain. Ces moldus ont décidément de drôles d'idées ! Par curiosité, je lis quelques passages, et celui de la page 183 est détonnant...
- « C'est un voyage pénible, et j'ai le coeur bien triste pour l'entreprendre; et puis, il faut passer par le cimetière de Gimmerton, dans le trajet ! Nous avons souvent bravé ensemble ses revenants et nous nous sommes défiés l'un l'autre de rester au milieu des tombes et de les sommer d'apparaître. Mais, Heathcliff, si je vous en défie maintenant, vous y hasarderez-vous ? Si vous l'osez, je vous garderai avec moi. Je ne veux pas demeurer là toute seule. On peut m'enterrer à douze pieds de profondeur et abattre l'église sur moi, je n'aurai pas de repos que vous ne soyez avec moi. Non, jamais ! » lue-je d'une petite voix, en prenant place sur le fauteuil chocolat près de la cheminée éteinte.
Je reviens au premier chapitre, et commence ma lecture, plus par curiosité que par envie, je dois bien l'admettre, mais très rapidement, les pages défilent et je me laisse transporter par les personnages principaux du roman. Par cette Catherine, douce et ambitieuse, par son frère Hindley, d'une jalousie maladive, et d'Heathcliff bafoué par la vie. Les passages m'attirent aux suivants, et je n'entends même pas la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer dans un claquement assez bruyant. Ce n'est qu'un souffle brulant contre ma nuque qui me sort de ce roman palpitant ô combien triste.
Surprise, je lâche le livre sur la table basse, et je me relève précipitamment du fauteuil, mon regard tombant dans l'océan bleu des yeux d'Henry, et mon sourire se fige sur mes lèvres. Il s'excuse de m'avoir fait peur, et me demande si tout se passe bien. Je n'arrive pas à lui répondre... tétanisée. Paralysée de terreur, d'émoi, comme l'été dernier... comme lorsque je ne le connaissais pas.
Il arque un sourcil, et esquisse un petit sourire étonné, avant de se pencher pour ramasser le livre. Son pouce rugueux glisse sur la couverture, il en murmure le titre avant que ses yeux bleus ne s'accrochent de nouveau aux miens. Je ne peux toujours pas bouger... je le revois jeune. Détruit. Anéanti. Malheureux. Et mon cœur se serre. Il se serre comme jamais il ne s'est serré.
- Charlotte, tout se passe bien ? me demande-t-il, inquiet, en caressant mon bras nu de ses doigts hésitants.
Je frissonne et me jette dans ses bras. Je m'encastre dans son torse, essayant par tous les moyens de me blottir au maximum contre lui. Mes bras entourent son cou, et je plonge mon visage contre sa gorge chaude, là où son parfum d'aiguilles de sapin s'associe au mien, à la lavande. Son cœur loupe un battement contre le mien, puis ses bras s'enroulent autour de mon buste pour me maintenir contre lui. Je le devine stupéfait de me voir réagir ainsi, mais il ne me dit rien. Rien du tout, s'empressant simplement de m'étreindre contre lui. Sa bouche embrasse ma tempe, me redemandant si tout se passe bien, d'une voix plus grave, plus angoissée.
- Tout va bien, Henry, le rassuré-je, mes lèvres contre sa peau. C'est simplement que... vous m'avez manqué...
- Tant que ça, plaisante-t-il, en laissant ses mains caresser mon dos et mes épaules.
- Je vous aime, Henry, je vous aime tellement, murmuré-je contre lui, en enfouissant mon nez sous son oreille. Je... je ne peux vivre sans vous... ça fait tellement mal quand vous êtes loin de moi...
- Je vois..., me coupe-t-il, un peu sonné.
Il m'éloigne légèrement de lui, et ses doigts remontent contre mon visage pour en saisir mon menton et relever ainsi mes yeux vers les siens.
- Moi aussi je vous aime, Charlotte, me dit-il tout bas. Et moi aussi je ne peux vivre sans vous. C'est... c'est pour ça que vous me semblez si... bouleversée ? me demande-t-il, un sourcil arqué.
- Non, lui dis-je en essayant de lui sourire. Je... j'ai eu peur que vous m'ayez oublié...
Pure mensonge, mais avec Hortense nous nous étions mises d'accord pour ne pas divulguer à Henry ce qui s'était passé dans l'après-midi. Et je ne veux pas l'inquiéter sur ce point si sombre. Je veux qu'avec moi, il se sente en confiance, qu'il se sente aimé et chérit. Le reste n'a pas d'importance.
- Comment pourrais-je oublier que la femme que j'aime m'attend sagement dans mon salon ? me dit-il, un sourire mi moqueur, mi amoureux sur les lèvres.
Je me hisse sur la pointe des pieds et posa ma bouche sur la sienne. Ses lèvres s'étirent en un large sourire, alors que j'approfondis ce baiser en glissant timidement mes doigts dans ses boucles brunes. Son souffle chaud me brûle les lèvres, et je retrouve ce goût mentholé que j'aime tant. Nos langues se croisent. Une fois, deux fois. Timides mais excités à l'idée de se caresser longuement. Lorsque je me décolle d'Henry, mes joues sont roses, et je suis surprise de voir son regard braqué sur moi, et son sourcil arqué. Suis-je si mauvaise actrice que cela ?
- Je me demande bien ce qu'Hortense a pu vous dire sur moi pour que vous soyez toute... docile, me dit-il, amusé, en déboutonnant les premiers boutons de sa veste.
- Premièrement, je suis toujours docile avec vous, rappelé-je en fronçant les sourcils, malgré mon petit sourire.
Mes doigts prennent la relève sur les boutons de sa veste, et je déboutonne les trois derniers, avant de la lui retirer doucement pour la plier et la poser sur le dos du canapé.
- Deuxièmement, nous avons surtout parler de moi, repris-je, les joues roses. Qui aurait cru qu'Hortense Harper était aussi douée pour glaner des informations ? rié-je, en essayant de dissimuler mon trouble. Je... je crois qu'elle a compris à quel point je vous aime, terminé-je en un chuchotement qui, j'espère, ne résonne pas comme douloureux. Elle qui croyait que je n'étais avec vous que pour le... goût périlleux de la vie.
- Hortense est de nature inquiète il ne faut pas vous méprendre quant à ses intentions, me précise Henry en desserrant rapidement son nœud de cravate.
- Je ne me méprend pas, le rassuré-je en finissant de desserrer sa cravate, et de lisser son col de chemise. Je ne me méprends plus en tout cas.
Je passe ma main dans les cheveux de Henry, et mon pouce fini sa course contre sa pommette, puis sa mâchoire piquante. Je souris timidement, peu habituée à le voir avec une barbe naissante. Peu habituée à ce que nous soyons si seuls aussi, si proches, sans l'ombre de ma tante ou d'une autre personne pour surveiller nos faits et gestes. Ici, il m'est totalement accessible tout comme je le suis pour lui... et cette subtilité me fait frissonner. Je l'embrasse de nouveau, tendrement. Ses lèvres sont chaudes, rugueuses, et mon sourire s'agrandit contre sa bouche experte. Il finit par rompre notre baiser, et je le vois secouer la tête doucement. Il est songeur, je le vois dans ses yeux. Se doute-t-il de quelque chose ?
- Comment s'est passée votre journée de travail ? demandé-je alors que Vigor passe sa grosse tête poilue sous la main de Henry pour quémander des caresses.
- Plutôt courte, et... je dois finir quelques dossiers pour demain matin, il va falloir que je m'y penche une paire d'heures je pense, me répond-t-il, presque désolé.
- Je saurais m'occuper, le rassuré-je en balayant sa bibliothèque de mes yeux chocolats.
- Je m'en occuperais quand vous serez entrain de dormir, m'avoue-t-il en me rapprochant de lui pour me voler un long baiser.
J'ai le cœur qui se serre, qui se serre encore et encore, et qui finit par lâcher lorsqu'Henry me relâche et que sa bouche s'écarte de la mienne.
- Vous... vous avez réussit à dormir cette nuit ? lui demandé-je, en essayant de cacher le trouble qu'il fait naître en moi.
- Peu, me dit-il, en haussant les épaules. Mais j'ai l'habitude, souligne-t-il en un clin d'oeil alors qu'il s'apprête à aller se servir un verre de Whisky.
- Laissez, je m'en occupe, lui dis-je en posant ma main sur son avant-bras.
- D'accord...
Il est décontenancé, et alors qu'il s'installe dans son fauteuil, près de son chien, et que je me dirige vers la commode où trône une bouteille et des verres que j'imagine être du crystal, je sens son regard emplis de question suivre le mouvement de mes courbes. Ca me fait encore plus frissonner... et l'objectif que je me suis fixé, devenu le but de ma vie, ressurgit dans mon esprit. Je remplis le verre du liquide ambré, essayant de chasser le souvenir des doigts d'Henry dans ceux d'Olivia de mon esprit. Leur histoire est finie depuis quatre ans maintenant... quatre ans où Henry est resté seul... sans personne pour prendre soin de lui. Hortense a fait ce qu'elle a pu, mais maintenant, c'est à moi de reprendre les rennes, et je ne laisserais rien ni personne nous éloignés l'un de l'autre.
Lorsque je lui tends son verre et qu'il en boit une longue gorgée, nos regards ne se quittent pas. Lorsque je m'installe à ses pieds, sur le tapis, et que je croise mes bras sur sa cuisse ses yeux sont toujours rivés sur mon visage. Lorsque ma joue se pose doucement sur le dos de mes mains jointes, il n'a toujours pas cligné des yeux.
- C'est donc ça qu'on vous apprend avant Poudlard..., me dit-il de sa voix rauque.
- Ca ? répété-je, étonnée, en me redressant légèrement.
- Les leçons d'éducation étiques et morales que l'on enseigne aux petites sang-pur avant qu'elles soient en âge de cogiter toutes seules, me précise-t-il, un sourire aux lèvres, en vidant son verre de Whisky de deux nouvelles longues gorgées.
- C'est-à-dire ? questionné-je, un peu perdue, en récupérant son verre vide pour le poser sur la table basse, puis de reposer ma tête contre mes avants bras croisés sur sa cuisse aussi dure que du béton armé.
- On vous enseigne à plaire aux hommes, à répondre au moindre de leur caprice ?
- Non, souris-je. Pas aux hommes, non... seulement au nôtre, rectifié-je en me mordillant nerveusement la lèvre inférieure.
- D'accord...
- Je vous suis toute ouïe, Henry, ajouté-je, alors que je vois l'embarras se dessiner sur ses traits.
- Je... je peux vous demander d'aller me... me chercher un second verre dans ce cas ? me demande-t-il du bout des lèvres, ses pommettes colorées en un joli rose poudré.
J'hoche la tête, un sourire aux lèvres, puis me relève pour récupérer son verre et le remplir une nouvelle fois de ce liquide ambrée que je sais fort et brûlant pour en avoir bu un verre cul sec un peu plus tôt dans la journée. Je reviens vers Henry, pour le lui tendre, et ses yeux glissent de ma bouche à ma poitrine pour finir sur mes hanches et mes jambes cachées par le tissu corail de ma robe. Il porte son verre à ses lèvres, et tapote délicatement l'accoudoir de son fauteuil.
- Asseyez-vous, me dit-il tout bas, alors que je m'installe timidement près de lui, croisant les jambes par dessus l'accoudoir en velours.
Henry repose son verre sur la table basse et sa main, nerveuse, appuie doucement dans le creux de ma taille pour me faire pencher vers lui. Je tuerais pour savoir ce qui se passe dans sa tête.
- Embrassez-moi, souffle-t-il en plongeant ses yeux lumineux dans les miens.
Mes dents s'enfoncent dans ma lèvre inférieure avant de s'enfoncer doucement dans la sienne, ma langue glissant timidement contre la sienne. Ma bouche happe son souffle mentholé aux effluves de Whisky, et je l'embrasse passionnément, ma poitrine s'appuyant doucement contre son torse.
- Je... je peux vous demander n'importe quoi... je veux dire... vraiment n'importe quoi ? me demande-t-il, tout bas, ses lèvres remuant contre les miennes.
Je réalise alors à quel point tout ceci est nouveau pour Henry. Personne n'a dû lui dire à quel point aimé une sang-pur ou une sang-mêlée pouvait être différent. De part cette obéissance essentiellement, cette soumission qu'on nous inculque depuis toute petite et qui me répugnait tant. Mais à présent... ce n'est plus le cas.
- Allez-y, souris-je contre sa bouche.
- Retirez-moi ma cravate, m'ordonne-t-il, amusé, alors que je défait son noeud, le tissu soyeux tombant à la renverse sur ses genoux.
Son souffle se fige.
- Dites-moi encore que vous m'aimez...
- Je vous aime Henry, plus que de raison, soupiré-je d'aise en sentant ses doigts glisser contre le jupon de ma robe pour faire remonter le tissu contre mes jambes prisonnières de bas en soie.
- Je... je peux vous... vous demander de vous... déshabillez ? balbutie-t-il en serrant le bas de ma cuisse entre ses doigts nerveux.
Mes entrailles se serrent. Je n'avais pas pensé à ce genre de demande... pourtant j'hoche la tête, avec une lenteur incomparable, et alors que le soleil inonde la pièce de ses rayons lumineux de fin d'après-midi, je me redresse sur l'accoudoir, glissant mes doigts tremblants dans les rubans de la ceinture de ma robe. J'ai l'impression que quelqu'un vient de prendre possession de mon corps, et de ne plus rien diriger. L'impression qu'à présent, ce sont les yeux grisant d'Henry qui me contrôle. Au moment où je m'apprête à tirer sur le premier ruban, la main de Henry se referme avec force sur mon poignet pour me faire lâcher prise. Il déglutit difficilement alors que mes poumons sont en feu.
- Je... je voulais simplement connaître les limites de votre... inclination à me faire plaisir, reprend Henry en se redressant sur le fauteuil. Et... visiblement, vous n'en avez aucune...
Plait-il ?!
Ma respiration se désintègre dans ma poitrine. Et je pense qu'Henry doit comprendre cette sensation d'humiliation qui prend forme dans mon esprit car ses mains tracent de longues arabesques sur mes bras dénudées.
- Nous sommes entrain de jouer à un jeu dangereux, Charlotte, me dit-il sur le ton des confidences.
- Ce n'est pas un jeu, rectifié-je, le regard sombre.
- Je le sais ! me coupe Henry de sa voix rauque. C'est justement pour cette raison que je dois... garder la tête froide pour deux.
Ses doigts attrapent mon menton, et je sens sa respiration s'emballer, essayant de résister, mais ses lèvres prennent possession des miennes avec avidité. Je gémis longuement contre cette bouche qui me dévore avec passion, et nos langues s'emmêlent une nouvelle fois pour danser sur un rythme effréné. Sur ma cuisse, je sens sa main remonter jusqu'à la démarcation de mon bas, et son pouce et son indexe titillent nerveusement l'attache de mon porte-jarretelle.
- Vous hésitez, n'est-ce pas ? murmuré-je contre son visage.
Ses yeux envoûtant reprennent possession de mon corps, me faisant oublié tout le reste, et alors que je sens ses doigts glisser de mon menton à sa gorge, un couinement sonore nous fait sortir de notre jeu dangereux.
Nous nous éloignons rapidement l'un de l'autre le cœur battant la chamade, et mon regard croise celui de Vigor, assis royalement sur le tapis, une laisse en cuire coincé dans sa grosse gueule de molosse. Ses longues oreilles mouchetées pendent de chaque côté de sa tête inclinée sur le côté. Un second jappement sonore s'échappe de ses babines gluantes. Et Henry se redresse sous moi, qui aie fini par quitter l'accoudoir pour ses genoux, bien plus confortables.
- Sauvez par le gong, Miss Peverell, me dit Henry en me souriant nerveusement.
Il m'aide à me relever avant de se mettre debout à son tour. Il tire vigoureusement sur le col de sa chemise et se passe une main dans les cheveux, puis sur le visage. Mes genoux, eux, n'ont pas fini de trembler. Qu'est-ce qui vient de se passer, exactement, avec Henry ?! Suis-je devenue folle au point de lui faire croire que je suis une fille facile ?! Comment pouvons-nous autant perdre le contrôle ?! Hier soir sur la colline, le baiser au Peeks contre le mur, cette nuit contre la porte de sa chambre, et là... sur le fauteuil.
A force de jouer avec le feu, on finit toujours par se brûler, me raille ma conscience, de mauvaise humeur.
On finit toujours par se brûler, oui... je sais... Un flash de Henry, jeune, dans le salon de Hortense, une poche de glace collée au visage, apparaît devant mon regard inquiet. Et si les choses devaient changer ? Si l'ordre des « importances et nécessités », comme dirait ma tante, devrait être inversé ? Que se passerait-il si demain, Henry et moi nous étions séparés pour toujours, si... je le perdais pendant une de ses missions ?
Mon cœur hurle de douleur... et cette envie irrémédiablement de jouer avec le feu revient danser dans mes entrailles.
Et si... l'envie de me brûler était plus forte que tout le reste ? Finalement... accepter ou renoncer, je n'avais plus qu'à faire mon choix. Et lorsque la porte claque derrière Henry et son chien, je réalise qu'à ma plus grande peur, mon choix est déjà fait.
A présent, je n'ai plus qu'à saisir cette opportunité.