C'était donc vrai, ce qu'elle avait vu était bien réel, Auruo était mort, une poutre en bois s'était plantée dans son dos, transperçant inévitablement son cœur lors de l'éboulement qu'avait causé la transformation d'Annie.
Elle était au chevet de Petra, assise dans le fauteuil en lui tenant la main pendant que la jeune femme lui contait la scène dans ses moindres détails, les larmes dévalant sur ses joues, mouillant sa peau d'un aspect semblable à celui d'une poupée.
Lors de l'explosion, Auruo s'était mis devant Petra alors qu'ils étaient encore dans les airs, pour la protéger de ce fameux projectile. C'est en s'écrasant au sol qu'ils se rendirent compte que celui-ci avait mortellement blessé l'homme qui était étendu par dessus la rousse. Mais le plus dur à raconter fut ce qu'il s'en suivit, lorsqu'elle l'accompagna dans ses derniers soupires, voyant la vie quitter peu à peu son être en écoutant attentivement les dernières paroles du condamné, qui ne concernaient enfaite qu'elle.
Oui, Auruo avait attendu d'être aux portes de la mort pour avouer ses sentiments à la jeune femme. Ils formaient un duo plus que fusionnel sur le terrain, mais personne ne se doutait de ce qu'il éprouvait compte tenu de leurs chamailleries incessantes et de son éternelle fierté. Oui personne, pas même elle.
« Je t'aime » lui avait-il dit avant de fermer les yeux, à jamais. Il voulait la protéger, il voulait qu'elle vive, et pour ça, il avait donné sa vie.
Élise s'efforçait de rester neutre, pour être une épaule solide sur laquelle la jeune femme pouvait se reposer, mais en réalité, son récit lui fendait le cœur un peu plus à chaque seconde. Elle se sentait coupable, elle était arrivée trop tard et n'avait rien pu faire pour les protéger cette fois-ci.
Et elle se demanda si la dernière nouvelle était pour l'achever : Petra allait quitter l'armée une fois remise sur pieds. Telle était la dernière volonté de leur défunt ami, qu'elle fuit cette vie remplie d'horreurs pour celle qu'elle méritait, pour être heureuse et elle comptait bien l'honorer en essayant de l'être.
La brune ne la retiendrai pas, parce qu'elle était du même avis que lui, elle méritait d'être heureuse et de se reconstruire, elle avait assez donné pendant plusieurs années, le temps était venu pour elle de respirer.
Concernant Erd, il était vivant, c'était déjà ça. Mais la barre de fer avait bien affaibli son membre inférieur et même s'il pourrait remarcher, se battre était une autre paires de manches. Il lui faudrait un long moment avant de retrouver sa mobilité complète et encore, il ne la retrouverait probablement pas intégralement. Le champ de bataille était fini pour lui aussi.
L'escouade Levi n'existait plus.
La caporal laissa ensuite son amie qui avait besoin de repos. Elle lui embrassa le front avant de quitter la pièce pour rejoindre Erwin et Hanji qui l'attendaient à l'extérieur.
Il la virent sortir puis refermer la porte, le regard bouleversé d'émotions, elle ne pleurait pas, mais ses yeux ne mentaient pas sur la douleur qu'elle ressentait intérieurement.
La chambre d'Eren se trouvait à quelques pas de celle de la rousse et s'y trouvait aussi Armin, Mikasa, Jean et Levi actuellement. Élise se dirigea d'un pas décidé vers la pièce, suivie de ses deux amis, interloqués par cette soudaine réaction.
Elle entra et trouva effectivement les cinq autres personnes qu'elle cherchait. Eren était assis sur le lit, Mikasa et Armin étaient à ses cotés tandis que Jean et Levi étaient adossés à deux murs différents de la pièce. Ils regardèrent la jeune femme passer la porte.
- Je veux aller boire un verre, annonça-t-elle d'un ton sérieux. Ce soir, précisa-t-elle ensuite.
- C'est ton état qui te fait dérailler à ce point ? Demanda Jean en regardant le pansement de la jeune femme.
- Ma tête va très bien et non je suis sérieuse, vous aussi les enfants, maintenant qu'on sait que vous êtes de notre coté je risque pas de regretter de vous avoir payé un coup, dit-elle en désignant les trois adolescent près du lit.
Aucun de ses interlocuteurs ne comprenaient sa soudaine intention, tous pensaient qu'elle devait vraiment être bouleversée pour agir d'une telle manière, et c'était un peu le cas en réalité.
- Je ne veux plus rester enfermée ici, on risque tous de mourir à chaque instant, demain sera peut-être notre dernier jour sur cette terre alors je veux profiter temps que je le peux, l'occasion ne se représentera peut-être plus, s'expliqua-t-elle. S'il vous plait...ajouta-t-elle comme dernier argument en se retournant vers Erwin et Hanji derrière elle.
- Moi je suis partante, décréta la scientifique en passant le bras autour des épaules de son amie, le sourire aux lèvres, tu vas venir hein Shorty ? Demanda-t-elle à l'intention du noiraud.
Celui-ci lança un regard à son ami blond situé derrière les deux femmes qu'il considérait comme pas nettes, Erwin lui adressa un signe de tête approbateur, il comptait y aller aussi, ce qui n'avait rien d'étonnant, pensa le caporal-chef, puisque la demande venait d'Élise. Il pesta néanmoins avant de répondre.
- Il faudra bien quelqu'un pour te ramener quand tu seras bourrée la binoclarde, lança-t-il. Mais je vous préviens, si ne serait-ce qu'un seul d'entre vous vomis sur moi, je vous laisse crever dans votre bave, menaça-t-il.
La réponse qu'elles qualifièrent comme positive du brun étira un sourire aux deux jeunes femmes qui pouffèrent légèrement.
- Je viens aussi, annonça Jean. Ça sera l'occasion de te voir soûle, ajouta-t-il en charriant sa tante.
- On verra lequel de nous deux finira bourré, rétorqua la brune.
Eren annonça ensuite qu'il se joignait à eux, Mikasa essaya de lui dire qu'il devrait se reposer mais il ne voulut rien entendre. De toute façon, Élise avait invité le brun et ses deux amis d'enfance, alors la jeune fille pourrait garder un œil sur lui toute la soirée si elle le souhaitait.
- Vous oubliez une chose, coupa Armin. La ville nous déteste après ce qu'on a fait.
- Ne t'en fais pas pour ça, le rassura Élise. Marc, le gérant du bar, est un ancien membre du bataillon, c'est l'un des rares endroits où nous pouvons nous rendre sans se prendre une rafale de haine et de mépris.
Elle avait réussi à convaincre toutes les personnes présentes dans la pièce. Les quatre adolescents étaient un peu déçu que leurs amis ne puissent pas participer aussi, mais ceux-là avaient été envoyés dans un bâtiment éloigné sous la surveillance de Mike et son escouade. Personne ne savait si d'autres traîtres se trouvaient parmi les murs alors ils valaient mieux écarter tout risque de nouvelle menace.
- Rendez vous dans le hall dans une heure, informa la caporal avant de quitter la pièce.
Erwin repartit travailler accompagné par Levi et Élise laissa Eren se reposer, elle arpentait les couloirs dans l'intention d'aller s'asseoir à une table du réfectoire pour manger un bout mais s'arrêta lorsqu'elle entendit des pas la rattraper en trottinant. Elle se retourna et reconnut Jean derrière elle.
Il n'était pas là pour une raison anodine : une histoire de cœur. Élise attendait et redoutait ce moment à la fois, elle savait qu'il en pinçait pour la jeune Mikasa depuis la première fois qu'il l'avait vu, il le lui avait dit. Mais elle savait aussi qu'elle n'était pas la meilleure personne pour lui donner des conseils à ce sujet n'ayant jamais été en couple. Son travail ne lui permettait pas vraiment d'envisager d'avoir une relation de ce genre, ne sachant jamais si elle reviendrait vivante de sa dernière mission ou non.
Le brun voyait en la soirée qui les attendait une occasion de se rapprocher de la jeune fille.
- Ce n'est pas pour te décourager, commença-t-elle en posant une main sur son épaule. Mais je crois que son cœur est déjà pris par quelqu'un, sous-entendait-elle en parlant d'Eren.
- C'est sûr que c'est facile à dire pour toi, répondit son neveu envieux.
La jeune femme arqua un sourcil, ne voyant vraisemblablement pas de quoi il parlait, elle lui dit qu'elle ne comprenait pas et celui-ci soupira.
- Arrêtes un peu, tout le monde a remarqué comment le major te regarde, expliqua-t-il exaspéré par elle.
La brune resta abasourdie un instant avant d'éclater d'un rire franc, fascinée par ce qu'une personne de son âge pouvait bien raconter. Elle essaya tant bien que mal de lui faire changer d'avis, lui expliquant qu'Erwin n'était qu'un ami et que ce qu'il insinuait était impossible.
- J'arrive pas à savoir si t'es complètement aveugle ou juste débile, lâcha-t-il à sa tante.
Cette remarque lui coûta une tape derrière la tête.
- Mais tout le monde le sait ! Se défendit-il.
Ce que voulait dire le garçon par « tout le monde » se résumait enfaite seulement à son groupe avec qui ils avaient déjà débattu sur ce sujet à plusieurs reprises. Il leur était même arrivé de se demander qui ferait le premier pas, même si cela n'enchantait pas Jean d'imaginer sa tante avec le blond.
Il soupçonnait aussi Levi et Hanji d'être au courant mais de ne rien dire. Rien d'étonnant pour le caporal-chef, en revanche, il était étonnant que la scientifique n'ait rien dit. Peut-être savait-elle que cela ne mènerait pas à grand chose, la preuve, Élise était totalement fermée à l'idée qu'Erwin éprouve des sentiments pour elle.
Il finit par abandonner en voyant que sa tante ne le prenait absolument pas au sérieux et se moquer plus de lui qu'autre chose. Il voyait quand même un point positif à cette situation : il avait réussi à la faire rire même après les lourdes nouvelles qu'elle devait encaisser.